Après la débandade que fut Aliens : Colonial Marines, Sega se devait de réagir en revoyant totalement sa copie. Le résultat ne se fit donc pas attendre puisqu'en parallèle d'un changement de studio, on passe d'un FPS / Action à un jeu orienté infiltration synonyme de gigantesque partie de cache-cache renvoyant dans l'idée au tout premier long-métrage de Ridley Scott. Parti pris osé pour un concept excitant et logique par certains côtés. Maintenant, dans les faits, est-ce que le résultat est à la hauteur des ambitions affichées par le studio Creative Assembly ? Voici quelques éléments de réponse.
S'il n'a pas fallu attendre bien longtemps pour avoir plusieurs suites cinématographiques à Alien, le huitième passager, Alien : Isolation choisit sciemment de revenir sur le laps de temps séparant les deux premiers volets de la saga cinématographique pour mettre en avant Amanda, la fille de Ripley, évoquée dans l'Aliens de James Cameron puisqu'on y découvre qu'elle est morte deux ans avant le réveil de ladite Ripley plongée en hyper-sommeil pendant 57 ans. Ainsi, Amanda apprend, 15 ans après l'incident du Nostromo qui a vu la disparation de sa mère, que la compagnie Weyland-Yutani aurait des informations sur l'endroit où pourrait se trouver sa génitrice. Elle décide alors d'accompagner le dénommé Samuels jusqu'à la station orbitale Sevastopol qui va vite s'avérer être un piège mortel en tant que fief d'androïdes déglingués, de survivants un brin nerveux et, surtout, d'un Xénomorphe ayant les crocs.
Attrape-moi si tu peux
L'optique d'Alien : Isolation est donc de dépoussiérer le gameplay de la série en délaissant sciemment la partie « action » (du moins dans son premier tiers) pour lui préférer une approche plus subtile synonyme d'infiltration et de fuite. Sur ce point, il faut avouer que les développeurs ont vraiment su nous offrir un jeu équilibré puisque sur l'ensemble des 19 chapitres composant l'aventure, on passe allègrement d'une traque en bonne et due forme (dont nous sommes malheureusement le gibier) à des passages plus nerveux avant de revenir à quelque chose de plus viscéral mettant en avant le côté humain de Rip. Malheureusement, il est très difficile de parler précisément de cette construction sans vous spoiler nombre d'idées intéressantes.
Il convient néanmoins de préciser qu'Alien : Isolation se montre très généreux en passages inspirés et surtout en fan service. N'y allons pas par quatre chemins, tout fan d'Alien qui se respecte devrait éprouver une jouissance immense en parcourant certains niveaux bien précis ou en tombant sur quantité de clins d'oeil au long-métrage de Ridley Scott. Toutefois, en étant tatillon, on pourra se dire que certaines références, pas très finement amenées, sont uniquement là pour brosser ce fameux fan dans le sens du poil. A contrario, je serai hypocrite si je vous disais que ce constat m'a véritablement gâché le plaisir. Il est par contre regrettable que Creative Assembly se soit parfois perdu en chemin en concevant certains passages / chapitres entièrement dédiés aux fans mais d'une pauvreté sans nom d'un point de vue du gameplay. Bref, je vous laisse seul juge sur ce point.
Au-delà de cet aspect, auquel s'ajoute une bande-son issue du film de Scott parfaitement adaptée à l'ambiance du jeu (bien qu'on regrette amèrement de ne pas avoir droit au doublage américain ou à la voix française de Sigourney Weaver), il sera donc question d'avancer à pas de loup afin de ne pas mourir toutes les 10 secondes. Pour ce faire, un seule solution : se cacher, être attentif au moindre bruit et surtout, surtout, éviter la plupart des ennemis. Ainsi, à mesure que vous progresserez, vous aurez divers gadgets à votre disposition pour détourner l'attention des adversaires. Un émetteur de sons, des fumigènes, des grenades aveuglantes, des bombes IEM, bien utiles pour éliminer des groupes d'androïdes, etc. Si vous aurez également la possibilité d'utiliser diverses armes (colt, fusil à pompe, taser, pistolet à clous...) dites-vous bien que ce ne sera pas la solution à préconiser puisque si elles sauront se montrer efficaces face aux humains et androïdes, aucune d'entre elles ne pourra venir à bout de l'Alien. Certes, le lance-flammes (obtenu assez tardivement) sera appréciable pour faire fuir la bête mais n'oubliez pas que celle-ci reviendra très rapidement à la charge, surtout si vous vous montrez trop bruyant. En somme, il ne faudra jamais hésiter à se planquer sous une table, dans des armoires, des chariots à roulettes, des conduits et à checker constamment son radar portatif pour connaître la position de nos ennemis et agir en conséquence. Rappelons tout de même que pour user des gadgets mentionnés plus haut, auxquels s'ajoutent des medikits, il vous faudra dénicher suffisamment de matériaux, disséminés un peu partout dans la station, afin de pouvoir les construire.
C'est la peur qui mène le jeu ?
Si dans l'absolu, Alien : Isolation fonctionne, à l'image du premier film, sur la peur de l'inconnu et l'omniprésence d'un ennemi invisible, le résultat se montre tout de même un peu déséquilibré dans le cas présent. La faute à une IA pas toujours convaincante synonyme d'alien ne nous voyant parfois pas alors que nous sommes accroupis, partiellement masqués à côté d'une caisse à 2 mètres de lui, ou de réactions étranges. Je pense ici au fait que le Xénomorphe ou les androïdes s'arrêteront parfois devant des armoires où l'on se trouve et qu'il suffira de retenir sa respiration tout en se reculant pour que les chasseurs arrêtent leur investigation. Bizarre d'autant qu'à d'autres moments, ces mêmes adversaires ouvriront sans prévenir ladite armoire pour nous chopper alors que nous y sommes entrés en dehors de leur champ de vision. Même constat concernant le comportement du monstre vis-à-vis des autres membres de la station. S'il est recommandé de faire du bruit près des êtres humains afin que l'alien débarque pour s'attaquer à tout ce beau monde, on se demande encore pourquoi le Xénomorphe ne s'en prend jamais aux androïdes. Cela accentue la difficulté de certaines séquences, mais ceci fait fait alors perdre au jeu de sa crédibilité.
En parlant de crédibilité, il est également agaçant que la course soit automatiquement synonyme d'arrivée d'alien. Bien que le tout soit légitime lorsque la créature nous traque dans un endroit relativement cloisonné et calme, cela devient un brin énervant et peu réaliste, une fois entourés d'explosions et d'alarmes en tout genre. Cependant, malgré ces défauts, il faut avouer que l'ensemble fonctionne bien et qu'il est souvent tripant de jouer à cache-cache avec l'extraterrestre ou tout autre ennemi. De plus, il sera régulièrement question de pirater des portes (via divers mini-jeux) ou de découper des serrures alors que le Xénomorphe patrouille, ceci accentuant bien entendu l'état de stress du joueur. Pour autant, est-ce que le jeu fait réellement peur ? Me concernant, j'avoue ne pas avoir sursauté une seule fois même si plusieurs séquences sont parfaitement pensées pour aller dans ce sens. Maintenant, si l'immersion est bonne, très bonne même, elle est par moments court-circuitée par des choix maladroits et des mécaniques de gameplay sentant un peu la naphtaline.
Retour vers le futur
Ainsi, au-delà des QTE inutiles associées à l'ouverture de la plupart des portes, on devra à nouveau supporter ces lampes-torches avec des piles dont la durée de vie n’excède pas quelques minutes. D'accord, c'est idéal pour jouer avec la peur primaire du noir mais malgré le fait qu'on trouve un peu partout des recharges, ça reste plus contraignant qu'autre chose. Néanmoins, l'élément le plus critiquable à mon sens reste ces sauvegardes manuelles souvent mal placées. En effet, si on en trouve pléthore, on a le sentiment que les devs n'ont pas toujours réfléchi en nous obligeant parfois à nous retaper des longues séquences ou des cinématiques suite à un game over. Usant à la longue d'autant que très souvent, on se forcera à prendre davantage de risques pour aller sauvegarder, alors que l'alien patrouille, afin de ne pas avoir à se retaper plusieurs objectifs nous obligeant à aller à un endroit pour chercher un code d'accès, à un autre pour l'utiliser puis encore un autre pour dénicher un nouvel item. D'ailleurs, on aurait apprécié des quêtes un peu plus travaillées bien que vers le Chapitre 12, le tout s’améliore un peu en renvoyant à nouveau à certains passages d'Alien.
En définitive, bien que la jouabilité s'appuie sur plusieurs éléments un peu vieillots, Alien : Isolation s'en sort avec les honneurs et devrait réconcilier les fans avec la franchise. On lui pardonnera alors ses graphismes en dents de scie puisque même dans ce cas-là, Isolation dispose de certains décors très réussis côtoyant, il est vrai, des lieux un peu moins maîtrisés. Creative Assembly a ainsi finement pensé son bébé qui profite d'une excellente durée de vie synonyme de nombreux twists débouchant sur une dernière ligne droite très réussie bien qu'un peu longuette à mon goût. Mais qu'à cela ne tienne, en se voulant quasi fusionnel avec le film de Ridley Scott, Isolation se présente comme un rouage d'une vaste entreprise qui depuis 1979 cherche à nous prévenir que l'espace infini recèle des appels de détresse auxquels il ne faut pas toujours prêter attention...
Points forts
- Directement lié au premier film
- Une approche originale pour un jeu Alien
- Excellente durée de vie (plus de 20 heures)
- Construction plutôt intelligente mixant beaucoup d'infiltration et un peu d'action
- Du fan service, du fan service, du fan service
- Ambiance sonore...
Points faibles
- Pas bien effrayant (même si ça reste purement subjectif)
- Quelques mécaniques de jeu datées
- Techniquement déséquilibré
- L'IA (Alien et ennemis) très fluctuante
- Système de sauvegarde parfois énervant
- ... Même si en VF uniquement et sans la voix française de Sigourney Weaver !
Il aura fallu attendre de nombreuses années avant que la franchise Alien ne s’intéresse au survival-horror mais il est désormais acquis que l'idée n'était pas si folle que cela. En effet, bien qu'Alien : Isolation soit souvent déséquilibré à pas mal de niveaux, l'impression globale qui s'en dégage reste extrêmement positive grâce à de bonnes idées et une ambiance réussie. Véritable hommage au film de Ridley Scott, rempli de références plus ou moins subtiles, intelligemment pensé et à même de contenter les fans de la saga vidéoludique et filmique, ce coup d'essai de Creative Assembly remplit parfaitement son office même s'il y avait sans doute matière à améliorer quantité de petits détails. Affaire à suivre ? On l'espère, oui...