Bien qu'on ne le cite jamais au milieu des grands studios de jeu vidéo, Mistwalker peut se targuer d'avoir une ludothèque très honorable, qualitativement parlant. C'est sans aucun doute la preuve du talent de Hironobu Sakaguchi, le créateur de Final Fantasy (tout de même). Du coup, lorsque le studio revient avec un certain Terra Battle, free-to-play sur iOS, on s'y intéresse très fortement.
On a presque tous eu la même réaction devant les premiers trailers de Terra Battle. Une sorte de mélange entre « Mais c'est quoi ce gameplay ? » et « Je veux y jouer » ! Décrire rapidement le genre du jeu n'est pas aisé, mais je me risquerai personnellement sur jeu de rôle d'adresse tactique. Oui, ça n'existe pas, mais c'est pas de ma faute si Mistwalker tente d'innover ! L'idée de base consiste en une grille de 6x8 cases (en hauteur donc) sur laquelle sont placés nos personnages et les ennemis. En déplaçant nos troupes, il faut encercler les ennemis afin de les attaquer, déclenchant potentiellement des combos. Là, ça semble tout bête, mais la magie opère dans la façon de déplacer ses troupes.
Dessine-moi une attaque
En effet, de votre petit doigt, vous ne pouvez déplacer qu'un seul allié par tour, et ceci en un seul mouvement. Le côté fun, c'est que ce « mouvement » est totalement libre, même si vous n'avez que quelques secondes pour le réaliser une fois que vous avez mis le doigt sur le personnage. En gros, vous pouvez vous déplacer librement sur la grille en faisant des cercles si ça vous chante, tant que vous finissez à l'endroit voulu à la fin de la jauge de temps. Et là, vous vous dites : « Mais pourquoi diable n'irais-je pas directement sur la case voulue » ? Tout simplement parce que grâce à vos mouvements, vous pouvez aussi déplacer vos autres alliés ! Pour être précis, lorsque vous passez sur la case d'un autre de vos persos, ce dernier se déplace d'une case dans le sens inverse de votre direction. Grâce à cette influence, vous pouvez partiellement déplacer vos troupes de façon à ce que deux de vos persos se retrouvent d'un côté et de l'autre d'un ennemi, seul moyen de déclencher une attaque. Bien sûr, de votre adresse et de votre rapidité (le temps est très court, quelque chose comme trois secondes) découlera l'efficacité de votre tour d'attaque. Un point d'autant plus important que de nombreux autres éléments rentrent en compte.
Dessine-moi une combo
En effet, puisque vous disposez de 6 personnages en combat, les deux qui encerclent l'ennemi peuvent interagir avec les quatre autres. Pour être exact, à chaque attaque, tous les persos qui se retrouvent sur la même ligne ou colonne qu'un des alliés attaquants participeront à l'assaut, ce qui permet d'afficher de lourds dégâts. Cela signifie donc que lors de la phase de déplacement, il va falloir essayer de gérer le placement de tous vos persos à la fois, toujours en n'en bougeant qu'un seul de façon directe. Et là, vous comprenez enfin toute la difficulté et le génie de ce gameplay. Car quelques minutes de jeu à peine suffisent à se rendre compte du potentiel addictif, fun et tactique de Terra Battle. Alors que les ennemis sont nombreux, on se doit de prendre son temps pour trouver le meilleur déplacement possible, s'entraîner à le faire dans sa tête (en bougeant son doigt au-dessus de l'écran pour apprendre le mouvement par coeur) et s'engager en priant pour ne pas commettre une erreur, chose qui arrive vite. Souvent, on essaiera de déclencher plusieurs attaques en même temps, notamment en plaçant deux groupes de deux alliés qui encerclent des ennemis et partent en combos entre eux. Le must, c'est que peu importe le nombre d'ennemis, s'ils sont alignés et que deux de nos alliés les encerclent, toute la ligne prend les dégâts (même pas divisés) ce qui permet parfois d'en annihiler un bon paquet à la fois. Vu que chaque ennemi supplémentaire vaincu dans un même tour procure un bonus d'expérience de 10% cumulatif, cela vous donne une idée de ce qu'il est possible de faire...
Mieux que ce que vous imaginez déjà...
Si vous pensiez que le gameplay se suffisait déjàà lui-même, attendez-vous à être encore surpris par sa complexité. Lorsqu'il s'agit de calculer les dégâts, il faut aussi prendre en compte un système de papier-pierre-ciseau qui se traduit ici par épée-arc-lance. S'il n'est pas exclusif (on peut battre un archer avec deux lanciers) les bonus ou malus restent très significatifs. Les magiciens sont quant à eux neutres dans ce système. Comme si cela ne suffisait pas, un système d'éléments rentre aussi en compte. Oh, et il y a aussi les compétences de chacun de vos personnages, qui se déclenchent selon un certain pourcentage de chance s'ils sont pris dans un combo (et qui sont, entre autres, l'unique moyen de vous soigner). Et tout ça n'est rien par rapport aux mouvements et actions des ennemis, qui risquent bien de mettre à mal votre stratégie. En effet, certains d'entre eux sont capables de déplacer vos personnages en se déplaçant et via des attaques, ce qui vous oblige à redéfinir votre tactique. D'autres rendent certaines zones de la grille empoisonnées. Enfin, certains boss occupent quatre cases au lieu d'une, ce qui change un peu la donne en termes de placement. Bref, vous n'avez pas fini de réfléchir à chacun de vos coups. Ah, dernière chose, dans certains chapitres, des pièges situés sur la grille vous obligent à faire très attention à vos déplacements... Je vous avais bien dit que c'était complexe ! Bref, nul ne peut nier la profondeur de gameplay de Terra Battle et les combats les plus durs sont très gratifiants (enfin, si on gagne...).
Un contenu impressionnant
Bien évidemment, la dimension RPG est très loin de s'arrêter là. A force de combat, vous engrangez de l'expérience, de l'argent et des objets qui vous seront plus que nécessaires dans votre évolution. L'expérience permet à vos personnages de passer des niveaux, ce qui améliore drastiquement leurs statistiques tout en leur permettant d'apprendre de nouvelles compétences. L'argent quant à lui permet de recruter de nouveaux personnages à la taverne, ce qui s'accumule avec la possibilité de « capturer » des monstres en plein combat pour les utiliser en tant qu'alliés par la suite. Enfin, les objets (en plus de l'argent) permettent carrément d'ajouter des jobs supplémentaires à chacun de vos persos (ça ne marche pas pour les monstres et les persos génériques), ce qui vous poussera à faire un peu de farming de temps en temps. Tous ces éléments finissent par faire de Terra Battle un jeu complet en termes de possibilité. Mais sachez aussi qu'outre le scénario principal (divisé en 30 chapitres), vous avez aussi accès aux zones de chasse d'objets dont le concept change selon le jour de la semaine. Par exemple, le mercredi, vous affrontez des robots qui tentent d'atteindre un point rouge sur la map. S'ils y arrivent, ils deviennent beaucoup plus puissants et infligent de lourds dégâts, vous obligeant à jouer beaucoup plus défensif qu'à l'accoutumée. Au contraire, le mardi, vous affronterez des flans contre lesquels seules les attaques élémentaires sont vraiment efficaces, contrairement aux attaques physiques. Le roi des flans apparaîtra à la fin en guise de boss. En plus de varier le gameplay avec quatre types de combat (le vendredi, la zone de chasse change toutes les heures), les objets offerts en récompenses diffèrent aussi selon la journée.
Ce concept de période a une autre importance quand il s'agit des Zones Métal, dont le but est de récupérer un maximum d'expérience, mais qui ne s'ouvre que pendant des périodes limitées. Le principe est tout autre puisque les ennemis n'attaquent pratiquement pas. Par contre, ils essaient de s'échapper à chaque tour, ne laissant pas d'expérience derrière eux. Cela demande une toute autre tactique, notamment à cause des Coursiers, qui ont tendance à s'éloigner lorsque vous les approcher selon la vitesse à laquelle vous arrivez avec votre personnage. En arrivant doucement, vous pouvez le surprendre, mais rappelez-vous que vous n'avez que trois secondes pour faire votre popote. Dans de rares cas, vous pouvez aussi affronter le roi, bourré de PV, mais qui s'échappe au bout de six tours. Loin d'être anecdotiques, ces Zones Metal permettent au personnages de faible niveau de rattraper les personnages de haut niveau, ce qui risque d'arriver puisque les personnages qui ne participent pas en combat ne gagnent absolument pas d'expérience. Dernier point en ce qui concerne le contenu, on note la présence d'une arène, pas encore complète à l'heure d'écriture de ce test. Pour le moment, on ne peut qu'y dépenser un ticket métal pour accéder à la Zone Métal hors des périodes de disponibilité. Plus tard y seront disponibles un mode Versus et un mode Coopération, ce qui pourrait encore multiplier une durée de vie déjà fort surprenante.
Comment marche le modèle économique
Tout ça gratuit ? Vraiment ? Oui et non. Rappelez-vous, Terra Battle reste un free-to-play, et l'impact de la boutique peut avoir son importance. En l'occurrence, pour combattre, vous avez besoin d'utiliser des points de vigueur, ces derniers se régénérant à raison de un point toutes les cinq minutes. Si vous arrivez tout de même à court, il est possible d'acheter des unités d'énergie, chacune d'entre elles remettant votre vigueur au maximum. Une unité d'énergie vaut 0,89 euro, avec des tarifs dégressifs si on les achète par lots. De plus, sachez qu'avec cinq unités d'énergie, vous pouvez aussi acheter un personnage rare. En toute sincérité, compte tenu du contenu du jeu et de son aspect initial gratuit, le modèle reste tout à fait honnête et loin de ce que l'on peut voir dans d'autres jeux du même genre. D'une, vous n'êtes jamais totalement bloqué : les premiers chapitres sont tellement peu demandeurs en vigueur que vous aurez souvent regagné assez de points entre deux combats pour ne pas avoir à vous arrêter (la vigueur remonte même en combat). De plus, vous gagnez régulièrement énergie et argent grâce aux bonus de connexion et de connexions consécutives. En sachant qu'une unité d'énergie équivaut à une barre de vigueur complète, on s'en sort plutôt bien. Enfin, chaque fin de chapitre vous donne un bonus de vigueur maximum, remplit entièrement votre jauge de vigueur et vous donne une unité d'énergie gratuite. Bref, comme je le disais, tout ceci semble très honnête, même s'il faut faire quelques pauses de temps en temps si on ne veut pas mettre un denier dans le jeu et que l'on veut garder des points d'énergie pour trouver des personnages rares.
Une bonne finition
Pour accompagner toute cette bonne viande, il ne manquait plus qu'une réalisation soignée. Ô surprise, c'est exactement ce que l'on a. Bien que relativement sommaires, les animations en combat sont énergiques et réussies, avec l'apparition des magnifiques artworks des personnages concernés. Les entre-combats, pour le scénario principal, sont accompagnés de textes décrivant l'avancée de nos personnages dans leur quête à la manière d'anciens jeux de rôle (à noter que je ne détaille pas le scénario, qui reste anecdotique). Les musiques sont composées par Nobuo Uematsu (Final Fantasy, principalement), dont on reconnaît indéniablement le style. Les artworks sont signés par différents artistes, notamment parce que Mistwalker a promis de rajouter du contenu selon les paliers de téléchargement dépassés (cela marche aussi pour les personnages, par différents character designers). Le jeu est aussi en cours de traduction : si certains éléments sont encore en anglais, d'autres (notamment les menus) ont déjà été traduits en français. En fait, même en y regardant de loin, il est vraiment difficile de faire un reproche quelconque au jeu, qui prouve que l'on peut utiliser le modèle économique free-to-play sans persécuter le joueur pour qu'il passe par la boutique. Au final, voici typiquement le genre de jeu dans lequel on dépenserait volontiers un peu d'argent, au moins pour remercier le travail de développeurs talentueux et de créateurs géniaux qui sont, sans aucun doute, avant tout des joueurs. Tout au plus, on peut quand même noter qu'il est plus facile d'être précis sur tablette que sur un téléphone portable. Même si je n'ai pas eu de problème sur un Galaxy S3 (et encore moins sur un iPad 2), un collègue jouant sur un iPhone 4 avait parfois l'impression d'être lésé sur les phases où il fallait être à la fois précis et rapide, même si ça ne l'a pas empêché de tomber accro du jeu. Bref, Terra Battle est un titre génial et sans doute un des meilleurs jeux de l'année toutes plates-formes confondues.
Points forts
- Le gameplay est une trouvaille géniale
- Très accessible
- Une profondeur insoupçonnée
- Les Zones Métal, généreuses en XP
- Les zones de chasse et leurs différentes règles
- Le recrutement de troupes
- Les jobs, qui permettent d'accumuler les compétences
- Gratuit
- Un modèle économique plus qu'honnête
- Une réalisation plutôt soignée
Points faibles
- Si on joue vraiment beaucoup et sans payer, il peut arriver d'être à court de vigueur (surtout à haut niveau)
- Le scénario est au second plan
- Moins pratique sur les écrans plus petits
Avec Terra Battle, Mistwalker signe un titre de grande classe qui se permet même d'offrir un gameplay inédit, accessible et terriblement addictif. Avec une profondeur de gameplay digne d'un jeu de rôle, il scotche le joueur à l'écran. Mieux encore, il est un des rares cas où free-to-play ne veut pas dire contenu répétitif et boutique omniprésente, devenant sans doute un des exemples les plus honnêtes du genre. Terra Battle est un des jeux de l'année, pas seulement sur mobiles, mais pour tout fan de jeux vidéo.