flOw, le premier jeu conçu par thatgamecompany, est bien le digne héritier de Cloud et du style inimitable du studio. Dans flOw, le joueur prend le contrôle d’une toute petite créature sous-marine, que l’on pourrait même qualifier de micro-organisme. Grâce au système Sixasis de la manette PS3 ou de la souris – car flOw est avant tout un jeu Web, on y reviendra – nous sommes invités à diriger cette minuscule bête afin de découvrir un vaste et profond océan. Pour chacune des 6 campagnes que propose le soft, le but du joueur est d’atteindre le point le plus profond du niveau et de gober une sorte de petite graine, ce qui est synonyme de victoire. Cependant, moult rencontres avec d’autres micro-organismes pimentent ce voyage. Libre au joueur de choisir de manger ces derniers, ce qui fera d’ailleurs grandir sa créature, ou alors de les ignorer et de poursuivre paisiblement son voyage.
Outre ce gameplay certes minimaliste mais par conséquent très accessible et efficace, c’est surtout pour son ambiance que flOw fascine. Tantôt on s’émerveille devant l’incomparable beauté d’une créature qui mène calmement sa silencieuse vie, tantôt on s’imprègne de l’atmosphère sereine des profondeurs abyssales et on se laisse porter par les mouvements lents mais gracieux de l’eau. Incontestablement, flOw profite d’une esthétique remarquable et c’est bien là sa force. Certes, l’aspect technique du jeu est relativement simpliste, il faut l’admettre. Cependant, rares sont ceux qui restent indifférents devant la finesse de cet environnement sous-marin. Aussi, cette aura relaxante est renforcée par une bande-son recherchée et en accord avec cet univers pas comme les autres. La musique, composée par Austin Wintory, apporte quelques sons mélodieux, peut-être une certaine mélancolie qui est la bienvenue, mais elle est surtout la touche finale pour faire naître chez le joueur des émotions uniques, ainsi qu’un sentiment de dépaysement et d’apaisement.
Une histoire de thèse
Même si flOw est aujourd'hui principalement connu pour sa version sur PlayStation 3, le soft a d'abord vu le jour sur le Web au printemps 2006. La genèse du projet se situe même un peu plus loin encore, et remonte à l’époque universitaire. Le studio thatgamecompany n’est alors pas encore officiellement créé, et Jenova Chen et Kellee Santiago sont encore étudiants à l’USC. Chen doit rédiger pour l’école une thèse à propos du jeu vidéo, et choisit le thème « Le flow dans les jeux vidéo ». Mais qu’est-ce donc que ce « flow », me direz-vous. Derrière ce terme se cache en réalité une théorie psychologique très poussée, énoncée par le psychologue hongrois Mihaly Csikszentmihalyi. Selon lui : le flow est l’état de concentration et d’engagement optimal d’un individu dans une activité, qui procure chez cette personne un sentiment continu de réussite et de bonheur. Cet état est, selon Mihaly Csikszentmihalyi, dû à un équilibre fragile entre le challenge de l’activité et les compétences de l’individu. Concrètement, vous pouvez par exemple être dans un état de flow quand vous jouez à un bon jeu vidéo, qui n’est ni trop dur ni trop facile pour vous : vous êtes alors complètement immergé dans l’univers de celui-ci, si bien que vous n’avez plus vraiment conscience du temps qui passe, du monde qui vous entoure, et même de vous-même. C’est ce phénomène qui intéresse Jenova Chen, mais qui le questionne tout autant. Comment, dans un jeu vidéo, provoquer à coup sûr la sensation de flow chez le joueur ?
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Chen se lance dès lors dans la rédaction de sa thèse. Après plusieurs recherches, il commence petit à petit à trouver la réponse à sa question, grâce à un élément de game design qu’il découvre, l’ajustement dynamique de la difficulté (Dynamic Difficulty Adjustment ou DDA). Comme son nom l’indique, l’idée est d’intégrer un ajustement permanent de la difficulté au jeu, géré par l’IA ou tout simplement par le joueur lui-même. Au final, le joueur, peu importe son niveau, reste dans un état de flow, car l’ajustement de la difficulté lui propose toujours un challenge qui lui correspond au mieux. Mine de rien, cela contribua largement au succès du jeu, le rendant très accessible. Chen, dans sa thèse, cite notamment le titre de Rockstar Games, Grand Theft Auto, qui propose, grâce à son monde ouvert et aux libertés qu’il offre, un éventail de challenges qui n’a comme seules limites celles de l’imagination du joueur.
Lire la thèse complète de Jenova Chen traduite en français (PDF)