La rumeur courait depuis ce matin, l’ESA vient de la confirmer, l’E3 tel qu’on le connaît “physiquement” est annulé. Cette annonce pose évidemment la question de ce que ça va changer pour toute l’industrie du jeu vidéo. Une question à laquelle on apporte quelques éléments de réponse aujourd’hui.
script de la vidéo
Il y a un postulat qui revient souvent, notamment parce qu’il a été évoqué par Jason Schreier, un journaliste de Kotaku très bien informé et à l’origine de nombreuses fuites d’informations ces dernières années. Ce postulat, ce serait qu’en cas d’annulation de l’E3 et de remplacement par des évènements en ligne, façon Nintendo Direct ou Inside Xbox, les éditeurs se rendraient compte qu’il n’y perdraient pas au change en terme de communication, ils économiseraient aussi beaucoup d’argent, et se diraient donc finalement que c’est peut-être une bonne idée.
Avant même de parler d’argent se pose aussi la question du prestige : Être à l’E3 permet d’être vu par tous car c’est une période ou tous les regards sont braqués sur Los Angeles. Il y a pourtant deux exemples célèbres qui montrent que les éditeurs peuvent physiquement se passer d’être à l’E3. Rockstar tout d’abord, qui ne s’est plus présenté au salon californien depuis 2009 et la présentation d’Agent. Il n’en a tout simplement pas besoin, puisqu’en terme de communication, un simple tweet lui permet de créer le buzz et faire parler de lui. Et on a ensuite Sony, qui a choisi de s’absenter du précédent E3 sans que ça ne le desserve en terme de ventes ou d’aura. Coronavirus ou pas, l’éditeur avait d’ailleurs choisi quoi qu’il arrive de ne pas y aller cette année.
Le prix de l'E3, problème essentiel
C’est un exemple intéressant, parce qu’il permet aussi de montrer l’un des points négatifs de l’E3 pour les exposants : le coût. Les chiffres varient selon l’envergure de l’exposant, mais aller à l’E3, ça coûte des millions d’euros entre les frais de déplacement de toutes les équipes, le matériel, la location d’une salle pour une conférence, et surtout le paiement de l’emplacement du stand sur le salon. C’est un point qui est déjà source de tensions entre les éditeurs et l’ESA, qui organise l’E3. Les premiers ont donc déjà cherché à réduire leur investissement avec des méthodes différentes : Microsoft a son Microsoft Theater qui se trouve juste à côté, et qui lui sert à héberger sa conférence chaque année. Devolver ou Electronic Arts présentent leur jeu dans des évènements se déroulant à l’extérieur du salon : ça leur permet soit de ne pas faire stands, soit de réduire leur taille sur le salon. Et dans ce cas là, forcément, ben ça coûte moins cher.
Mais même si ça permet de réduire les coûts et qu’il existe des exemples montrant que des évènements online peuvent très bien faire l’affaire, il ne faut pas oublier que l’E3, c’est aussi une affaire de business. Il y a énormément de choses qui se passent dans les coulisses du salon. On pense notamment aux rendez-vous commerciaux, pratique pour se créer un réseau ou se faire connaître des plus grands noms de l’industrie. C’est peut-être moins crucial quand on s’appelle Sony ou Microsoft, mais ça reste une énorme opportunité pour des indépendants ou des studios de moindre envergure.
Journaliste, influenceurs, une plus-value qui disparaît
Et pour rester sur les professionnels, cela comprend aussi les journalistes, présents sur place pour essayer des jeux et rencontrer leurs développeurs. Sans E3 à Los Angeles, il y aura donc moins de preview écrites et vidéo dans les médias spécialisés, ou en tout cas moins rapidement, le salon permettant de tout concentrer et un seul point à la manière d’un press tour géant. On sait toutefois qu’il est possible de faire parvenir des démos aux journalistes voire même au public tout entier pendant un temps limité. C’est notamment ce qu’ont fait les Game Awards 2019 pendant 48h, donnant accès à des jeux, dont certains n’avaient même pas de date de sortie.
Même sans essayer des titres, un événement totalement dématérialisé est possible, mais pas sûr qu’on y gagne au change. En marge des démos, les journalistes ont aussi souvent affaire à des développeurs, là pour répondre aux questions et apporter des précisions sur telle ou telle mécanique. Et tout laisser aux mains des éditeurs et constructeurs, que ce soit au niveau de la démo ou des informations sur le jeu, c’est se risquer à des articles plus formatés, et donc perdre une certaine plus-value de la part de chaque média.
Bon, ça c’est du côté des professionnels. Mais un E3 annulé, ça impactera aussi vous, les joueurs. Déjà, pour ceux qui avaient la possibilité d’y aller il faudra passer son tour cette année. Mais c’est pas comme si tout le monde pouvait se le permettre. Par contre, une perte un peu plus dommageable, c’est la manière dont les journalistes, les streamers et autres youtubers vous font vivre l’événement, avec à la fois du reportage, des jeux, et la découverte des coulisses. Chaque communauté pourra bien sûr se réunir en ligne pour profiter des conférences, mais on perd à nouveau un petit quelque chose.
Envolée, la magie des conférences ?
On a parlé des joueurs, de la presse, des éditeurs pour qui l’annulation d’un E3 est préjudiciable. Un argument peut d’ailleurs tous les réunir : sans salon à LA, pas de public, pas de foule en délire. Imaginez un peu la date d’un Cyberpunk 2077, le reveal d’un Final Fantasy VII Remake ou encore l’annonce d’un nouveau AAA avec un événement en ligne : ce serait comme l’annonce de Breath of The Wild 2 : on en parle sur les réseaux mais il n’y a plus d’endroit physique pour exprimer sa joie. Et c’est un peu dommage. Sans public, on n'aurait pas eu droit au désormais célèbre "You’re Breathtaking", et surtout aux nombreux plantages en direct, comme le fabuleux malaise lors du gameplay de Skyward Sword lors de l’E3 2010.
Bref, on dit souvent que le public représente une force conséquente dans une industrie. Pour le coup, sans la foule, l’E3 sera bien moins impactant. Ce qui ne nous empêche pas d’attendre ses annonces avec impatience. On vous en parlera évidemment sur Jeuxvideo.com alors restez attentifs, et à la prochaine.