Qui n’a jamais rêvé d'avoir une option “jeu vidéo” entre le cours de maths et celui de LV2 au collège ? La culture du beau jeu est réelle, et un simple passage laborieux sur le tutoriel de Cuphead a valu au vénérable journaliste Dean Takahashi bien des remontrances. L’entité à deux têtes Micromania-Zing propose désormais à ses clients d’améliorer la coordination entre leur cerveau et leurs mains. En effet, depuis le 27 mai 2019, le géant de la distribution de jeux vidéo met en avant des cours imaginés par Gaming Campus pour que nous jouions mieux. Fortnite, League of Legends, PlayerUnknown's Battlegrounds ou encore HearthStone, les titres les plus célèbres sont au programme. Quelques semaines après son lancement en boutique, où en est le service qui perfectionne l’amusement ? Laurent Bouchard (Directeur Général de Micromania-Zing) et Thierry Debarnot (co-fondateur de Gaming Campus) nous répondent.
Le cœur de cible ? Le grand public
Après s’être acoquinée avec le spécialiste des produits dérivés issus de la Pop Culture, la société Micromania sort une autre carte de son jeu afin de diversifier son positionnement : celle de l’apprentissage des “bons usages” liés aux jeux vidéo. En se rapprochant de Gaming Campus, une structure spécialisée dans le développement de compétences liées au monde du jeu vidéo, le géant de la distribution compte bien séduire “74 % des Français adeptes des jeux vidéo” grâce à ses 430 magasins situés dans l’hexagone. Cette collaboration entre les deux entités se matérialise par la mise en vente d’abonnements donnant accès à des cours en ligne sur des jeux tels que Fortnite, League of Legends, PlayerUnknown's Battlegrounds et HearthStone. Le cœur de cible de la Gaming School est le grand public, en particulier le jeune joueur qui veut être accompagné dans son perfectionnement, et le joueur occasionnel qui souhaite découvrir comment être efficace sur un titre devenu difficile d’accès, comme League of Legends. “La complexité de LoL fait qu’il est utile de trouver du contenu de qualité, normé, avec une vraie progression pédagogique, et fait par de bons coachs” explique Thierry Debarnot, co-fondateur de Gaming Campus et co-fondateur de digiSchool, le groupe spécialisé dans l’éducation en ligne. Fondé en 2018 à Lyon, le Gaming Campus regroupe la G. Business School formant aux métiers du management (du monde du jeu vidéo), et la G. Academy, enseignant les métiers de “l’esportainment” (athlète eSport, entrepreneur/influenceur, talent vidéo). À la rentrée d’octobre 2019, les campus accueilleront 240 étudiants : 190 à la G. Business School et 50 à la G. Academy.
La Gaming School est donc un site internet qui donne accès à des leçons et à des masterclass en ligne dédiés au grand public. Il est possible d’y effectuer des évaluations afin d’obtenir un programme personnalisé et/ou de consulter le contenu de manière totalement libre. Elle ne donne pas accès à des cours donnés dans les locaux des écoles situées à Lyon et doit de ce fait être prise pour ce qu’elle est : un accompagnement à distance des joueurs, le temps d’un abonnement. Dès lors qu’il s’agit de leçons purement en ligne, il paraît compliqué de jauger la pratique des abonnés. “Nous avons des exercices où un coach avance un énoncé sur une situation précise et où il est demandé d’écrire une réponse, qui sera corrigée. Puis il y a des masterclass en ligne. Plus tard, nous irons plus loin grâce à l’analyse des statistiques des apprenants” annonce Thierry Debarnot. Les programmes sont conçus par des référents pédagogiques, exactement comme ce qui est fait avec digiSchool. Les coachs/enseignants ont été recrutés en fonction de leur niveau de connaissance des jeux et de leur sens de la pédagogie. “Avant l’ouverture du Gaming Campus, on a rencontré pendant un an et demi tout un tas d’acteurs du jeu vidéo : des éditeurs, des studios, des distributeurs, et bien d’autres. Au fur et à mesure, nous avons coché les noms qui étaient cités afin de trouver les meilleurs” raconte le co-fondateur de Gaming Campus. Payer pour mieux jouer, est-ce la tendance de demain ? “Nous sentons bien que tout change, qu’il y a une mutation générale. Ce n’est pas surprenant de voir que l’on ait envie de progresser, y compris pour ses loisirs, pour être meilleur” répond Laurent Bouchard, Directeur Général de Micromania-Zing.
“Un relais original de promotion du jeu vidéo”
Les deux compagnies ont toutes les deux beaucoup à gagner en s’associant. Pour Micromania, il s’agit de diversifier son offre et de s’assurer du chiffre avec un nouveau produit. Plus les jeux seront nombreux, plus les vendeurs pourront proposer des abonnements ciblés aux clients. Du côté de Gaming Campus, les utilisateurs actifs assurent un revenu régulier et peuvent potentiellement développer des vocations à réaliser à la G. Business School ou à la G. Academy. “Nous sommes des spécialistes de l’éducation sur le numérique, par contre, pour faire connaître notre domaine de compétence à un maximum de joueurs, nous avons estimé que ce n’était pas notre cœur de métier” explique Thierry Debarnot. Laurent Bouchard ajoute : “nous sommes partenaires distributeurs. Nous soutenons le projet car nous estimons qu’il s’agit d’un relais original de promotion du jeu vidéo et que ça trouvait complètement sa place chez nous”. Le géant de la distribution s’occupe également de mettre en relation la Gaming School avec les éditeurs qui souhaiteraient utiliser la plateforme pour promouvoir un jeu ou un contenu. “Ce n’est pas la première fois que l’on soutient un projet, on a connu des succès et des échecs” reconnaît le Directeur Général de Micromania-Zing. “Mais ici, nous avons vite compris que le produit n’était pas seulement une bonne idée pédagogique, mais aussi une bonne idée commerciale”. Serait-il alors possible d’imaginer l’organisation de cours de la Gaming School directement dans les boutiques ? Laurent Bouchard ne réfute pas cette possibilité.
Malgré l’inscription via un code prépayé, le site demande l’ajout d’une carte valide pour terminer l’inscription. Il faut de ce fait penser à résilier si l'on ne souhaite pas s'engager sur une plus longue durée. Concernant les contenus, les vidéos disponibles sur le site sont courtes, et ne disposent pas de sous-titrage. Néanmoins, un texte explicatif résume les points abordés par le coach sur la page de la vidéo. Malgré une certaine lenteur dans le chargement des pages, le site est agréable à l’utilisation et les conseils donnés sont bons. Lors des diffusions en direct, les coachs sont attentifs aux messages laissés sur le salon de discussion. En plus de la formation sur des jeux, la Gaming School propose des astuces sur l’art du streaming. Nous trouvons ainsi des cours sur le choix du matériel (en fonction du budget) ainsi que sur la prise de parole face à une caméra. Il est à noter que la totalité des cours liés au streaming n’est pas encore disponible au moment où nous écrivons ces lignes.
L’école en ligne face aux attentes
Lorsqu’il s’agit de parler des chiffres de ventes, les deux groupes préfèrent rester évasifs. Il faut reconnaître que pour le moment, six semaines après le lancement de l’opération, il est risqué d’établir un premier bilan. “Je ne vais pas vous donner de chiffres, mais je peux vous dire que ces abonnements à la Gaming School sont déjà des succès” déclare Laurent Bouchard. Les raisons de cette réussite, selon le patron de Micromania-Zing, viendraient à la fois de la période de lancement propice (le début des vacances scolaires) et du prix abordable (moins de 10 euros pour un mois). La première tendance qui se dégage vient de la catégorie d’âge des acheteurs. Les 10-16 ans seraient les premiers consommateurs, suivis des 35-45 ans. “Les deux catégories sont parfaitement compatibles, puisque la deuxième courbe correspond finalement aux parents qui achètent ce type de produits aux enfants” constate Laurent Bouchard. Le succès annoncé auprès des jeunes utilisateurs s’expliquerait par le fait que parmi les cours dispensés sur Gaming School, nous retrouvons en tête d’affiche Fortnite qui est un vrai phénomène chez les plus jeunes.
Le lancement ayant été effectué, les deux groupes pensent désormais à l’avenir et aux nouveaux jeux qui viendront compléter l’offre. Deux titres supplémentaires devraient étoffer le catalogue cette année. La Gaming School choisit les jeux en fonction de deux critères. Le premier est leur durée de vie, ou plutôt leur profondeur, afin que de nombreux cours puissent être proposés. Une condition qui n’est pas étonnante pour un service basé sur de l’abonnement. Le second est leur maturité : il est nécessaire que les titres disposent d’une large base de joueurs. Plus les utilisateurs sont nombreux, plus le nombre de personnes souhaitant prendre des cours peut être conséquent.
L’eSport en ligne de mire ?
La Gaming School a pour vocation de satisfaire un public qui souhaite mieux comprendre les mécaniques d’un ou de plusieurs titres afin de mieux y jouer, en suivant un cursus sur Internet le temps d’un abonnement. “Nous venons du secteur de l’éducation, et cela nous paraissait évident qu’un jour il y aurait besoin d’avoir un accompagnement dans le jeu vidéo” confie Thierry Debarnot. L’idée n’est donc pas de former les joueurs eSport de demain avec cette formule accessible dans les Micromania-Zing de France. Le Gaming Campus dispose néanmoins de spécialisations eSport dans ses locaux à Lyon. “Nous formons des athlètes eSportifs en fin de cursus, ils ne sont que 7 cette année” relate Thierry Debarnot. “Nous partons sur un mode de centre de formation similaire aux centres d’autres sports avec une détection à l’entrée. Si le niveau est atteint, comme pour les 7 étudiants de cette année, on les intègre à la G. Academy”. Mais comme le rappelle le co-fondateur de Gaming Campus, sur les 110 milliards de chiffre d’affaires global que pèse le jeu vidéo, l’eSport représente moins d’un milliard. Le secteur demeure intéressant car nouveau et en croissance, mais il n’est aujourd’hui qu’un micro secteur. “Il y a des fantasmes. Il faut éviter les malentendus. Quand un enfant de 14 ans ou moins croit que quand il est bon, il peut faire carrière, il peut le croire, cela peut être le cas, mais c’est rarement le cas” prévient Thierry Debarnot. “C’est pourquoi nous leur donnons un background éducatif solide afin qu’ils deviennent meilleurs dans leurs équipes, ou pour leur permettre de se réorienter s’ils ne percent pas, ce qui sera le cas d’un large pourcentage d’entre eux”.
À l’heure où les diffusions en direct sont légion, Micromania-Zing et Gaming Campus espèrent que les joueurs voudront apprendre à mieux jouer et à mieux streamer. L’approche se veut simple, didactique, et destinée à un public désireux de muscler gentiment son jeu contre un abonnement. Pour le moment, la plateforme se concentre sur des titres ayant un grand succès. Pour bien jouer, il faut bien évidemment connaître les règles, mais aussi et surtout (pour certains projets) avoir de bons réflexes. Des compétences physiques qui restent, elles, difficiles à développer avec des cours en ligne et des QCM.