Il ne vous aura pas échappé que, de temps à autre, l'enthousiasme autour d'un jeu durant les mois qui précèdent sa sortie peut subitement s'effondrer comme un soufflé au moment du test. Ce n'est pas si fréquent, mais ça n'est pas rare pour autant, et il est bien normal que la chose puisse paraître déstabilisante pour le lecteur. Notez d'ailleurs que l'inverse est tout aussi vrai, si ce n'est que fatalement, quand l'opinion qu'on se faisait d'un jeu évolue dans le bon sens, on le remarque nettement moins. Nous nous sommes dit qu'il serait bon d'expliquer plus clairement pourquoi - chez nous comme dans beaucoup d'autres médias - une suite d'aperçus se concluant sur de très bonnes impressions peut être, in fine, suivie d'un test mitigé. Bienvenue dans les coulisses des previews.
L'aperçu n'est qu'un bref coup d'oeil
Il y a encore quelques années, la plupart des previews pouvaient être réalisées sur une version envoyée aux rédactions. Une bêta contenant parfois l'ensemble du jeu encore pétri de bugs, ou simplement une poignée de niveaux. De quoi passer plusieurs heures sur la bête, et se faire une première idée du jeu, sans trop tenir compte des problèmes de finitions inhérents à un jeu encore en développement. Malheureusement, la pratique se fait rare, les développeurs aimant de moins en moins l'idée de nous laisser tripoter leur bébé en gestation, même si à l'heure où sont écrites ces lignes, un de mes camarades a sous les mains et sur son bureau les quatre premiers chapitres d'un certain FPS coopératif. Aujourd'hui, la grande majorité des aperçus sont issus de présentations, également appelées dans notre jargon super branché : une prés'.
La première chose à retenir en lisant un aperçu, c'est que le bloc final se nomme "nos impressions", pas "notre verdict". Des impressions qui portent sur un bref moment, un point précis, et qui expriment le potentiel d'un jeu ou d'une de ses mécaniques, pas sa qualité finale assurée et garantie. Notez également que les conditions d'écriture sont presque systématiquement décrites dans le texte quand il s'agit d'une présentation sans session de jeu. Durant la visite d'un studio, il arrive que l'éditeur donne l'autorisation aux journalistes de passer trente minutes, une heure, deux heures à jouer pour livrer un avis.
Les aperçus réalisés pendant un salon
Sur un salon, comme l'E3 ou la gamescom, ce sont de plus en plus systématiquement les présentations "hands off" qui prévalent, les développeurs réunissant des groupes de 5 à 15 journalistes devant un bel écran sur lequel ils peuvent voir le jeu tourner pendant une demi-heure, écoutant attentivement les explications données par un représentant du studio ou de l'éditeur. 30 minutes, c'est le temps que peut prendre la présentation de l'interface, des innovations et du moteur 3D d'un jeu de gestion par exemple. Des points bien précis qu'on peut trouver brillants dans la forme et relayer, avec enthousiasme, dans un reportage vidéo ou un texte. Mais il est évident que personne ne peut oublier qu'on ne se forge pas un avis définitif sur un jeu de gestion avant d'avoir passé de longues heures dessus et exploré ses limites. Le conditionnel est toujours de rigueur dans ce genre d'articles ou de vidéos dont le but premier reste avant tout de faire circuler une information sur un contenu.
Tiens, ça ressemblait pas à ça
Le cas d'école qui illustre à la perfection le problème que pose la pratique des previews dans le jeu vidéo, pratique qui est d'ailleurs assez unique à ce milieu, c'est Star Wars : Le Pouvoir de la Force 2. Cas heureusement assez rare, qui repose sur une démo jouable proposée à la presse et qui n'a en fait pas grand-chose à voir avec ce qui formera réellement le coeur du jeu. Le Pouvoir de la Force II a une particularité : il démarre sur les chapeaux de roue et retombe ensuite complètement à plat. Voilà le panneau dans lequel on peut tomber en livrant ensuite ses impressions sur une démo virevoltante, dont le contenu est de surcroît modifié par rapport à ce que le même niveau deviendra dans la version commerciale du jeu. Seulement ça, on ne peut pas le deviner. Et lorsqu'on doit dire ce qu'on a pensé de ce premier contact, le résultat sera forcément positif. C'est une fois la version finale du jeu entre les mains qu'on prend conscience du numéro d'illusionniste. Même si le jeu de Lucas est resté un exemple marquant, il demeure aussi l'un des plus extrêmes. Mais sur le principe, l'idée reste valable.
La pièce du boucher, ou le syndrome de la bande-annonce
Contrairement à un échantillon gratuit de charcuterie qui a généralement le même goût que le saucisson sur lequel on l'a tranché, l'échantillon gratuit d'un jeu ressemble à celui d'un plat composé. Il est toujours issu du meilleur morceau. Par contre, on se garde bien de vous montrer qu'il y a aussi des cardes bouillies dedans et qu'en plus la portion de viande est congrue. Pour faire une analogie peut-être plus pertinente, combien de singles démentiels finissent par s'insérer dans des albums tout juste moyens qu'on regrette amèrement d'avoir achetés ? Que celui qui n'a jamais été convaincu par une démo pour finalement sombrer dans la déception sorte du rang. Quand un éditeur expose un jeu, aux joueurs ou à la presse, il en montre la meilleure part, et parfois, pas toujours mais parfois, la seule bonne part. Dans le même ordre d'idées, une mécanique de gameplay séduisante sur une courte session de jeu peut se révéler pénible ou mal exploitée (ou trop) lorsqu'on passe une dizaine d'heures sur le titre. Elle devient un simple gimmick et pas l'idée brillante qu'elle semblait être. Ca ne l'empêche pas d'être excitante sur le coup.
Voilà donc pourquoi on peut voir plusieurs fois un jeu sous son meilleur jour et s'enthousiasmer pour finalement, lors du test, réaliser qu'on avait déjà vu le meilleur en preview et que tout le reste n'est que fioritures et remplissage. Il est d'ailleurs déjà arrivé qu'un premier aperçu soit sanctionné par un "Très Bon", mais qu'un second se contente d'un Moyen. Ce qu'il vous faut retenir avant tout, c'est qu'un aperçu n'est que la transcription de nos impressions sur un passage ou un point précis et qu'il a surtout pour but de relayer ce que l'on sait d'un jeu et de son contenu : il est plus informatif que qualitatif.
Dinowan, rédacteur sur jeuxvideo.com depuis 2002