Au fil du temps, le jeu vidéo a su évoluer grâce à la technologie. L’arrivée de consoles de plus en plus puissantes a permis aux développeurs de proposer des jeux plus impressionnants. Il suffit de regarder dix ans en arrière pour s’apercevoir du chemin parcouru, surtout quand on regarde un Red Dead Redemption II ou un Metro Exodus. Pourtant, quand il s’agit d’aborder l’intelligence artificielle, on est en droit de s’interroger…
Il y a 20 ans encore, l’intelligence artificielle était sur toutes les lèvres. L’arrivée des jeux d’infiltration comme Metal Gear Solid mettait la lumière sur les comportements des ennemis contrôlés par « la machine », dont les réactions se devaient d’être de plus en plus humaines. Vous vous souvenez peut-être avoir joué à découvrir toutes les possibilités et types de réactions de vos adversaires en leur jetant des objets, en vous cachant ou en observant leur va-et-vient. Bien évidemment, à l’époque, les réactions des personnages contrôlées par la machine étaient plutôt limitées, et nous nous imaginions déjà, rêveurs, les possibilités dantesques dans l’avenir, quand l’intelligence artificielle aurait profité de nouvelles technologies.
La stagnation
Malheureusement, 20 ans plus tard, le constat est pour le moins cinglant. L’intelligence artificielle n’a pratiquement pas évolué d’un iota. Diable, mais que s’est-il passé ? Alors que les machines sont beaucoup plus puissantes, capables de traiter des millions de données à la fois, les seules véritables avancées touchent des éléments comme les graphismes, ou la densité des environnements proposés, bien plus importants d’un point de vue marketing. Il est sûr qu’on épate plus son monde avec un trailer à tomber par terre qu’en montrant un soldat réfléchir à la meilleure façon de contourner un problème. Cette orientation est bien plus malheureuse qu’on ne le pense.
Pour reprendre l’exemple des shooters populaires, on aurait pu croire que les derniers épisodes de licences à gros budget, comme The Division 2 ou Anthem par exemple, possèdent les meilleures IA. Pourtant, pour beaucoup, c’est un titre de 2005 qui tient encore la barre, un certain F.E.A.R. Entre les tentatives d’embuscades, les contournements, la communication entre les ennemis selon la situation et même le changement de comportement selon leur nombre, le jeu du studio Monolith Productions en aura épaté plus d’un, offrant aux joueurs des sensations rares dans le genre. C'était il y a presque 15 ans.
Réfléchissez-y : quand avez vous été vraiment subjugué par une IA pour la dernière fois ? Le seul cas qui me vient à l’esprit est celui d’Alien Isolation, même si le leurre tombe vite : le script des méthodes de recherche du xénomorphe est bien plus prévisible qu’on ne le croit au début. L’intelligence artificielle n’est malheureusement plus un point très important en matière de marketing, ce qui a une terrible incidence sur l’intérêt des titres (ou campagne) solo. Tirer sur des sacs de viandes prévisibles n’est pas des plus excitants et les jeux cachent le manque d’innovation en matière d’IA par des scènes d’action à gros budget ultra scriptées. Pire encore, c’est en montant la difficulté d’un jeu que l’on se rend compte que l’intelligence des ennemis n’a que peu de valeur dans les jeux vidéo d’aujourd’hui. Mettez un shooter en mode « ultra hard », et ils seront juste plus résistants et précis à l’extrême, deux facteurs qui les caractérisent encore plus comme des personnages non humains.
Les répercussions
Comme me le souffle mon collègue Carnbee, John Romero (l’un des créateurs de Doom) disait à l’époque que créer des IA aux réactions proches de réactions humaines serait une erreur, et qu’il fallait que les ennemis agissent dans un certain carcan pour le plaisir de jeu du joueur. Si ce que disait John Romero avait sans doute un sens dans les années 90 avec des jeux typés arcade, je pense que ce mode de pensée n’a plus de raison d’être aujourd’hui. Avec l’expansion des open world, les joueurs cherchent aujourd’hui des mondes cohérents, qui nécessitent alors une intelligence artificielle des plus performantes. Dans un GTA V par exemple, on veut que les PNJ réagissent de façon humaine à nos faits et gestes, s’inquiétant de nous voir courir, klaxonnant quand on traverse devant eux, et s’affolant quand on se met à tirer sur tout ce qui bouge. Comme quoi, il y a quelques évolutions, mais clairement pas assez...
Si les open world et les jeux de tirs sont souvent cités quand on parle d’IA, il ne faut pas oublier les autres genres qui souffrent de plus en plus du manque d’innovation en la matière. Les jeux de sport, par exemple, sont souvent à mettre au pilori. Augmentez la difficulté d’un FIFA/PES, et vous verrez alors les joueurs adverses réagir en un quart de seconde à la plupart de vos dribbles et passes, ce qui ne constitue absolument pas une bonne expérience. Battre l’IA ne demande pas de la réflexion, mais juste de trouver le point faible contre lequel elle a été mal codée, que vous pouvez ensuite répéter sans cesse puisque l’IA n’apprend rien. Les jeux de combat souffrent aussi de ce problème, comme le fameux « Tiger Uppercut » de Sagat à la milliseconde où vous avez osé effleurer la flèche du haut dans un Street Fighter…
Les exemples sont nombreux, mais les résultat est toujours le même. Le manque d’évolution est flagrant et c’est l’expérience de jeu qui en pâti. Malheureusement, travailler sur le sujet demande un budget plus que conséquent : il s’agît de revoir entièrement le game design, ce qui demande de la R&D. Tout ce que j’espère, c’est que l’intelligence artificielle redevienne un jour un pilier du jeu vidéo, aidé par la technologie, comme le laisse suggérer des travaux comme ceux de Mike Ambinder chez Valve sur les jeux contrôlés par la pensée. Une IA qui réagit selon ce que vous avez en tête, avouez que ce serait surprenant !