Dave Grossman, actuellement directeur créatif chez Telltales Games, est un vétéran de l'industrie du jeu vidéo depuis de longues années. Et ce n'est pas peu dire puisque son CV vous apprendra qu'il a travaillé sur des titres aussi cultes que Monkey Island ou Day Of The Tentacle et bien sûr les récents Sam & Max Saison 1 et Saison 2. Il nous parle aujourd'hui de la création de contenu épisodique et de la distribution en ligne.
jeuxvideo.com > Des titres comme Sam & Max ou Runaway ont prouvé que des jeux d'aventure avec une dose d'humour à la LucasArts peuvent encore être de véritables succès commerciaux, capables de séduire à la fois les harcore gamers et les casual. Du coup, que pensez-vous du fait que LucasArts considère aujourd'hui que ce genre est mort ?
Dave Grossman : Peut-être ne faut-il pas prendre ce mot littéralement ? J'ai toujours pensé que le manque de succès que les jeux d'aventure ont eu en tant que genre, résulte tout simplement du fait qu'il n'y a eu que trop peu de jeux de ce type vraiment dignes d'intérêt, plutôt que d'une quelconque limitation inhérente au genre. Ce qui revient à dire que je critique les designers et non pas les goûts du public. Je crois de plus que les outils dont les jeux d'aventure disposent pour associer histoire et game design sont ce qui permettra d'attirer un public plus casual.
jeuxvideo.com > La distribution online est en plein essor et offre de plus en plus d'opportunités pour les développeurs indépendants. Pensez-vous que ce système de distribution soit la clé pour un genre tel que celui des jeux d'aventure ? Une manière peut-être de toucher un plus large public.
Dave Grossman : La distribution online permet de toucher votre public rapidement et directement, en évitant ainsi les problèmes liés à la manufacture de disques et leur envoi chez les détaillants. Le système a ses propres inconvénients, mais il constitue une excellente opportunité pour tous les développeurs indépendants. Vous ne toucherez pas nécessairement un plus large public en distribuant votre jeu sur le net, mais vous pourrez clairement en toucher une petite partie plus efficacement, à partir du moment où vous cessez de penser au processus de distribution en termes de distance et de géographie.
jeuxvideo.com > Et dans une perspective plus générale, pensez-vous que ce système puisse favoriser le développement de titres un peu plus conceptuels et minimalites, et dont on ne prendrait probablement pas le risque de les distribuer de manière plus conventionnelle ? On pense par exemple à Portal ou même votre propre titre Wiiware, Strong Bad's Cool Game For Attractive People.
Dave Grossman : Ni Portal ni SBCGFAP ne sont des titres que j'aurais hésiter à publier de manière conventionnelle. Pour moi, ce sont deux hits. Mais oui, distribuer des jeux sur le net vous permet de faire des expériences sur une plus petite échelle, ce qui offre plus de latitude et comporte moins de risques. A l'avenir, je m'attends donc à voir beaucoup plus de jeux novateurs débarquer sur le net.
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jeuxvideo.com > Que pensez-vous de la déclaration de Mark Rein (vice-président d'Epic Games) selon laquelle les grands éditeurs vont finir par dominer la distribution online afin de la garder sous leur contrôle ?
Dave Grossman : Ce que mark Rein a déclaré, ou du moins ce qui en a été rapporté dans l'article que j'ai lu, est très bien vu et fondamentalement vrai, quoiqu'un peu incomplet. Ce qui fut autrefois une bataille pour les places dans les rayons des magasins va se muer en une bataille pour attirer l'attention des consommateurs. Et les grands éditeurs ont un immense avantage en termes de capitaux, d'effectifs et d'expérience, en plus de la capacité à signer des accords pour s'assurer d'occuper des positions de choix sur les principaux portails de téléchargement. Ce dernier aspect étant absolument essentiel si vous soutenez une politique de développement à grande échelle. Ce dont on ne parle pas en revanche, est l'idée qu'il existe d'autres options pour des opérations de moindre envergure. L'obstacle principal est de parvenir à générer de l'intérêt pour votre produit, et il existe en fait beaucoup d'endroits pour y parvenir en dehors de la homepage d'un grand portail de téléchargement. Si vous avez un site et que vous pouvez convaincre les gens d'aller y jeter un oeil, vous êtes dans le coup, et même s'il est clair que vous n'obtiendrez pas les mêmes chiffres qu'Electronic Arts, vous serez peut-être en mesure de soutenir un petit studio de développement. Internet est comme une boutique aux rayonnages illimités et permet donc aux petits éditeurs de se créer de petits emplacements pour exposer leurs produits.
jeuxvideo.com > Il semble par ailleurs que vous vous intéressiez au développement de jeux consoles puisque vous venez d'annoncer un nouveau titre à destination du Wiiware. Que pensez-vous des limitations de taille imposées par ces plates-formes, avec 150 Mo pour le Xbox Live par exemple ?
Dave Grossman : Ces limites de taille font que vous devez vous concentrer sur les éléments les plus importants, un peu comme lorsqu'il s'agit d'écrire de la poésie ou des nouvelles. Mais pour moi, 150 Mo me semble être un poids tout à fait convenable. Les jeux Telltales ne sont généralement pas plus lourds que ça de toute façon. C'est du moins le cas d'un épisode pris individuellement. Les canaux de téléchargement sur consoles conviennent parfaitement à notre approche, où chaque "jeu" n'est pas très gros mais où les nouvelles sorties sont fréquentes.
jeuxvideo.com > Cela ne représente-t-il pas un obstacle pour des projets plus ambitieux et plus risqués ? Ces derniers sont plus difficiles à diffuser sur consoles et ne peuvent donc pas forcément utiliser ces plates-formes pour toucher les joueurs.
Dave Grossman : Cela constituerait un obstacle si par "ambitieux et risqués", vous vouliez dire plus "gros". Pour moi, si je fais quelque chose d'innovant, d'étrange ou de risqué, j'essaie de le faire à l'échelle la plus petite possible.
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jeuxvideo.com > Vous avez fait le choix d'une distribution épisodique, un système qui semble particulièrement à la mode pour publier un jeu. Vous vous en tirez très bien, tout comme Valve, mais nous avons pu observer des cas plus malheureux où cela n'a pas vraiment marché. Dans ces conditions, comment expliquez-vous votre propre réussite ?
Dave Grossman : Cela tient à 5 facteurs principaux : l'organisation, le professionnalisme, l'expérience, un moteur solide et enfin de l'organisation. De même que des attentes et des objectifs réalistes. Et, est-ce que j'ai parlé de l'organisation ? Faire se chevaucher le développement de quelques titres n'est pas une folie. En fait, nous avons mis un point d'honneur à employer les personnes les plus adaptées à cette tâche ainsi qu'à faire quelques tests pour s'assurer que le moteur et que le processus de production tenaient la route avant de nous lancer sur Sam & Max. C'était probablement la meilleure chose à faire que de s'assurer que nous pouvions faire un petit jeu en quelques mois plutôt que d'essayer d'en faire six à la fois.
jeuxvideo.com > En quoi est-ce que créer du contenu épisodique est différent de faire un jeu complet d'un seul coup ? Comment parvenez-vous à donner suffisamment envie à un joueur d'en redemander avec un simple épisode ?
Dave Grossman : Développer du contenu épisodique n'a rien à voir avec la création d'un unique gros jeu. Vous ne pouvez pas envisager la chose comme s'il s'agissait tout simplement de découper un jeu en plusieurs morceaux. A chaque épisode, il faut veiller à délivrer une expérience complète, satisfaisante, qui se suffit à elle-même. A la fin d'un épisode, je souhaite que le joueur se dise "C'était génial ! Il m'en faut un autre !" plutôt que "Où est la suite ?". Et cela tient pour tous les épisodes, et pas seulement le premier.
jeuxvideo.com > Je suppose qu'en la matière, travailler avec Steve Purcell, auteur de comics, a été plutôt utile ?
Dave Grossman : Avoir Steve à nos côtés est formidable pour tout un tas de raisons. Il débarque souvent avec beaucoup d'idées étranges et intéressantes et contribue la plupart du temps à maintenir l'esprit Sam & Max. Et les frères Chapman sont extrêmement fantastiques pour Strong Bad. Franchement, je ne sais pas où ils trouvent le temps de travailler dessus. Nous disposons aussi d'une équipe créative particulièrement imposante pour un petit studio de développement. Le fait que nous avons plus de scénaristes que de développeurs a tendance à surprendre les gens, mais c'est très important pour le type de jeux que nous créons.
jeuxvideo.com > Et voilà enfin au moins une question digne d'intérêt : y-aurait-il moyen de m'envoyer une peluche de Max ? Sérieusement ! C'est une question de vie ou de mort !
Dave Grossman : Vous avez été sage ?
jeuxvideo.com > D'ailleurs, comment cela se fait-il qu'on ne puisse pas trouver ce genre de goodies sur la boutique de Telltales ?
Dave Grossman : Ca doit vouloir dire qu'une telle chose n'existe pas. Si elle existait, nous l'aurions forcément. J'en aurais forcément une !
jeuxvideo.com > merci
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