La nostalgie paye. Les éditeurs l'ont parfaitement compris en capitalisant sur leurs succès passés. Nous pensons aux remasters, remakes, reboots, collections de portages et même émulations sur des consoles mythiques miniaturisées. Mais aujourd'hui, focalisons-nous sur une autre méthode sans doute moins répandue, mais qui ne passe pas inaperçue : les rééditions de jeux sur leur support d'origine. Limitées et beaucoup trop onéreuses, elles s'adressent à un public très restreint. Sans doute parce que leur intérêt se rapproche de zéro chez les joueurs et même, les collectionneurs.
Moindre coût, bénéfice énorme
En plus de sortir leurs meilleures consoles en miniature depuis quelques années, les éditeurs nous resservent les succès du passé sur leur support d’origine. Capcom, entre ses remasters, remakes et rééditions, se place en maître du recyclage. Pour fêter les 30 ans de la série Street Fighter, l’éditeur a concocté des cartouches SNES contenant le deuxième épisode de la saga. Pour la réalisation, la société japonaise a travaillé avec un spécialiste de la vente physique de jeux vidéo du nom de Iam8bit. La fabrication revient à un autre expert : Retrotainment Games. Ces rééditions ne demandent pas de toucher au développement du jeu puisqu'il sort dans le même état que l'original. La démarche demande plutôt de négocier avec des partenaires pour la fabrication, production, diffusion et si besoin, l’achat de licences.
Le tirage des cartouches rouges de Street Fighter comptabilise 4 500 exemplaires tandis que les versions vertes ne dépassent pas les 1 000 exemplaires. Leurs prix ? Bien trop élevés, puisqu'ils atteignent les 100 dollars. Même chose pour le trentième anniversaire de Mega Man (Mega Man II sur NES et Mega Man X sur SNES). Les 25 ans d'Earthworm Jim ont eu le droit à une cartouche comprenant les deux premiers volets de la saga, pour 134,99 dollars tout de même. Rappelons qu'actuellement un AAA coûte entre 60 et 70 euros... Les prix pour ces rééditions ont de quoi freiner. D’autant plus que la majorité de ces jeux s'achètent sur Internet et proviennent bien souvent de l'étranger. La somme augmente avec les frais de port et parfois, les taxes de douane.
Tester le potentiel d'une licence
Les prix sont une barrière, mais ce choix permet aux éditeurs de prendre la température sur la popularité de leurs licences et rappeler à tous qu'elles existent. Un test déguisé en somme. Bien souvent ces rééditions arrivent un peu avant la commercialisation de remakes ou remasters. À l’occasion de la modernisation de '''Duck Tales''' , platformer iconique de la toute fin des années 80, l’éditeur a produit 150 cartouches NES collectors adressées à la presse et petits chanceux ce qui en fait un objet rarissime d’une valeur inestimable ou presque…
De même pour les mythiques Aladdin (Mega Drive) et Le Roi Lion (SNES). Ils ont eux aussi profité d’une réédition en boîte digne des années 90. Produites en 4 500 unités pour souffler leurs 30 bougies, ces cartouches peuvent s'acquérir au prix fort de 99,99 $. Le packaging comprend en plus du support un manuel, des artworks et un protège cartouche.
Collectionner ou jouer ?
Ces objets profitent d'un assemblage très soigné avec des composants et du plastique de qualité. L'argument souvent entendu pour défendre ces versions, c'est que celles-ci ne sont pas uniquement cosmétiques. En effet, elles sont jouables et grâce à leur récente fabrication, elles prolongent la durée de vie du jeu. Pourtant en regardant de plus près, il y a de quoi serrer les dents. La boutique en ligne de iam8bit met en garde : les cartouches pourraient provoquer une surchauffe de la console jusqu'à lui faire prendre feu. Pour ce type d'incidents, les éditeurs et vendeurs ne pourront pas être tenus responsables. Voilà de quoi refroidir celles et ceux qui comptaient (re)jouer de manière authentique à des classiques du jeu vidéo.
Les cartouches sont peut-être fonctionnelles, mais elles n'ont pas encore servi. Elles ne renferment aucun souvenir palpable ou le vécu des années passées. Elle ne traîne pas derrière elle une histoire, des centaines de parties, des déménagements où l'on se demande si ce n'est pas là l'occasion de la vendre ou la donner... jusqu'à ce que les émotions remontent pour nous empêcher de commettre l'irréparable. En plus du prix qui fait barrière, ce point de vue ne peut que réduire le spectre des acheteurs.
Ce néo-retrogaming incarne l'antithèse du retrogaming puisqu'il ne s'agit pas là d'un objet physique créé à une autre époque. L'affecte concerne le logiciel à l'intérieur mais surtout, dans ce cas, le support physique. Si l'objet ne vous intéresse pas, vous pouvez alors vous tourner vers des rééditions dématérialisées. D'un point de vue esthétique les cartouches ont été un peu retravaillées pour ne pas se contenter d'une simple réplique de originale. Iam8bit a glissé au hasard des cartouches premiums avec une peinture jaune fluorescente pour Le Roi Lion et une violette phosphorescente pour Aladdin. Là on peut en effet y voir un intérêt car la cartouche a une esthétique différente mais nous en revenons toujours à la même conclusion : ça reste léger pour une centaine de dollars.
Par leur caractère officiel, ces jeux ont de quoi titiller les gros collectionneurs et collectionneuses à la recherche de l'exhaustivité. C'est donc plus à un public de niche que s'adresse ces jeux. Le jeu pourrait au mieux être essayé au moment de la réception pour vérifier son état de marche, mais il risque surtout de finir dans une jolie vitrine pour ne pas être abîmé. Et peut-être alors que dans quelques années, ces versions auront un parfum de nostalgie... et un prix sans doute encore plus abusif.