En 2010, les Espagnols de MercurySteam avaient surpris leur monde en nous offrant un fantastique reboot de la série Castlevania dont le fond n'avait d'égal que la somptueuse forme. Trois ans plus tard, Lords of Shadow nous revient afin de boucler le triptyque qu'il forme avec le premier volet et l'épisode de transition, Mirror of Fate sorti initialement sur 3DS. Si la surprise n'est plus au rendez-vous, certains choix pourront tout de même étonner... en bien comme en mal.
Si le premier Castlevania nous contait l'histoire d'amour tragique de Gabriel Belmont, Mirror of Fate optait pour une dimension plus familiale en mettant en avant aussi bien le père que le fils. Lords of Shadow 2 récupère ainsi ces deux pans d'une même destinée maudite pour amener une histoire dont le manque d'originalité du fil rouge (le retour de Satan sur Terre) ne devra pas faire oublier l'aspect plus personnel de la quête de Gabriel devenu entre-temps le seigneur de la nuit, Dracula. Se reposant à nouveau sur un doublage anglais de grande qualité, Lords of Shadow 2 met en scène les divers protagonistes de la saga afin de clôturer en grande pompe une aventure qui opte ici pour un véritable changement de ton, l'univers fantasy cédant régulièrement sa place à une ambiance plus contemporaine, fief d'environnements métalliques et de mechas richement armés.
De Bram Stocker à Philip K. Dick
De fait, la première chose à connaître quand on pénètre dans l'antre de ce nouveau Castlevania est son orientation esthétique pour le moins déroutante. En somme, si on peut difficilement pointer du doigt Mercury Steam qui ne s'est pas évertué à copier / coller ce qu'il avait fait dans le précédent volet, on aura un peu de mal à s'imprégner de certains décors enclins à nous faire passer par des égouts, des bâtiments scientifiques ou les ruelles d'une mégalopole. Pour autant, le résultat n'a rien à voir avec celui d'un Devil May Cry 2 dont la progression était complètement scindée en deux, les beaux décors européens de la première partie laissant leur place à un délire metalico-organique du plus mauvais effet. Non, sur ce point, Lords of Shadow 2 conserve tout de même une certaine unité environnementale ou du moins parvient à mélanger deux univers de façon relativement fluide par le biais de portails nous faisant passer d'un univers à l'autre, ceci induisant une progression renvoyant par certains côtés aux anciens épisodes.
L'héritage de la série au service de la progression
Oubliez donc l'aspect chapitré du premier Lords of Shadow qui est ici remplacé par une aventure moins segmentée et donc plus homogène bien qu'amenant inévitablement davantage d'allers-retours. En effet, il sera question de progresser à l'intérieur et aux abords du château de Dracula, à l'instar de moult épisodes de la saga, ceci expliquant dès lors les différences de ton d'un endroit à l'autre, un superbe plan gothique pouvant rapidement succéder à un passage dans un lieu hautement technologique. Déstabilisant et, qui plus est, intimement lié à un problème synonyme de temps de chargement longuets. Frustrant par ailleurs puisque si on devra se coltiner des séquences insupportables en utilisant un médaillon permettant d'utiliser un portail dimensionnel dans lequel on devra suivre le loup de John Snow à pas... de loup, le reste de l'aventure profitera d'une absence salvatrice de loadings. Bref, il y a ici deux cas de figure diamétralement opposés et si par la suite, on pourra utiliser un diorama du château pour passer rapidement d'un lieu à l'autre, il faudra aussi atteindre l'endroit où se trouve la maquette.
Du simple humain au vampire
L'autre fait marquant de ce Lords of Shadow 2 est bien entendu les nouveaux pouvoirs octroyés à Gabriel qui à la fin du premier volet passait du statut de chasseur de démons à celui de Prince des ténèbres. Exit donc le fouet iconique et place à des pouvoirs plus personnels. Pourtant dans les faits, le gameplay reprend les mécaniques de son prédécesseur en cela que l'arme de base n'est ni plus ni moins qu'une sorte de fouet organique que Dracula pourra utiliser à tout moment. En sus, vous pourrez user de deux armes secondaires que sont des poings de feu et une épée spectrale, les premiers servant à casser les gardes des ennemis et à lancer des bombes enflammées, la seconde permettant de geler l'élément liquide, de ralentir des ennemis ou de récupérer de l'énergie, chose également réalisable en réussissant un finish-move sur n'importe quel ennemi au terme duquel notre personnage croquera avidement dans la jugulaire des adversaires pour se faire un petit fix sanguin. En parallèle, le statut maudit de Gabriel lui permettra toujours de lancer des dagues mais aussi et surtout de se transformer en brume pour atteindre des endroits a priori inaccessibles ou pour échapper le temps de quelques secondes aux attaques, notamment des boss qui s’avèrent plus nombreux, retors et toujours aussi impressionnants. Mais ce n'est pas tout puisque à intervalles réguliers, vous devrez faire preuve de discrétion durant des séquences d'infiltration. L'idée est originale et a le mérite de proposer une approche différente dans le sens où vous pourrez lancer une nuée de chauves-souris pour distraire les gardes, les posséder pour activer des mécanismes ou vous transformer en rat pour passer inaperçu.
D'une idée bien utilisée à sa surexploitation
Tous ces pouvoirs concourent donc à offrir à Lords of Shadow une vraie personnalité même si en l'état, on aura tendance à soupirer devant l'utilisation abusive de plusieurs séquences, celles d'infiltration en tête. En effet, si ces dernières offrent à l'aventure des temps de pause bienvenus entre deux échauffourées, leur approche reste identique, ceci les rendant rapidement inintéressantes. Même son de cloche pour les combats contre les adversaires lambda où on devra systématiquement casser la défense des ennemis avant de pouvoir les éliminer. Usant, même si ceci s’améliorera à mesure de notre progression, des orbes pour débloquer des combos liés aux armes, l'usage de ceux-ci ayant également une influence directe sur la maîtrise desdites armes qui deviendront dès lors de plus en plus puissantes. A ne surtout pas négliger, tout comme la recherche d'items augmentant vos jauges de vie et de magie, d'autant que la difficulté (dès le mode Normal) s'avère aussi élevée que celle du premier Lords of Shadow.
Lords of Shadow 2 versus Lords of Shadow
En somme, bien que Lords of Shadow 2 reste un très bon jeu, il doit supporter la comparaison avec son aîné qui s’avérait par bien des côtés supérieur. Pour autant, difficile de pointer du doigt MercurySteam qui a essayé de faire évoluer le matériau de base. Maintenant, si on aimera ou non le mélange des ambiances et qu'on pleurera sur la disparition des Titans (seule l'introduction offrant un clin d'oeil appuyé aux guest stars de Lords of Shadow), on pourra plus difficilement passer outre les problèmes de caméra bien que celle-ci puisse être orientée à 360°. Si ceci apporte une plus grande souplesse pour se repérer, le revers de la médaille vient du fait qu'on passe d'angles de vue parfaitement étudiés dans Lords of Shadow à une gestion plus libre dans sa suite qui amène des soucis de visibilité en espace clos lorsqu'on affronte plusieurs bestioles. Une fois encore, on voit ici que l'amélioration engendre des problèmes absents dans le premier épisode. Cependant, pas de quoi fouetter un Belmont d'autant que les ¾ de la progression se déroulent dans des lieux ouverts où il est plus aisé de prendre ses distances pour repérer les ennemis avant de revenir à la charge. En définitive, si cette conclusion déçoit à plusieurs niveaux, elle profite une fois encore d'un riche contenu combinant aventure principale relativement longue, divers défis et pléthore de secrets à découvrir, sans parler de quelques plans et séquences confinant au génie. On profitera donc de ce que le jeu a à nous offrir en essayant d'éviter de trop faire le parallèle avec son illustre aîné. Une façon comme une autre de se laisser happer par l'odyssée de Gabriel qui n'aura jamais autant mordu la vie (surtout la nôtre) à pleines dents.
Points forts
- Artistiquement superbe...
- Combats dynamiques.
- La plupart des boss sont épiques.
- Bande-son fabuleuse.
- Aventure plus homogène grâce à la non-segmentation en chapitres.
- Bonne durée de vie, surtout si on veut le terminer à 100%.
Points faibles
- … même si certains environnements et ennemis orientés « SF » détonnent beaucoup trop.
- Environnements moins variés que dans le premier volet.
- Loin d'être parfait techniquement.
- Temps de chargement longuets.
- Système de téléportation loupé.
- Mécaniques tournant un peu en rond (surtout les scènes d'infiltration).
- Quelques problèmes de visibilité dans les endroits les plus cloisonnés.
Le plus gros problème de ce Castlevania - Lords of Shadow 2 étant la comparaison avec le premier volet, on évitera de trop y repenser pour se concentrer sur les qualités de cette suite. Alors certes, on devra passer outre quelques choix esthétiques douteux, une utilisation abusive de certaines séquences, des soucis de caméra et un système de téléportation loupé mais si vous y parvenez, vous aurez entre les mains un jeu inégal, parfois trop ambitieux mais au cachet indéniable recelant quantité de passages marquants. Pour une poignée d'euros, il serait donc dommage de passer à côté de cette conclusion qui sans être définitive saura vous retenir de nombreuses heures durant.