Sous les dorures bienveillantes des salons de l'hôtel de Crillon, nous avons profité de la présence de Will Wright, le créateur des Sims et de la série des Sims City pour lui poser quelques questions sur Sims 2. Le principe du jeu aidant, on avait un peu l'impression de demander à Dieu de nous parler de ses créatures.
jeuxvideo.com > Pour reprendre l'interface de création de Sims 2, diriez-vous que durant le développement de cette suite au jeu le plus vendu dans le monde votre curseur était plus près de "liberté totale" ou de "pression imposée par le succès" ?
Will Wright : Avec le premier Sims, les gens du marketing ne savaient pas à quoi s'attendre. On s'attendait à en vendre 200 000 exemplaires de par le monde, point final. Dans ces conditions, le premier volet ne pouvait qu'être un succès. Avec une suite comme celle-ci, c'est le contraire. On prend le risque de connaître un échec par rapport au premier. Tout le monde pense qu'il faut que cela vende plus, etc, considérant que maintenant le public sait de quoi il en retourne. Ce genre de conditions impose bien sûr énormément de pression sur l'équipe de développement. On passe par exemple des mois et des mois entre nous à tenter de définir ce qui a fait le succès du premier sans jamais vraiment parvenir à le découvrir. Alors, au bout d'un moment, on abandonne cette approche et on essaie de faire juste un jeu sympa.
jeuxvideo.com > A quels types de joueurs destinez-vous les Sims ?
Will Wright : C'est assez large. Je sais qu'il y a des grands-parents qui jouent avec leurs petits enfants. Il est à noter que nous avons également une légère majorité de femmes. Elles représentent environ 55 à 60 134752264e la masse des joueurs de Sims.
jeuxvideo.com > On sait que Sims 2 utilisera le principe des "aspirations", sorte d'objectif à atteindre selon le caractère du Sims en question. Ces aspirations évolueront-elles en fonction de l'âge des Sims ?
Will Wright : Absolument. Un bébé cherchera tout simplement le bien-être tandis qu'un adulte, s'il aspire à exactement la même chose, ne pourra l'obtenir que, par exemple, en amassant de l'argent ou en élargissant ses connaissances. On doit donc les jouer de manière stratégiquement très différente, même s'il s'agit toujours de la même personne. Et si aux différentes étapes de la vie, vous atteignez ces aspirations, l'étape suivante sera simplifiée. Si la période de l'adolescence s'est bien déroulée, il y a de fortes chances pour que vous deveniez, une fois adulte, un pilier de votre communauté.
jeuxvideo.com > Y-a-t-il une notion de morale ?
Will Wright : Cela fait partie de l'essence même de ce jeu. Mais justement, elle dépend de la propre morale du joueur. Il ne nous appartenait pas d'imposer notre sens du bien et du mal. Nous avons préféré laisser au joueur la possibilité de décider de la nature de ses actes.
jeuxvideo.com > Combien de temps faudra-t-il jouer pour avoir vu la vie entière d'un Sims, de sa naissance à sa mort ?
Will Wright : Je dirais pratiquement une vingtaine d'heures de jeu. J'ajouterais qu'il arrrive que lorsqu'un Sims meure certains joueurs soient particulièrement touchés. Mais justement, cela veut dire que nous avons atteint le but que nous nous étions fixés. Si les joueurs se fichaient de la mort de leurs Sims, nous aurions échoué.
jeuxvideo.com > Que pensez-vous des gens qui vivent leur vie à travers Les Sims ? A votre avis, c'est un mythe de journaliste ou cela existe-t-il bel et bien ?
Will Wright : Le terme approprié est "par procuration". On dit qu'ils vivent par procuration. Selon moi, cela équivaut à ce que beaucoup de parents font avec leurs enfants.
jeuxvideo.com > Voilà un point de vue... intéressant.
Will Wright : (Rires) Ben oui ! On habille ses enfants, on leur paie des leçons de piano et tout le reste...
jeuxvideo.com > Qu'auriez-vous aimé faire dans ce Sims 2 et que vous n'avez pas pu faire ?
Will Wright : Ce n'est pas tant ce que nous n'avons pas pu faire... Vous voyez, tous les jeux renferment comme une sorte d'équilibre. On y met un peu plus de ceci, un peu moins de cela, etc. A l'avenir, je pense que nous chercherons à faire en sorte que l'ordinateur analyse de manière plus fine comment le joueur se comporte. A l'heure actuelle, il en est déjà capable. A partir de votre façon de jouer, il peut en déduire ce que vous aimez et ce que vous n'aimez pas afin de modifier le contexte du jeu. Mais je pense qu'on pourrait affiner cela. Un peu comme deux enfants qui joueraient. A la longue, ils vont finir par bien se connaître et à créer entre eux une interaction qui rendra leurs parties bien plus intéressantes. Je pense qu'on pourrait obtenir cela d'un ordinateur.
jeuxvideo.com > Quelle est la critique la plus stupide que vous n'ayez jamais entendue au sujet des Sims ?
Will Wright : Je ne dirais pas que c'était stupide mais au début du développement du projet, tout le monde appelait cela "Le jeu de chiotte" (NdR : "Toilet game" dans le texte). Cela venait du fait que le premier élément de confort mis à votre disposition, le plus basique était des toilettes. On avait fait les premières démonstrations au sein de Maxis en montrant cet objet qui était somme toute assez simple à gérer graphiquement. A partir de là, tout le monde s'est mis à dire de manière sarcastique : "Oh, vous développez un jeu où il faudra laver les toilettes et sortir les poubelles ? Ça semble super marrant."
jeuxvideo.com > Will Wright, merci beaucoup.
- Site officiel des Sims 2