A l'occasion de la présentation exclusive de son nouveau jeu, The Evil Within, et de la visite de son nouveau studio Tango Gameworks, le créateur de Resident Evil, Dino Crisis et Vanquish, répond à nos questions…
Jeuxvideo.com > Que pensez-vous actuellement du genre survival-horror ?
Shinji Mikami : Pour moi, le survival-horror doit représenter l'équilibre parfait entre deux facteurs : l'horreur à l'état pur et l'action qui permet de tuer des créatures maléfiques. Les jeux horrifiques, dont Resident Evil, ont démarré de cette manière et c'est pour cela que les fans les ont adorés et qu'ils ont eu tant de succès. Mais au fil du temps, à mesure que cela devenait des séries, l'action a nettement pris le pas sur la terreur. Ce que je veux faire avec The Evil Within, c'est revenir clairement aux bases.
Jeuxvideo.com > Comment percevez-vous l'évolution de ce genre dans le futur ?
Shinji Mikami : Il est probable qu'il va continuer à produire des jeux et séries privilégiant l'action, davantage que la peur, afin de séduire plus facilement un public toujours plus large. Toutefois, de mon côté, avec The Evil Within, j'ai pris la décision pleinement consciente de maintenir cet équilibre entre terreur et action. L'avantage que nous avons par rapport aux autres est qu'il s'agit ici d‘un titre 100 % original. Donc nous n'avons pas à suivre de préceptes particuliers. Nous disposons d'une très grande liberté et pouvons nous montrer beaucoup plus flexibles.
Jeuxvideo.com > Quelles sont vos influences principales, notamment vos références cinématographiques, pour The Evil Within ?
Shinji Mikami : Personnellement, j'ai trouvé mon inspiration essentiellement dans les films d'horreur des années 90. J'en apprécie l'esprit particulier que j'ai essayé de retranscrire dans The Evil Within.
Jeuxvideo.com > Peut-on en savoir davantage sur Sebastian ainsi que ses collègues ?
Shinji Mikami : Le scénario se rapporte entièrement au personnage principal, l'inspecteur de police Sebastian. Il possède deux collègues : un masculin nommé Joseph, qui présente des origines japonaises, et un féminin, plus jeune et que tout le monde surnomme Kid. Hormis ces trois protagonistes, l'aventure contient bien entendu d'autres personnages uniques, dont un, en particulier, très important dont je ne peux rien dire pour l'instant.
Jeuxvideo.com > Sera-t-il possible de jouer ces différents personnages, en plus de Sebastian, à l'instar de certains épisodes de Resident Evil où figurait Ada Wong par exemple ?
Shinji Mikami : Le parti pris de l'aventure est de se focaliser sur Sebastian et ses collègues, ainsi que sur la manière dont ils doivent s'entraider pour survivre à l'expérience qu'ils traversent. Cependant, parce que c'est avant tout un jeu horrifique, j'ai fait en sorte de respecter cette composante essentielle qui est que le héros, Sebastian, doive se retrouve seul et livré à lui-même la plupart du temps pendant l'aventure.
Jeuxvideo.com > The Evil Within évoque par certains côtés la saga Silent Hill, tantôt au niveau graphique avec ce grain esthétique particulier, tantôt du côté du design de certains ennemis…
Shinji Mikami : Nous ne prêtons pas beaucoup attention à ce que font les développeurs sur les autres séries horrifiques. C'est d'ailleurs un bon moyen pour éviter les références abusives. Nous préférons rassembler dans l'aventure les idées issues de chaque membre de l'équipe que nous trouvons à la fois effrayantes et convaincantes. Cela dit, certaines influences, notamment du cinéma, sont particulièrement bienvenues, comme la créature de fin de démo avec les longs cheveux noirs qui renvoie au personnage de Sadako dans Ring.
Jeuxvideo.com > Le jeu est également développé pour la prochaine génération de consoles. Qu'est-ce que cela pourra apporter de plus aux joueurs ?
Shinji Mikami : Je ne peux pas vous donner de détails, mais nous essayons simplement de tirer profit du hardware de ces nouvelles machines pour amplifier l'expérience horrifique, afin de servir au mieux l'aventure. Comme l'amélioration évidente des graphismes…
Jeuxvideo.com > Quel effet cela fait de devenir soi-même au fil des années une vraie référence du genre survival-horror auprès des autres développeurs mais aussi de certains cinéastes ?
Shinji Mikami : Je n'en ai pas vraiment conscience. Je me contente de me focaliser sur ma priorité principale, à savoir concevoir le meilleur jeu possible.
Jeuxvideo.com > Au sein de l'industrie du jeu vidéo, vous avez pratiqué de nombreux métiers, même très brièvement, tels que planificateur, conseiller ou superviseur...
Shinji Mikami : Dans le jeu vidéo, mon expérience reste valable essentiellement dans la création, la réalisation et la production. Etre réalisateur est sans conteste l'expérience la plus fun parmi les trois. Et je peux vous dire que je déteste le job de producteur !
Jeuxvideo.com > Est-ce la raison pour laquelle vous avez souvent créé votre propre studio de développement ? Afin d'être plus indépendant et avoir davantage de liberté ?
Shinji Mikami : La raison principale est que j'ai toujours souhaité être au plus proche du processus de développement d'un jeu. Cela dit, c'est aussi un excellent moyen d'attirer les jeunes créateurs les plus talentueux.
Jeuxvideo.com > Quand vous travailliez avec Capcom, la situation paraissait assez compliquée à l'époque de Resident Evil 4. Il semble que des tensions existaient entre l'éditeur et vous, du fait que le jeu, annoncé en exclusivité sur GameCube, est finalement sorti aussi sur PlayStation 2 mais développé par une autre équipe…
Shinji Mikami : Il existe des tensions internes dans toutes les compagnies. Et il n'y en a pas une pour rattraper l'autre. J'ai travaillé avec Capcom pendant de nombreuses années et nous avons fait un sacré bout de chemin ensemble. Je considère donc que cela fait maintenant partie du passé.
Jeuxvideo.com > Kenji Inafune, producteur d'Onimusha et Dead Rising, a déclaré récemment que les développeurs japonais ne parvenaient pas à évoluer et demeuraient trop fiers pour s'inspirer du savoir-faire des développeurs occidentaux. Quel est votre point de vue ?
Shinji Mikami : Je suis d'accord avec lui. Cela dit, notre studio Tango Gameworks travaille main dans la main avec l'éditeur américain Bethesda/ZeniMax. Il nous apporte un soutien inconditionnel et nous permet d'avoir une vision mondiale du marché.
Jeuxvideo.com > De nombreux joueurs attendent impatiemment de nouvelles versions de Dino Crisis et même du délirant God Hand. Peut-on espérer quelque chose prochainement ?
Shinji Mikami : God Hand est de loin mon jeu préféré et j'aurais vraiment souhaité en réaliser une nouvelle version. Malheureusement, les deux titres demeurent la propriété exclusive de Capcom. Donc seule cette compagnie peut décider de mettre en chantier quelque chose…