Avec un nom qui va au-delà du symbole, Wolfenstein se doit de ne pas se présenter les mains dans les poches devant les joueurs. Ça tombe bien, celles de Blazkowicz sont bien calées sur les gâchettes de son shotgun.
Des nazis, des nazis, encore des nazis, il n'y a encore pas si longtemps, voir arriver un FPS consistant à casser du Troisième Reich n'était plus signe d'un fol enthousiasme. Mais Wolfenstein : The New Order réussit un coup double pour se sauver la mise. D'une part, on avait un peu perdu l'habitude des nazis, d'autres part, il décide de réinventer l'histoire et d'accumuler, non sans brio, tous les clichés possibles et imaginables autour de son pitch. Comme tous ses petits prédécesseurs, Wolfenstein : The New Order débute en pleine Seconde Guerre mondiale, mais vous ne manquerez pas de noter que certains détails ne collent pas vraiment avec vos cours d'histoire. En 1946, l'Europe est prête à tomber sous le feu allemand, une machine de guerre largement supérieure à celle des forces alliées, en avance de plusieurs décennies, inspirée par une source de savoir à l'origine étrange. L'Allemagne est en train de gagner.
Le temps des JaJa
A l'issue d'un prologue musclé durant lequel le héros de toujours de Wolfenstein, Blazkowicz, se mange quantité de shrapnels dans le crâne, le bougre finit prisonnier de son propre corps dans un asile, recueilli par la famille d'un médecin polonais qui le nourrira à la cuillère pendant 14 ans. Ce qui, par la magie du jeu vidéo, n'affectera en rien sa capacité à se réveiller en pleine forme en 1960 pour botter de l'Allemand hors de Pologne. Et en 14 ans, il s'en est passé des choses, l'Allemagne nazie a mis l'Europe à genoux, ainsi que l'Amérique et l'Asie et a, semble-t-il, écrasé la dernière poche de résistance. Semble-t-il, car c'est bien évidemment la résistance que vous allez rejoindre pour renverser les choses et prendre votre revanche sur votre antagoniste, Strasse, alias Le Boucher. C'est donc une version alternative de l'Histoire et du monde que l'on découvre dans The New Order, délicieusement rempli de clichés. Les Allemands ont profité de leur domination pour raser des villes entières et les rebâtir dans le style grandiloquent qui caractérise les régimes totalitaires et ont surtout profité de leur avance technologique pour concevoir de nouvelles armes, des robots chiens, des mechas, des super-soldats sans cerveaux et ont même été s'installer sur la Lune.
Comme de bien entendu, la galerie de vilains suit ce surf sur la vague des stéréotypes, ils sont outrageusement pervers, dépravés, orgueilleux à s'en étouffer et n'hésitent pas à torturer et charcuter tout ce qui leur passe sous le scalpel. C'est classique, vu et revu, mais ça fonctionne malgré tout, tout simplement parce que c'est bien fait. Le même constat vaut d'ailleurs pour les résistants et même Blazkowicz, brute "bad ass" qui répète à l'envi que tant qu'on le laisse tuer du nazi il est content, est plutôt attachant. MachineGames a en plus joué la carte du décalage, en glissant ça et là des pointes d'humour ou surtout une bande-son moderne (et des plus efficaces) qui souligne encore ce qu'il y a de déplacé à affronter des nazis en 1960. En quelques mots, le studio est parvenu à créer une ambiance idéale pour ce qui reste un bon gros FPS des familles, bourrin et un peu bas du front comme on aime.
Entre lame et canon
Enfin, avec quelques nuances malgré tout. Blazkowicz est aussi doué pour dégommer du méchant à la chaîne que pour se faufiler et glisser quelques coups de couteau. Le jeu de MachineGames possède un vague arbre de compétences rassemblant vos atouts, des améliorations qui se débloquent lorsque vous atteignez certains objectifs comme tuer X ennemis d'un headshot, avec une seule grenade, etc. Vous pourrez ainsi augmenter votre discrétion ou au contraire le nombre de grenades que vous pouvez transporter. Votre façon de jouer a donc un impact sur les atouts que vous obtenez. En outre, un choix effectué durant le prologue vous octroie un atout spécial qui vous donnera accès à des zones particulières accessibles soit en crochetant soit en piratant des portes.
On a donc le choix tout au long du jeu entre une approche furtive ou bourrine, selon les cas et nos envies. Il est possible de se glisser discrètement derrière un ennemi et de réaliser une exécution bien sanglante. A moins d'avoir recours au pistolet à silencieux, redoutablement efficace, même de loin. C'est une méthode recommandée lorsque des officiers sont présents, ces derniers étant ceux qui appelleront des renforts si l'alerte est lancée. N'allez toutefois pas considérer Wolfenstein : The New Order comme un jeu d'infiltration. La chose reste un petit plus mais elle manque de challenge tant l'IA peut se montrer sourde et aveugle à vos actes, se révélant plus efficace quand il s'agit de braquer 40 flingues dans votre direction. Ça n'en reste pas moins un bonus amusant, et parfois obligatoire pour certaines missions. On l'a dit, on alterne librement entre discrétion et assaut lourd, mais le jeu se charge parfois de vous amener vers l'une ou l'autre des voies, le level design et la disposition des patrouilles étant souvent un énorme appel du pied incitant à jouer du canif, a contrario d'autres séquences ne vous laisseront pas le luxe du silence. Après tout, on reste dans un Wolfenstein, on n'est pas venu trier les lentilles.
Uber classique, über efficace
Même si le couteau sera souvent mis à contribution, le shotgun amélioré avec ses cartouches shrapnels, le fusil laser accessoirement capable de découper la taule et le fusil d'assaut à lance-roquettes seront vos meilleurs amis. Surtout en cas de rencontres d'adversaires particulièrement vicieux puisqu'on n'échappe pas aux gros mechas ou aux super-soldats surblindés capables d'encaisser un maximum de dégâts. Des rencontres qui ont souvent lieu dans des arènes dont on ne s'échappe pas avant d'avoir fait le ménage en alternant passages à couvert et sorties tous flingues dehors, de préférence un dans chaque main puisque le akimbo est bien évidemment présent. Car même si les niveaux sont un peu ouverts, les promenades hors du chemin principal servent surtout à récupérer des items spéciaux, des trésors ou à dénicher des zones secrètes, une bonne façon de ne pas se sentir pris au piège d'un couloir. Même si, au final, on arrive tous au même endroit : au milieu de plein de nazis hargneux qui vont prendre cher.
On terminera par un mot rapide sur la réalisation. Certes, ce n'est pas Wolfenstein qui mettra à plat quelque machine que se soit, mais il est loin de démériter pour autant. Techniquement tout à fait honorable, il compense son manque d'ambition sur ce point par une direction artistique réussie accompagnée d'une très bonne bande-son, aussi bien du côté des musiques que du doublage.
Points forts
- Personnages secondaires stéréotypés mais pas anodins
- Des gros clichés bien utilisés
- L'ambiance maîtrisée, le scénario sympa
- FPS old-school fun et efficace
- Les maps avec quelques chemins de traverses et items cachés
- Les cinématiques
Points faibles
- L'IA pas mal aux fraises en infiltration
- Le choix initial sans grande importance
- La progression souvent prévisible et sans réelle surprise
- Quelques soucis de mixage audio
Wolfenstein : The New Order, c'est donc un FPS old-school pur jus bien efficace, qui s'offre quelques petites nuances et une ambiance s'appuyant sur des gros clichés parfaitement assumés et maîtrisés. Ça ne va pas changer votre vie ni révolutionner le jeu vidéo, mais vous passerez assurément 15 bonnes heures en sa compagnie, ce qui est plutôt pas mal pour un shooter purement solo.