Si Pac-Man, Mario et d'autres héros de l'époque sont parvenus à s'imposer au point que certains soient toujours en activité aujourd'hui, c'est bien parce que leurs créateurs ont parfaitement compris ce qu'attendent les joueurs : un moment de plaisir immédiat permettant de s'aérer l'esprit et de sortir un instant de leur quotidien. Comme bon nombre de médias, les jeux vidéo reposent en partie sur l'immersion. Un jeu est généralement bon s'il est immersif, en d'autres termes, s'il parvient à capter l'attention de son utilisateur. Pour cela, un jeu met en place sa propre réalité, généralement indépendante de la nôtre et dans laquelle le joueur n'est pas simplement spectateur mais acteur. Lorsqu'un héros est présent (bien des jeux fonctionnent sans héros : Tetris ou Breakout), celui-ci assure le lien entre le joueur et son jeu. De fait, si le personnage principal s'insère mal dans le cadre du jeu, l'immersion peine à se faire. Conjointement, si le héros n'intéresse pas le joueur, c'est l'identification qui se retrouve brisée. Pour qu'un joueur puisse se prendre au jeu, il faut donc que le héros soit convaincant et assure à la fois l'immersion et l'identification.
Au fil des années, plusieurs méthodes seront mises en place pour renforcer l'identification. Par exemple, le héros peut être perçu comme un modèle, un personnage qui prône des valeurs nobles. On pense là encore à Link qui n'écoute que son courage pour sauver le Royaume d'Hyrule dans la série Zelda ou à l'Avatar dans la série Ultima. L'identification peut aussi passer par le partage de traits physiques ou de caractère entre le joueur et le héros. Dans Mass Effect par exemple, nous sommes libres de créer notre commandant Shepard de la manière qu'on le souhaite grâce à un éditeur de personnages très complet. Chacun peut alors non seulement modifier l'apparence, mais aussi choisir le sexe ou encore la spécialisation en combat de son héros, ce qui influera sur les compétences en jeu. Durant l'aventure, de multiples choix moraux s'ouvrent également pour permettre à chaque joueur d'affiner la personnalité de son héros, et donc de s'identifier totalement à lui.
Bien sûr, tout ceci ne tient pas lieu de règle générale et ne s'applique pas forcément aux antihéros. Difficile en effet de justifier les actions de Niko Bellic dans Grand Theft Auto IV et pourtant le personnage plaît énormément aux joueurs. Même chose pour Wario dans un registre totalement différent. En dépit de sa laideur et de son sale caractère, le personnage obtient la faveur de bien des joueurs. Dans une certaine mesure, les antihéros misent sur une identification par l'interdit. En prônant des valeurs dites inacceptables, ils s'assurent paradoxalement la sympathie des joueurs qui voient en eux une sorte d'exutoire, un moyen de laisser libre cours à leurs bas instincts.
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