Comme vous l'avez sans doute lu dans notre dernière mise à jour de la news traitant du sujet, le fameux bug ayant paralysé des millions de PS3 à travers le Monde a pris fin. Ce véritable bug de l'an 2000 à la sauce Sony, qui restera dans les mémoires sous le doux nom de bug du 1er mars 2010, fut une première dans l'histoire de l'industrie du jeu. A l'heure où les consoles deviennent de plus en plus sophistiquées, c'est pourtant une erreur stupide qui a provoqué une réaction en chaîne, démontrant les risques de systèmes parfois trop interdépendants, puisqu'une simple erreur de date suffit à faire flancher un système de récompense un peu superflu (Trophées) qui empêche purement et simplement de jouer. Petit résumé de la journée noire de la PS3.
Résumé de la journée du 1er mars
Le problème commence donc le 1er mars, à 0h00. Les utilisateurs de PS3 antérieures à 2009 et dites "fat" ne peuvent plus accéder au Playstation Network obtenant le code d'erreur 8001050F, puis ils constatent que leur machine a redéfini la date du jour au 1er janvier 2000. Ensuite, c'est l'escalade, certains jeux ne fonctionnent plus, refusant de se lancer ou redémarrant en boucle, parmi eux, le tout juste lancé Heavy Rain. Le système de Trophée part en sucette lui aussi, incapable de se synchroniser au PSN, provoquant là encore l'éjection du jeu. Les jeux téléchargés refusent de se lancer pour des raisons de copyrights, de même que les contenus vidéo téléchargés en location.
Ce sont les forums qui se font les premiers l'écho du problème. Sony va alors commencer à réagir via Twitter et le blog officiel Playstation pour expliquer être conscient du problème qui semble encore à leurs yeux assez mineur. Une nouvelle mise à jour en provenance des USA laisse penser que la situation reviendra à la normale "dans la matinée". La paralysie dure depuis déjà plus de 9 heures. Très vite, toute la presse s'empare du sujet, et pour cause, elle est touchée comme tout le monde. Et c'est là que l'on découvre que si les machines commerciales sont affectées, c'est également le cas des machines dites debugs qui servent à la presse pour tester les jeux en provenance des développeurs.
Rapidement, les plus malins commencent à cerner l'éventuel problème, notamment chez les bricoleurs du forum NeoGaf. Ce serait l'horloge interne de la console qui serait à la source du problème à cause d'un mauvais calcul des années bissextiles. Aux environs de 12h, trois autres nouvelles arrivent. Tout d'abord, Sony Europe communique à son tour mais se veut bien moins rassurant que son voisin américain, expliquant être dans l'incapacité de donner un délai à la résolution du bug, Sony va d'ailleurs fortement déconseiller aux utilisateurs de tenter de connecter leur machine au PSN, le constructeur laissant entendre que le problème proviendrait du réseau et non d'un défaut de conception. Parallèlement, alors que la théorie de l'horloge interne prend de la vitesse, des doutes commencent à être émis sur la possibilité pour Sony de résoudre le problème à distance, les protections antipiratages de la consoles bloquant justement l'accès à l'horloge interne. Vers 15h, par le biais du magazine Develop, le fait que les développeurs travaillant sur PS3 se retrouvent au chômage technique se confirme. Le retentissement de l'événement est colossal, toute la presse spécialisée en parle depuis le petit matin, mais même la presse généraliste s'en mêle.
En fin de journée, Sony communique de nouveau après un long silence. Le constructeur annonce que le problème a été identifié et sera corrigé dans les 24h, confirmant au passage qu'il vient bien de l'horloge interne. Au final, le problème n'a pas été corrigé mais s'est résolu de lui-même.
La source du bug : le 29 février 2010
Comme beaucoup le pensaient, c'est donc bel et bien l'horloge interne des premiers modèles de PS3, ceux sortis avant 2009 qui est à blâmer. L'horloge interne est à différencier des paramètres d'heure et de date que l'on ajuste manuellement, or, dans le cas présent, Sony a commis ce qu'il convient d'appeler une grosse, voire une énorme boulette en calculant mal l'enchaînement des années bissextiles. Conséquence ? La console s'efforce de trouver un 29 février 2010 qui n'existe pas lorsque survient le 1er mars. Sans date correcte, c'est tout le système qui s'effondre, les paramètres non valides bloquent l'accès au PSN, donc aux trophées, donc aux jeux. Les contenus téléchargés en location ne savent plus qu'ils existent ou s'ils ont expiré, de même que ceux qui sont achetés. Les théories les plus optimistes voulaient que le problème se résolve de lui-même, c'est exactement ce qui s'est produit. Une fois la date litigieuse du 29 février/1er mars passée, les consoles touchées ont fait le saut. Ce matin, les PS3 affichent donc la date du 1er mars, il ne reste à l'utilisateur qu'à corriger la date. On peut estimer à plus de 20 millions le nombre de machines qui se sont retrouvées bloquées, sur un total de plus de 30 millions de PS3.
Un cas isolé ? La PS3 est-elle plus vulnérable ?
Si spectaculaire qu'il soit, ce genre de bug n'est pas une première. Le plus connu est celui de l'An 2000... qui n'a en fait eu aucune répercussion. Pour ceux qui auraient oublié cette chimère médiatique, le bug de l'an 2000 posait le problème de la réaction des machines (du magnétoscope aux distributeurs de billets en passant par les appareils des contrôleurs aériens) dont la numération ne comptait que 2 chiffres, de 00 à 99. La question était : "Au 1er janvier 2000, les machines vont-elles passer à un autre cycle ou revenir en arrière ?" Une pseudo panique voulait que le monde soit plongé dans l'obscurité parce que les centrales électriques tomberaient en panne, des magnétoscopes Year 2000 Ready se vendaient par palettes et certaines entreprises ont dépensé des fortunes en experts et dépannages qui se sont pour la plupart avérés complètement inutiles.
Microsoft a connu de son côté exactement le même problème que Sony mais dans des proportions moins importantes. Son lecteur multimédia Zune a sa propre casserole, le bug du 31 décembre 2008. Ce jour précis, la plupart des lecteurs de première génération ont tous freezé à la même heure en raison d'un mauvais calcul des années bissextiles. Une simple mise à jour du firmware et un redémarrage forcé ont suffi à résoudre le problème. Mais finalement, on se rend compte que la même aurait pu se produire sur Xbox 360.
Plus un système est complexe...
...plus il a de chance de s'effondrer à cause d'un détail. Ici, c'est une erreur franchement stupide. Chez Microsoft, la Xbox 360 a son RRoD, l'erreur fatale qui est fortement soupçonnée d'être provoquée par un problème de répartition de la chaleur qui a terme altère le "PCB" et les soudures de la carte mère. La Wii a plus d'une fois été mise en cause pour des histoires de DVD rayés. Et on peut remonter comme ça bien loin, les joueurs NES se souviennent encore d'avoir soufflé sur leur cartouches pour retirer la poussière des contacts trop exposés. Une solution bâtarde qui à force de répétition finissait par créer l'apparition de moisissure sur les contacts (à cause de l'humidité présente dans le souffle) et donc leur corrosion. Toutes les machines ont leurs pannes idiotes.
Dépendance des systèmes, centralisation, serveurs distants de contrôle des contenus... Bienvenue dans l'ère de l'usine à gaz !
Malgré le bruit qu'il a fait, le bug du 1er mars 2010 est finalement assez anodin car sans réelle gravité. Même si on suppose que le responsable de l'algorithme de calcul des années bissextiles n'est pas du même avis vu qu'on doit le traiter comme un véritable terroriste à l'heure qu'il est chez Sony. Toujours est-il qu'il est révélateur d'un problème très actuel. Soucieux d'un maximum de contrôles, éditeurs et constructeurs profitent de l'explosion des réseaux pour connecter et rendre interdépendantes des choses qui ne devraient pas l'être.
Dans le cas de la PS3 il est frappant de se pencher sur ce qui a empêché les joueurs d'utiliser leur machine dans son but premier et essentiel : jouer. Et bien c'est le système des Trophées, en grande partie (pas uniquement). Lancez un jeu, il va vouloir synchroniser vos Trophées, ces petites récompenses qui, si elles peuvent avoir un intérêt de collectionneur ou de perfectionniste, sont finalement parfaitement dispensables au jeu. Bloquez pour une raison ou une autre les rouages de cette mécanique qu'est-ce qui prend le dessus ? Le dispensable. Tout ça pour une erreur de date. Là, il y a comme un os.
Si on avance plus loin, c'est tout le problème du contrôle des contenus à distance et d'interdépendance qui montre ses limites. Sur consoles, on associe tout notre contenu à un compte dont la survie dépend de ce qu'il se passe à l'autre bout du Monde. Une tasse de café renversée et ce sont quelques millions de joueurs qui peuvent rencontrer un problème.
Les systèmes de DRM supposés lutter contre le piratage (sans avoir jamais prouvé leur efficacité) contrôlent l'usage d'un produit numérique à distance, certains faisant des contrôles réguliers. Si le serveur distant ne peut être joint parce qu'il est en maintenance, en panne ou que votre connexion Internet est tombée, vous êtes prié d'attendre pour utiliser ce que vous avez acheté.
L'avenir ? Il se dessine avec l'arrivée de DRM encore plus intrusif, des usines à gaz intégrant du chat, de la messagerie différée, de la gestion de groupes de joueurs ou des systèmes de sauvegardes qui stockeront vos parties et paramètres sur des serveurs et non plus en local. C'est ce que promet Ubisoft notamment sur tous ses prochains jeux mais également Blizzard avec le nouveau Battle.net (Starcraft 2) ou encore EA pour Command & Conquer 4. Même votre progression ne vous appartiendra plus. On espère que tous ces gens veilleront à ce que leurs serveurs soient bien refroidis et n'anticipent pas de deux années le prochain 29 février. Même les serveurs dédiés, qui permettent aux joueurs sur PC de créer leurs propres serveurs de jeux afin de se garantir une véritable indépendance sont en voie de disparition. Le jour où l'éditeur décide que maintenir les serveurs de jeux ne lui rapporte plus assez, les communautés n'auront plus qu'à se résigner. Aujourd'hui, les détenteurs de propriétés intellectuelles, les constructeurs, les éditeurs, veulent tout contrôler "pour un meilleur service au joueur"... Nous qui pensions bêtement qu'on n'est jamais mieux servi que par soi-même.