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News business Nintendo : un opposant farouche à l'émulation illégale
Profil de [87],  Jeuxvideo.com
[87] - Journaliste jeuxvideo.com

Le piratage est un vaste sujet, qui continue, en dépit d'une perte de vitesse grâce à l'accessibilité tarifaire progressive du média, de préoccuper les acteurs du jeu vidéo. Les parties, celle des joueurs désireux de ne pas se priver de culture faute de moyens et celle des éditeurs voulant protéger leur propriété intellectuelle ont toutes des arguments recevables mais qui se télescopent, même si, naturellement, la légalité est seule maîtresse pour trancher le conflit. Nintendo a beaucoup souffert sur les années du piratage de ses consoles et de ses jeux, et n'a jamais manqué de livrer bataille dans sa chasse impitoyable aux ROMS et à la préservation de ses licences, comme il l'a encore récemment prouvé.

Nintendo : un opposant farouche à l'émulation illégale
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La nouvelle est tombée dans le courant de la semaine : Nintendo vient d'intenter un procès à plusieurs millions de dollars au site RomUniverse qui, comme son nom l'indique, propose de très nombreuses ROMs couvrant autant des titres anciens que des jeux Nintendo 3DS et « des centaines de jeux » Nintendo Switch. Alléguant que le site proposait des « copies contrefaites de marque Nintendo », l'éditeur réclame pas moins de 150 000 $ de dommages et intérêts par infraction au droit d'auteur et 2 millions de dollars pour chaque violation de marque déposée.

Selon les termes de la plainte récupérée par nos confrères de Polygon, RomUniverse est présenté ainsi :

« Le site compte parmi les plus visités et est un centre en ligne notoire pour les jeux Nintendo piratés. À travers ce site, le défendant (Romuniverse, donc - ndr) reproduit, distribue, monétise et offre le téléchargement de milliers de copies non autorisées de jeux Nintendo. Cela comprend des jeux de presque toutes les plates-formes produites par Nintendo et inclut des centaines de jeux de sa Switch récemment sortie. Selon le site, à la date de dépôt de cette plainte, des centaines de milliers de copies de jeux Nintendo ont été téléchargées illégalement sur le site Web, avec près de 300 000 téléchargements de copies de jeux piratés Nintendo Switch et de plus de 500 000 copies de jeux piratés Nintendo 3DS. »

Une lutte impopulaire mais légitime

Nintendo : un opposant farouche à l'émulation illégale

Compte tenu des chiffres annoncés, nous vous laissons faire le calcul du potentiel montant de dommages-intérêts que pourrait obtenir Nintendo si la plainte aboutit et est appliquée à la lettre. Notez que lorsque la plainte évoque une « monétisation », elle fait référence au cas assez particulier de RomUniverse qui autorisait un téléchargement illimité en l'échange d'un abonnement annuel avoisinant les 30$. Il n'est donc pas étonnant de comprendre la grogne de Nintendo qui, en plus du manque à gagner que représente un téléchargement massif de ses jeux, permet aux détenteurs d'un site illégal de générer des profits sur le dos de ses créations.

Même si les montants demandés sont assez exorbitants et qu'il n'y a aucune chance que l'intégralité de la somme soit acquittée par les défendeurs, la justice tranchera sans aucun doute en faveur de Nintendo, qui est parfaitement dans son droit. Mais Nintendo ne se contente pas de s'adonner à la chasse aux pirates de jeux récents ou de ceux qui monétisent les téléchargements. Le constructeur a toujours montré les crocs dès lors que l'on s'approche de n'importe laquelle de ses propriétés intellectuelles et est parvenu à préserver farouchement ses diverses créations, qu'il s'agisse de purs produits de fan service ou de rétro-gaming. Et comme preuve de la férocité de Nintendo dans la lutte antipiratage / émulation, nos confères d'Eurogamer ont rapporté le 10 septembre dernier la victoire d'un procès à nouveau intenté par la firme nippone à l'encontre des sites favorisant la distribution des jeux Switch piratés ou qui fourniraient des informations permettant le détournement de matériel.

La décision de justice, rendue au Royaume-Uni, va plus loin qu'une simple fermeture des sites incriminés, puisqu'elle contraint 5 fournisseurs d'accès internet locaux (Sky, BT, EE, Talktalk et Virgin Media) à en bloquer ou du moins en « entraver » l'accès. Si Nintendo s'est naturellement félicité de cette décision, se déclarant satisfait que « la Haute Cour du Royaume-Uni ait confirmé qu'il est illégal d'utiliser des appareils ou des logiciels permettant le piratage sur des systèmes Nintendo Switch », c'est aussi l'UKIE, équivalent britannique de notre S.E.L.L., qui a rappelé l'importance de la lutte contre toute forme de piratage :

- « Ces dispositifs de contournement, qui permettent l'utilisation de copies non autorisées de jeux vidéo, mettent en péril les activités de ceux qui défendent et comptent sur la vente de produits légitimes » George Osborn, porte-parole de UKIE.

Cette décision contribuera à protéger l'industrie du jeu britannique ainsi que les plus de 1 800 développeurs du monde entier qui créent des jeux pour la plate-forme Nintendo Switch et qui comptent sur la vente légitime de jeux pour gagner leur vie et continuer à offrir aux joueurs un contenu de qualité. Représentant de Nintendo (via Eurogamer)

Outre-Atlantique, et toujours récemment, en 2018, Nintendo a remporté un juteux procès l'opposant à Jacob et Cristian Mathias, couple américain détenteur de LoveRETRO.com et LoveROMs.com, plates-formes mettant à disposition des émulateurs et autres ROMS, notamment de produits Nintendo. Inutile de préciser qu'avec leurs 17 millions de visiteurs mensuels, les deux sites sont rapidement tombés dans le radar de Big N , qui est parvenu à obtenir, suite au jugement de la cour fédérale d'Arizona, la condamnation des époux à lui verser 12,23 millions de dollars en dommages et intérêts. Naturellement, la somme astronomique demandée sera difficilement récoltable par les deux particuliers, et il n'est pas rare dans ces cas de figure que le conflit soit réglé pour des sommes bien moindres et/ou en l'échange, notamment, d'une fermeture totale du site, d'une garantie de ne plus s'approcher de l'univers de l'émulation et surtout de reconnaître publiquement l'illégalité de l'activité conflictuelle, comme l'ont d'ailleurs fait les propriétaires de LoveRETRO et LoveROMs à l'époque.

Notre site Web, LoveROMS.com/LoveRetro.co, a précédemment offert et réalisé des copies non autorisées de jeux Nintendo, en violation des droits d'auteur et des marques commerciales de Nintendo. LoveROMS.com/LoveRetro.co reconnaît avoir nui à Nintendo, à ses partenaires et à ses clients en proposant des copies contrefaites des jeux Nintendo et a accepté de mettre fin à ces activités. Pour accéder aux jeux Nintendo légitimes en ligne, visitez le site www.nintendo.com pour obtenir des informations sur le Nintendo Game Store.

Nintendo : un opposant farouche à l'émulation illégale

Un panneau de la honte peut-être nettement plus lucratif pour Nintendo que la poignée de millions qu'il pourrait engranger suite à un procès tranché en sa faveur. Brandir le marteau de la justice est suffisamment intimidant pour dissuader quiconque de prendre le risque d'une amende salée et d'une exposition judiciaire publique. Et la recette a été efficace puisque, quelque temps à peine après le procès LoveROMS, Emuparadise, pierre angulaire de l'émulation et des ROMs depuis tout de même 18 ans, a décidé de cesser ses activités et de retirer une très large portion de son contenu. Car c'est finalement davantage sur la visibilité des actions en justice plus que la compensation offerte par le verdict favorable qu'entend capitaliser Nintendo. Les vertus dissuasives d'une condamnation à des sommes mirobolantes servent autant de douloureuses piqures de rappel de l'illégalité de la pratique de l'émulation que de frein à toute velléité de piratage. La preuve, certains sites ont même pris les devant et, face à la crainte d'un procès, ont préféré prendre l'initiative d'un retrait de contenu illicite.

Mais Nintendo ne se contente pas de contrer les copies illégales de ses produits, il s'attaque également régulièrement au contenu élaboré par les fans, mais qui a pour principal problème d'exploiter des contenus appartenant à la firme. Là encore, si l'on peut certes soulever la propension procédurière de Nintendo, personne ne peut lui ôter son droit de protection de ses propriétés intellectuelles. En 2016, la firme s'est directement attaquée à pas moins de 562 jeux élaborés sur la base de franchises Nintendo. Si ces titres sont davantage à percevoir comme des hommages, ils n'en restent pas moins une infraction à la propriété intellectuelle, ce que Nintendo n'a pas manqué de faire savoir par l'intermédiaire d'une requête recensant tous les titres litigieux. Ainsi, Another Metroid 2 Remake, pour le plus connu et ambitieux d'entre eux, et autres projets issus des franchises Zelda, Pokémon ou Mario se sont vus interdits. S'il est toujours possible de trouver assez facilement une grande quantité de jeux non officiels, l'intervention de Nintendo avait surtout pour vocation de leur empêcher d'avoir pignon sur rue.

L'attaque au fandom

Nintendo : un opposant farouche à l'émulation illégale

Si la lutte antipiratage n'a certainement pas que des défenseurs auprès des joueurs, le fait de lutter contre la propagation de copies illégales est tout de même nettement plus communément accepté par la communauté de joueurs. C'est en revanche moins le cas lorsque des éditeurs s'attaquent à des projets de passionnés qui n'entendent pas nécessairement en tirer profit. En tant que géant et visage incontournable du jeu vidéo depuis les balbutiements du média, d'aucuns estimaient qu'une collaboration avec les fans désireux de proposer leur vision des franchises Nintendo était sans doute plus souhaitable qu'une confrontation juridique, même si elle ne prenait « que » la forme d'une ordonnance de cessation et d'abstention plutôt que d'un procès en bonne et due forme. Sur ce point, Nintendo of America, par l'intermédiaire de son Président d'alors Reggie Fils-Aimée, s'était exprimé en 2017 dans les colonnes du site Vice, évoquant la nécessité de ne pas exploiter d'une manière commerciale des franchises déposées, mais aussi le souci de qualité des licences Nintendo que l'entreprise entend harmoniser. Le fait d'autoriser un projet de fan serait aussi prendre le risque de rendre disponible à tous un produit assimilable à Nintendo sans ce que dernier n'y ait apposé son « sceau de qualité ».

Je pense que nous devons être clairs au sujet de la ligne à ne pas franchir, et de notre point de vue, cette limite est définie lorsqu'un hommage devient quelque chose qui monétise notre licence. Nous autorisons les hommages de bien des manières. Et étant moi-même un fan avant d'être à la direction, je comprends l'attirance que vous pouvez avoir pour nos franchises. Mais quand il s'agit de monétiser, vendre, de tirer profit, quand cela franchit la ligne, nous devons faire valoir nos droits.

(…) Nous avons eu des conversations avec des entités qui ont commencé comme fans et qui sont devenues des partenaires commerciaux. Ces discussions se déroulent tout le temps, mais encore une fois, lorsque quelque chose se transforme en un produit commercial... et c'est ce que AM2R était - il n'y avait pas de frais, mais il s'agissait désormais d'un produit commercial.

C'est toujours une question de savoir la manière dont laquelle nous protégeons notre propriété intellectuelle. Comment nos créateurs, comme M. Sakamato qui a créé Metroid, et Nintendo contrôlent l'IP d'une manière dont nous pouvons guider la direction, contre quelque qui le fait sans nous ?

Si la définition d'un « produit commercial » ne semble étonnamment pas nécessairement impliquer une vraie monétisation pour Nintendo, AM2R étant disponible gratuitement, pas question pour l’entreprise de laisser quiconque contrôler ses licences sans son autorité, ce qui est là encore éthiquement tout à fait logique et recevable, même si en filigrane, cette politique très restrictive est aussi la manière d'éviter de ne plus capitaliser sur un élément rentable de la galaxie Nintendo : la nostalgie.

Un évident manque à gagner

Nintendo : un opposant farouche à l'émulation illégale
En tant que pionnier du jeu vidéo, Nintendo a accompagné les premiers pas de plusieurs générations dans l'industrie et le constructeur est actuellement le seul à être autant pertinent dans l'actualité, avec notamment un bien beau parcours de la Switch, que dans le rétrogaming. La nostalgie est une notion très lucrative ces dernières années et capitaliser dessus, notamment lorsque l'on a pour soi un catalogue de jeux légendaires à disposition, est évidemment une opportunité à ne pas laisser passer. La Wii U était un bon exemple de cette philosophie. Quand l'émulation permettait gratuitement de jouer à des titres vieux de plus de 20 ans, y jouer légalement pouvait être facturé 10$ à l'utilisateur et aujourd'hui, s'adonner aux joies du rétrogaming NES et SNES n'est possible qu'en l'échange d'un abonnement, modique, certes, au service online de la Nintendo Switch. L'arrivée et le grand succès rencontré par la sortie des consoles mini est quoi qu'il arrive une raison suffisante pour Big N de protéger farouchement son actualité comme son prestigieux passé. Le jeu rétro est une portion importante de l'univers Nintendo et le manque à gagner que représenterait la validation de l'émulation ou même sa gratuité encadrée serait sans doute beaucoup trop énorme pour s'y risquer et qu'importe l'image.

La question du piratage en général est assez complexe et celle de l'émulation plus encore. Les amoureux du rétro-gaming peuvent légitimer la présence de ROMs sous le couvert de l'ancienneté des jeux concernés, mais également du devoir de préservation de monuments connus ou méconnus du jeu vidéo. Ne pas laisser des titres, qu'ils soient formidables ou médiocres, tomber dans l'oubli et éviter laisser à la seule discrétion d'un éditeur / constructeur le choix des jeux qui seront ou non accessibles est une compréhensible intention. Mais Nintendo est d'ailleurs loin d'être le seul à lutter contre la distribution illégale de ses jeux. Les mesures antipiratages représentent une source d'investissement non négligeable à seule fin d'endiguer le flot de téléchargements, mais il est vrai que dans le cas des titres émulés, la firme nippone est toujours prompte à mener la bataille. Au demeurant, si Nintendo est aussi actif dans la défense de ses droits, c'est aussi sans doute car il est le plus exposé à la pratique en raison de sa longévité et des nombreux jeux ayant marqué des générations entières.

Le constructeur est quoiqu'il arrive dans son droit le plus absolu, quoi qu'on puisse en penser, mais n'est pas totalement sourd au débat. Il n'agit pas dans l'ombre, n'évite pas le débat. Au contraire, il a même consacré une page entière de son site officiel aux ROMs et à l'émulation, réaffirmant publiquement, sans détour et avec franchise sa position sur la pratique, invoquant l'illégalité de la pratique et l'absurdité commerciales que représenterait son acceptation de l'émulation. A chacun de se faire son avis sur la question, mais quoi qu'il arrive, Nintendo ne cessera pas dans un futur proche de veiller au grain.

Commentaires
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Kangiru Kangiru
MP
Niveau 1
le 03 févr. 2022 à 23:38

Si le piratage existe encore, c'est parce que les jeux deviennent trop cher et tous ceux qui ne peuvent pas s'acheter une console retro ou certains jeux a plus de 300 euros pour y jouer devrons pas attendre 10,15 ans avant d'avoir ce certain jeu.
C'est pour cela qu'il faut trouver un moyen d'améliorer l'accessibilité des jeux aux personnes les plus pauvres, comme ca le piratage sera de moins en moins présent.
Archive org a l'exception la plus elitiste pour la préservation de jeux (y compris les prototypes ps2, dreamcast, gamecube, etc) donc ils n'auront aucun problème avec big N ou d'autres entreprise de jeux
Alors que d'autres entreprises recevront le meme traitement que loveroms ou autre site ayant été détenu/supprimé par nintendo
Perso, si j'ai pas l'argent, je télécharge le jeu jusqu'a ce que je le possède, comme ca je ne l'aurait pas piraté, je l'aurait juste emprunté a l'entreprise qui l'a fait

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