Si Aiden Pearce demeure le protagoniste principal de Watch Dogs, il ne faudrait pas oublier pour autant un personnage secondaire d’une importance capitale : la ville de Chicago. Représentée de manière très réaliste par les développeurs, celle-ci demeure le théâtre privilégié des opérations et abrite une faune bigarrée avec laquelle le héros a fort à faire…

Une cité ultra-connectée

Pour Mathieu Leduc, art director sur Watch Dogs, le choix de Chicago s’est rapidement imposé : « Non seulement il s’agit de la ville technologiquement la plus surveillée des Etats-Unis, mais pour nous visuellement c’est le lieu de tous les contrastes : une urbanisation nouvelle, une architecture étonnante et une vraie diversité dans les arrondissements ».

Jeffrey Arriola, production manager sur Watch Dogs, ajoute même « Chicago offre une véritable diversité de communautés. Par exemple, il y a le quartier à la mode de Magnificent Mile ou encore le quartier rustique du Loop qui offrent à la fois l’aspect historique de la ville et une certaine modernité ». « Et il y a aussi le Park Square », renchérit Leduc, « qui constitue un peu le quartier espagnol et offre une section très colorée, remplie de demeures de style victorien et de petites rues truffées d’activités. Dans le même arrondissement, il y a aussi des centres commerciaux et des drive-in. C’est d’ailleurs le quartier le plus diversifié culturellement dans notre jeu avec des Latinos, des Asiatiques et des Afro-Américains ». Mais à Chicago, il y a visiblement un prix à payer pour conserver cette diversité et assurer la sécurité. En effet, Chicago est non seulement la ville américaine bénéficiant du plus grand réseau de caméras de surveillance (22.000 selon un article paru en mai 2013 sur le site DNAinfo.com), mais en plus, selon Vintechnology.com, elle se positionnait en 2011 en troisième position au niveau mondial derrière Beijing (400.000 caméras) et Londres (420.000 caméras). Pas étonnant dès lors que les développeurs de Watch Dogs aient situé leur jeu dans cette métropole. Et qu’ils aient imaginé un système de surveillance appelé CTOS (Central Operating System), vraisemblablement entre les mains d’une poignée d’individus mal intentionnés, qui régente et quadrille les différents quartiers de la ville par l’intermédiaire d’une vingtaine de terminaux informatiques. Des terminaux, plus ou moins difficiles d’accès, que le héros Aiden Pearce devra hacker au fil des cinq longs actes de l’aventure pour remonter à la source de ses problèmes…

Un réalisme de rigueur

Au niveau de la représentation de la ville, les développeurs s’étaient mis en tête de la transposer telle quelle dans leur jeu mais ils ont rapidement déchanté. « Nous avons fait le tour complet de Chicago avec l’idée de la reproduire à l’échelle réelle, rue par rue. Mais la ville est tellement grande qu’on a dû se résoudre à en choisir les principaux quartiers qui reflètent le mieux l’ambiance locale » avoue Jeffrey Arriola. « Parfois, nous avons aussi réuni en un seul arrondissement l’influence de deux ou trois quartiers » précise-t-il, « mais nous avons essayé de conserver tous les monuments et les points de repère importants de la ville, comme le gratte-ciel Willis qui est le second building le plus haut des USA, le Millenium Park, les tours de la Marina, les ponts ou encore le canal ».

Le résultat paraît bluffant non pas tant dans le souci du détail mais surtout dans l’ambiance qui se dégage globalement. Mathieu Leduc explique d’ailleurs cette impression : « L’idée pour la direction artistique était de donner à cette ville de Chicago un réalisme fort autant dans l’esthétique que dans l’esprit. Mais le plus important était d’y inclure aussi une tonalité dramatique renforcée par le fait que l’action se déroule au mois de novembre avec un temps froid, une météo pluvieuse et un ciel nuageux. Cela constitue d’ailleurs l’ambiance typique de la côte est à cette période ».

A ce titre, le studio Ubisoft Montréal s’est arrangé pour instaurer des systèmes dynamiques afin de gérer intelligemment la météo et le cycle jour / nuit. « Nous avons tenté de trouver le bon équilibre entre le jour et la nuit, ce qui a pour effet de donner un look très différent à la ville, la nuit aboutissant par exemple dans certains quartiers à des rues inquiétantes et désertes » raconte Arriola. « Et côté météo » ajoute-t-il, « cela peut aller par exemple de la journée très chaude avec un soleil de plomb au coucher de soleil nuageux à la suite duquel il commence à pleuvoir. Et comme nous voulons raconter une histoire, de temps en temps, nous déclenchons une météo spécifique en un endroit précis pour renforcer l’atmosphère du jeu ».

Des autochtones très variés

Au fil de ses balades au sein de Chicago, Aiden Pearce est amené à croiser un nombre considérable de personnes sur lesquelles il est possible d’obtenir un tas d’informations en piratant leurs téléphones. Pour que l’expérience soit la plus réaliste possible, les développeurs ont ainsi créé un étonnant système qui « permet de générer de manière aléatoire une base de données de profils simplement en indiquant noms, prénoms et métiers ainsi que des événements notoires qui se sont produits dans la vie de ces personnages non jouables » avoue Kevin Shortt, lead writer sur Watch Dogs.

Il explique également que « Le tout est combiné aléatoirement avec des critères physiques, tels qu’homme, femme, petit ou grand, mais aussi des moyens d’expression comme des textos ou des conversations téléphoniques que nous avons écrits auparavant. Tous ces éléments mélangés créent de nouvelles identités et nous n’avons d’ailleurs aucune idée de ce à quoi aboutit le profil final de tous ces personnages. Si bien que lorsque vous jouez, vous ne pouvez pas rencontrer deux fois le même profil».

Avec plus de 2,7 millions d’habitants présents dans la vraie ville de Chicago, nul doute qu’Aiden aurait du pain sur la planche pour mettre à jour tout le monde. Cela dit, dans le jeu, certains passants ne possèdent pas de téléphone portable ou font preuve d’une volonté farouche de ne pas céder à la pression imposée par le héros. Mais c’était sans compter sur le talent de celui-ci concernant l’ingénierie sociale, c’est-à-dire la manière dont il peut, simplement en parlant et en exploitant les failles humaines, influencer sa cible et obtenir les informations qu’il désire. Dans Watch Dogs, Aiden est visiblement amené à souvent recourir à ce don, surtout face à des individus évoluant de manière souterraine dans l’univers du hacking…

Hackers et Fixers

Désireux d’éviter la caricature, les développeurs ont d’ailleurs d’emblée mis les choses au point sur la notion de hacking inhérente à Watch Dogs. Thomas Geffroy, brand content director, déclare ainsi « on a commencé avec un jeu « open world » dans une ville, avec l’ambition de faire de cette ville un acteur vraiment fort du gameplay. Du coup, les notions de smart city, hacking, vie privée et individualité sont venues se greffer au fur et à mesure. Ensuite, l’affaire Snowden est arrivée avec toutes ses révélations qui sont venues nous conforter. La notion de hacker a été très galvaudée et présentée de manière négative pendant les vingt dernières années. Aujourd’hui, le public commence à percevoir cette culture du hacking, non pas comme criminelle mais comme un état d’esprit et une manière de voir les choses ».

Résultat : hormis Aiden, l’aventure présente six ou sept personnages forts qui contribuent beaucoup à l’histoire et dont font partie plusieurs membres du groupe secret de hackers DedSec, spécialiste du détournement de slogans sur les affiches placardées un peu partout en ville. Parmi eux devraient figurer BadBoy17 alias Clara Lille, une jeune franco-canadienne, et T-Bone Grady, un hacker à l’ancienne plutôt célèbre, doublé d’un sculpteur. Ce dernier désire se retirer du milieu pour se concentrer sur son art mais Aiden va l’obliger à revenir à ses premières amours. Figurent également au casting de Watch Dogs les Fixers, des individus peu scrupuleux et onéreux rendant des services spécifiques (cacher un corps, trouver des renseignements…). Un peu l’équivalent de Mr Wolf (Harvey Keitel) dans Pulp Fiction.

L’équipe d’Ubisoft Montréal se montre d’ailleurs plutôt fière du leader des Fixers, l’Américano-Japonais Jordi Chin, comme l’avoue Kevin Shortt, lead writer sur Watch Dogs : « Le tout premier personnage que nous avons inventé est Jordi Chin et j’avoue que je l’aime particulièrement, surtout depuis que Aaron Douglas (Galen Tyrol dans Battlestar Galactica, nda) lui prête sa voix ». Shortt donne aussi quelques informations sur la personnalité de celui-ci : « Jordi est charmant, plutôt cool, mais c’est tout à fait le genre de type que vous ne voudriez pas avoir comme ami car il est vraiment flippant et n’est motivé que par l’argent. D’ailleurs, si Aiden est amené à travailler avec lui, il garde néanmoins ses distances ». Agé de 33 ans, Chin a un goût prononcé pour les vêtements de marque et ressemble à s’y méprendre au héros tourmenté de Old Boy, incarné par l’acteur sud-coréen Choi Min-sik. Bref, de quoi accentuer encore un peu plus le côté paranoïaque de l’aventure et donner au joueur l’envie furieuse de s’immerger dans les bas-fonds de Chicago…

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