C'est au cours de la Ludum Dare 26, équivalent de la Global Game Jam, que les prémices de Gods will be Watching ont été élaborés. Les équipes de Deconstructeam avaient pour seule consigne une thématique simple : le minimalisme. De cette ligne directrice est née une sorte de jeu de survie façon point'n click intégralement en pixel art dont la force du concept a poussé les développeurs à mettre en place un titre complet que nous décortiquons aujourd'hui.
Gods will be Watching met immédiatement les pieds dans le plat. Dès le menu, deux niveaux de difficulté vous sont proposés, tous deux assortis d'une brève note des développeurs avertissant le joueur qu'il sera particulièrement souvent confronté à l'échec, même s'il opte pour le niveau facile. Un avertissement qui n'est pas à prendre à la légère, puisque le titre de Deconstructeam offre un challenge particulièrement relevé, à tel point que l'on peut évoquer Gods will be Watching comme l'un des rares point'n click die and retry qu'il nous ait été donné de prendre en main.
L'art de gérer son petit monde
L'entrée en matière est plutôt simple : vous êtes un membre d'un groupe de mercenaires à la solde de Xenolifer, chargé d'infiltrer un laboratoire scientifique dans le but de récupérer des données utiles à la recherche d'un virus nommé Medusea. Chaque membre de votre groupe a une tâche précise. Tandis qu'untel sera en charge du piratage des données, un autre devra tenter de contenir la progression des gardes de sécurité venus mettre à mal votre opération. De votre côté, il vous incombe de gérer tout ce petit monde, en donnant des ordres à chacun de vos frères d'armes en effectuant un simple clic sur leur personnage tout en gardant un œil sur les otages que vous retenez captifs le temps de mener à bien votre mission. Par l'intermédiaire d'une poignée de dialogues, vos objectifs et les moyens de les atteindre vous sont clairement exposés : il faudra toujours veiller à la stabilité des otages, tout en maintenant soigneusement les gardes hors de portée.
Un peu de réussite, beaucoup d'échecs
Dans Gods will be Watching, il y a autant de manières de réussir un chapitre (sur 6 au total) que d'échouer. Repoussez les gardes en leur tirant dessus et les otages se mettront à paniquer. Si vous abattez les otages qui perdent leur sang-froid, vous perdez votre monnaie d'échange et les gardes se rueront sur vous. Par ailleurs, il sera parfois préférable d'apaiser un captif plutôt que de lui hurler dessus. Pour connaître la manière la plus appropriée de gérer cette crise, il faudra faire attention à tout, jusqu'aux animations des avatars pour adopter le comportement adéquat, tout en conservant un œil attentif sur la progression de votre piratage. Chaque décision que vous prenez peut causer votre perte, les conséquences sont la plupart du temps logiques, même s'il n'existe pas de schéma standard à appliquer pour réussir. C'est dans cet équilibre précaire entre gestion du temps, des ressources et du mental de vos coéquipiers que Gods will be Watching puise sa force.
Les 6 chapitres du jeu apportent des objectifs assez variés même si les mécaniques de jeu restent globalement les mêmes tout au long de l'aventure. Le second chapitre, par exemple, vous propose de résister à plus de 20 jours de torture. Vos choix lors des interrogatoires de vos bourreaux se résument à provoquer, supplier, réfléchir, mentir ou avouer. Il faudra donc étudier méticuleusement l'impact que chaque option aura sur votre santé physique et adapter vos paroles en conséquence. C'est malheureusement là que Gods will be Watching trouve quelques limites, puisque certaines séquences sont soumises à une large part de chance. Sans trop vous en dévoiler, il est parfois extrêmement rageant d'échouer aux portes du succès en raison d'un événement aléatoire qui est synonyme de mort. Le jeu n'autorisant pas la sauvegarde rapide et certains chapitres pouvant être assez longs, un manque de chance vous contraindra à recommencer le parcours depuis le début du segment, sans avoir la certitude de parvenir à des résultats plus probants à l'essai suivant.
Peser chaque choix, en craindre les conséquences
C'est donc également de cette manière que Gods will be Watching se dote d'une durée de vie très acceptable pour le prix auquel il est proposé (9 €), même si à certains égards, l'extension de durée de vie semble artificiellement gonflée. Mais il s'agit aussi de l'avantage d'un inconvénient : cette dimension aléatoire maintient le joueur dans une pression de tout instant, pression largement exacerbée par le propos mature et violent du jeu de Deconstructeam, mais également par la nature des environnements, la plupart du temps très confinés, des différents chapitres. Violence, claustrophobie et choix à peser méticuleusement, voilà autant d'atouts que Gods will be Watching réunit. Par ailleurs, même si le scénario semble un peu décousu de prime abord, la progression dans l'histoire vous permettra de mettre de nombreux éléments en place, ce qui vous invitera immanquablement à vous acharner encore et encore pour clore un chapitre et passer au suivant. Le jeu jongle également élégamment avec la morale du joueur qui devra parfois être particulièrement flexible s'il désire mener à bien ses objectifs.
Des imperfections (sensiblement) préjudiciables
Malgré tout, l'expérience procurée par Gods will be Watching souffre de quelques défauts, que l'on mettra autant sur le compte des erreurs de jeunesse que sur celui de la nature même du jeu. Concernant ce dernier point, et en dépit de la diversité des objectifs des différents chapitres, le gameplay reste globalement similaire d'une séquence à l'autre et la difficulté obligeant à reprendre l'intégralité d'un chapitre à cause d'un événement aléatoire pourrait provoquer un lourd sentiment de frustration en premier lieu, et une sensation de répétitivité, voire de lassitude, par la suite. Par ailleurs, si le jeu peut être joué intégralement en français, quelques erreurs jalonnent les lignes de texte, qui ne brillent pas toujours par la finesse de leur écriture. Pas de quoi en prendre ombrage, mais on aurait sans doute aimé un peu plus de finitions.
Points forts
- Pixel art réussi
- Bande-son soignée
- Approche atypique du point'n click
- Questionnement moral intelligent
- Petit prix (9 €)
- Scénario original et bien construit...
Points faibles
- ... même si l'on aurait aimé une écriture plus éclatante
- Absence de sauvegarde rapide / de checkpoint parfois frustrante
- Une localisation française qui laisse à désirer
- Une dimension aléatoire rageante
Gods will be Watching a pour grand mérite de mener le point'n click sur des sentiers non balisés. En axant son déroulement sur la gestion des ressources à votre disposition en fonction de l'un des 6 chapitres jouables, le titre de Deconstructeam vous positionnera dans une atmosphère violente, mature et anxiogène dans laquelle un choix effectué trop hâtivement s’avérera souvent fatal. Même si l'on reconnaît la lassitude qui peut naître du gameplay ou la frustration des game over causés par des événements aléatoires, il serait dommage de passer à côté de cette expérience à part, dont la difficulté élevée donne au joueur un vrai sentiment d'accomplissement lorsqu'il parvient à progresser dans l'aventure.