Alors que la bêta d'un certain World of Warcraft Classic vient de débarquer et que sa sortie est désormais fixée au 27 août prochain, les fans, impatients de s'y essayer et déçus de ne pouvoir s'y frotter qu'en fin d'été, manifestent un certain enthousiasme à ce qui s'annonce comme une madeleine de Proust un peu particulière. Mais ne fantasme-t-on pas un peu trop cet événement en laissant la nostalgie primer ? Le choc des années qui passent pourrait en tout cas enterrer la vitalité de Classic sur le long terme.
Bande-annonce de WoW Classic
Et pourtant, l'envie est là
Avant d'aller plus avant, notez que votre serviteur a également écumé plus souvent qu'à son tour les donjons, raids et régions de WoW Vanilla, avec ce que cela comporte de souvenirs mémorables, de grands éclats de rire, d'intenses moments de satisfaction et de rencontres de guildmates devenus des amis pour la vie. La perspective d'une plongée 13 ans en arrière revêt donc une dimension toute particulière puisqu'au-delà du fait que ces joyeuses expériences se sont poursuivies pendant près de 10 ans, les moments, sociaux, pour la plupart, les plus intenses se sont produits sur cette période que d'aucuns croient bénie.
Et il faut reconnaître que la perspective est alléchante pour plus d'un joueur. Qu'il s'agisse des irréductibles encore sur les serveurs depuis le commencement, des nostalgiques de cette époque ayant lâché le jeu depuis quelques extensions ou même de ceux arrivés en cours de route et désireux de goûter à l'expérience originelle de cet indéboulonnable mastodonte du MMORPG, un large panel de joueur peut être intéressé par WoW Classic. Et surtout, il faut bien reconnaître que renouer avec la difficulté d'antan (qui se souvient de Naxx Vanilla et de son pic de difficulté lève la main) est une perspective des plus séduisantes, à l'heure ou WoW n'a plus le challenge d'antan.
Etre à la hauteur du fantasme
Mais avec le recul, difficile de ne pas imaginer que l'on fantasme un peu trop cette époque encore assez neuve pour le MMORPG, et que le poids des années pèsera sans doute très lourd sur les épaules du jeu. Effectivement, aujourd'hui, World of Warcraft est une machine parfaitement huilée, qui a su, au fil de ses extensions, adapter son propos pour toujours rester dans l'air du temps. Le leveling 1-60 (et au-delà), est aujourd'hui bien différent de ce qu'il était à l'époque. Il est désormais pensé pour être rapide, varié et accessible. C'est d'ailleurs sans aucun doute ce que nombre de vétérans ont reproché à Blizzard : cette politique d'accessibilité toujours plus poussée, ayant conduit notamment à une simplification drastique des différents arbres de talents.
De leur côté, les jeux vidéo en général et les MMO en particulier ont également évolué. Terminé, ou presque, le gameplay statique. Désormais, nous obtenons rapidement (et facilement) des montures pour nous déplacer, et nombre de personnages peuvent incanter des sorts tout en se déplaçant. Revenir à Vanilla, c'est revenir à des quêtes FEDEX, à la perspective d'écumer longuement à pied les vastes environnements du jeu, à batailler pour avoir une monture et à se confronter à des zones vides, vieillissantes et à se frotter à une jouabilité lourde et statique. La confrontation entre nos sensations de l'époque, qui n'étaient pas factices puisqu'inscrites dans une période différente, avec ses codes caducs depuis, et la réalité de ce que Vanilla sera aujourd'hui risque de s'apparenter à une douche froide. Si l'on peut légitimement pester contre une tendance à la casualisation de ce MMO, il faut garder à l'esprit que de nombreuses fonctionnalités ont permis de rendre certaines actions plus pratiques tout simplement. L'unification de l'hôtel des ventes ? Terminée. Les hauts faits ? Absents. Les montures volantes ? Envolées. La recherche automatique de groupe ? Évaporée. Logique, respectueux de l'oeuvre originelle, cette philosophie ne sera sans doute pas en accord avec les attentes de tous.
Vers une minorité d'irréductibles ?
Si nous ne doutons pas un seul instant que de nombreux joueurs et joueuses trouveront largement leur compte dans ce retour dans le passé, comme l'on parfaitement prouvé les serveurs privés, dont la fermeture des plus populaires a été le point d'entrée à la mise en branle de WoW Classic, difficile d'imaginer que d'autres ne déserteront pas rapidement les serveurs. En effet, les plus jeunes se heurteront à un jeu vieillissant, tandis que d'autres ne parviendront sans doute pas à renouer avec les sensations de jeu qu'ils avaient à l'époque. Il sera bien entendu possible, pour certains, de retrouver de vieux partenaires et de désirer se rejeter un leveling à l'ancienne, et dans ce cas, il est clair que l'expérience sera agréable. Mais pour que l'expérience soit un succès sur le long terme, il faudra que les serveurs soient peuplés, car, monter un groupe de farm de donjon en braillant sur le général de la capitale de votre faction sera bien compliqué si elle est désertée. À l'époque, partir en groupe se faisait très naturellement parce que les serveurs étaient peuplés. En l'absence de joueurs, un MMO n'a pas lieu d'être et il ne faudrait pas que Classic en fasse les frais.
Cependant, il y a de fortes chances que l'auteur de ces lignes soit le premier à se précipiter sur les serveurs à leur ouverture, histoire de relancer un bon vieux War armes, comme à la grande époque. Mais la certitude de ne pas y rester longtemps est bien vissée dans mon esprit. La nostalgie fonctionnera aussi sans doute chez les indéboulonnables des serveurs privés, et peut-être même, pendant un temps seulement, sur les nostalgiques qui grouperont avec quelques amis pour écumer Azeroth. Est-ce que cela sera suffisant pour maintenir l'intérêt du jeu sur le long terme ? Pas si sûr... à moins bien entendu, que Blizzard n'envisage de poursuivre l'aventure avec BC et LK, auquel cas, je ne réponds plus de rien.