FICHE TECHNIQUE
- Réalisateur : Scott Waugh
- Acteurs : Aaron Paul, Dominic Cooper, Imogen Poots, Michael Keaton
- Scénario : Georges Gatins d’après les jeux vidéo créés par Electronic Arts
- Production : Patrick O’Brien, John Gatins et Mark Sourian
- Distribution : Metropolitan Films
- Durée : 2h05
- Sortie nationale : 16 avril 2014
Près de 150 millions de jeux écoulés à travers le monde et plus de 4 milliards de dollars de recettes. Assurément, la série Need For Speed se révèle aussi populaire que rentable pour son éditeur Electronic Arts. Il était donc presque logique que celle-ci hérite aujourd'hui d'un long-métrage. Et que le résultat rejoigne directement le cimetière encombré des adaptations ciné de jeux vidéo...
NB : Attention, cette critique contient plusieurs spoils...
Des intentions louables pour un scénario inexistant
Bullit, Grand Prix, Duel ou encore French Connection... C'est à ces films de genre des années 60/70, dotés de séquences de poursuites spectaculaires et réalistes, que le réalisateur Scott Waugh semble vouloir se référer tout au long de Need For Speed. Tout du moins sur le papier. Car, dans les faits, cet ancien cascadeur passé à la production et la réalisation (on lui doit l'inédit Act of Valor) ne parvient jamais à faire vibrer le spectateur. La faute d'abord à un scénario qui fait passer la saga Fast and Furious pour un chef-d'oeuvre de la littérature. Signée John Gatins, auteur de Real Steel et Flight, l'histoire plonge Tobey Marshall (Aaron Paul), un mécanicien talentueux doublé d'un pilote chevronné, dans une course contre la montre à travers les Etats-Unis. En effet, après quelques péripéties sans intérêt durant un tiers du métrage et un passage en prison, il découvre qu'il a 45 heures pour traverser les USA et rejoindre San Francisco. Le but est de participer à la course légendaire De Leon et, par la même occasion, prouver son innocence dans l'accident mortel de son meilleur ami.
Au passage, le cinéphile notera la grande similarité du script, y compris vis-à-vis des seconds rôles, avec le road movie Point Limite Zéro (1971) dans lequel un vétéran du Vietnam, à la suite d'un pari, entreprend de rallier Denver à San Francisco en moins de 15 heures, poursuivi par toutes les forces de police. Evidemment, ces dernières sont présentes dans Need For Speed mais sont constamment tournées en ridicule. Excepté sur la fin, où, de manière plus surprenante et jouissive, elles utilisent les moyens les plus vicieux pour stopper les concurrents de la De Leon (l'esprit des jeux se fait alors plus présent). Reste toutefois que le film ne présente globalement aucun enjeu intéressant pour le spectateur. Et encore moins pour les protagonistes masculins, sauf comparer en permanence la taille de leur cylindrée pour déterminer qui a la plus grosse...
Un casting au charisme proche du néant
Comparé aux superbes bolides qui peuplent le film, l'ensemble des protagonistes fait plutôt grise mine. Rien de plus normal dans un jeu Need For Speed mais pour un film, la pilule passe moins facilement. Les acteurs manquent ainsi cruellement de charisme, surtout face aux héros de la saga surfant sur le même créneau Fast and Furious, tels que Vin Diesel, The Rock ou Paul Walker, dont Aaron Paul partage ici seulement... le prénom. En incarnant Jesse Pinkman dans la série Breaking Bad, ce dernier jouait parfaitement sur son côté jeune chien fou paumé, inconscient et imprévisible. Dans le rôle de Tobey, Aaron Paul ne s'avère hélas pas du tout crédible tant il surjoue en permanence le gaillard sûr de lui, tantôt à l'aide d'un sourire mièvre en coin, tantôt à coups de lunettes noires chaussées derrière le volant (pratique quand on roule à plus de 200 km/h en centre-ville !).
Cerise sur le cake : cette scène où il se précipite au ralenti et grimaçant de chagrin sur les lieux de l'accident de son meilleur pote, le tout accompagné d'une musique sirupeuse à souhait. Ridicule. Idem pour l'actrice Imogen Poots (Chatroom, Fright Night) enlaidie et pourvue d'un accent british délibérément forcé, qui interprète Julia, la compagne de route de Tobey. Même chose pour le bellâtre Dominic Cooper (la mini série télévisée Fleming) dans la peau du méchant Dino, responsable de tous les maux du héros, qui affiche un air perpétuellement grave à la "j'te jure, j'ai rien fait même si c'est pas vrai". Mais le pompon est décroché sans problème par Michael Keaton, le Batman de Tim Burton en personne dans le rôle du Monarque, ancien pilote de course devenu milliardaire et organisateur de la course De Leon. Du fond de son fauteuil, ce dernier suit en direct l'évolution de Tobey, via ses écrans de contrôle. En tentant de se la jouer commentateur sportif surexcité, digne d'un match de Rocky Balboa, Keaton cabotine comme jamais, sombre dans le ridicule et se retrouve rapidement en roue libre... Un comble pour un film de caisses !
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Ringard de A (comme Aaron) à Z (comme Zygomatique)
Certes, l'amateur de belles voitures et de tuning risque de frôler l'orgasme dans Need For Speed, tant les supercars s'avèrent rutilantes et le son de leur moteur particulièrement travaillé. Koenigsegg Agera R, Lamborghini Sesto Elemento, GTA Spano, Bugatti Veyron, McLaren P1... Elles y sont toutes ou presque ! Mais c'est surtout la Ford Mustang - trafiquée par Tobey pour atteindre les 370 km/h - qui représente l'attraction principale, car elle est à l'écran les trois-quarts du métrage. Tout cela n'est pas dû au hasard puisque la marque Ford souhaitait célébrer le 50ème anniversaire de la création de sa Mustang par l'intermédiaire de ce film qui devient alors un joli support publicitaire. La mise en scène relativement impersonnelle de Scott Waugh tente d'ailleurs parfois de se mettre au diapason, à travers des plans estampillés années 90, à la Tony Scott dans Jours de Tonnerre. Le montage - à la serpe - y ajoute une impression de bouillie ingurgitée de force, y compris pendant les scènes normales, hors courses, juxtaposées sans aucune transition. Même les zygomatiques ne fonctionnent pas, les rares tentatives d'humour se soldant par un échec. Comme cet acolyte de Tobey qui, reniant son travail d'employé de bureau, se met soudainement tout nu pour rejoindre tranquillement le héros à l'extérieur. Ou encore le personnage de Benny qui suit l'évolution de Tobey depuis les airs et lui indique raccourcis et présence policière en changeant progressivement de véhicule (du biplace Cessna à l'hélicoptère Apache en passant par l'imposant Sikorsky). Même pas drôle.
Heureusement, Waugh réussit parfois quelques cascades efficaces et sans trucage. A l'instar de la "Double Sauterelle" qui fait passer la Mustang au-dessus d'une trois-voies encombrée. Ou l'accident spectaculaire de Tobey accompagné d'un incroyable roulé-boulé en voiture, duquel il sort d'ailleurs indemne et même pas sonné (!). Le clou du film s'avère toutefois la compétition finale d'une vingtaine de minutes et opposant six concurrents acharnés (Texas Mike, English Paul...) qui passent hélas beaucoup trop vite à la trappe. Cela dit, la course reste plutôt distrayante et réussit même à retranscrire à l'écran l'esprit des Need For Speed à travers le chaos ambiant, la police agressive et quelques plans en caméra subjective à l'intérieur des cockpits. A cela, il faut ajouter aussi au moins deux clins d'oeil vidéoludiques gratuits mais bien vus : la figurine de Mario posée sur un bureau tout au début du film et l'équipe de garagistes jouant à un épisode de Need For Speed en écran splitté. Bien entendu, tout cela ne rattrape absolument pas au final le gâchis pelliculé général, trop long (2h05), mal fagoté, mal joué et ultra aseptisé à l'image même de la musique (du rock californien démodé excepté le sympa "Roads Untraveled" de Linkin Park). Bref, un film qui fera s'arracher les cheveux à la sécurité routière, mais aussi et surtout aux spectateurs fans (ou pas) de jeux vidéo...
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