Doit-on encore présenter Media Molecule qui, avec la saga LittleBigPlanet, a prouvé à qui de droit qu'elle jouait dans la cour des grands. Toutefois, si son nouveau bébé, Tearaway, officie également dans le genre plates-formes, on pouvait se demander ce qu'allait donner cette nouvelle franchise exclusive à la PlayStation Vita. Censé utiliser les capacités de la console tout en proposant un univers original, Tearaway était une vraie curiosité portant en elle les attentes d'une société et accessoirement les espoirs des possesseurs de la machine. Eh bien, n'allons pas par quatre chemins, Tearaway est bel et bien la petite merveille à laquelle on pouvait s'attendre et se présente comme l'un des must-have de la console, tout simplement.
Faisant partie intégrante du patrimoine vidéoludique, le genre plates-formes parvient encore aujourd'hui à séduire via des valeurs sûres comme Mario ou le « reboot » réussi de Rayman. Si Tearaway n'a nullement à rougir face à ces ténors, notons qu'il opère un certain changement dans la continuité grâce à son univers de papier. En effet, le soft de Media Molecule doit énormément à son ambiance à nulle autre pareille dans le sens où on évoluera constamment dans un monde où chaque élément du décor se plie, se déroule, se froisse. Au-delà de ce parti pris esthétique ne souffrant d'aucun défaut, d'autant que l'évolution artistique est constante à mesure qu'on progresse, le pitch de départ est lui aussi d'une fraîcheur vivifiante.
Oh mon Dieu !
Ainsi, après avoir choisi d'incarner Iota (ou son équivalent féminin, Atoi), le jeu opérera une habile transition entre notre monde, visible à l'écran grâce à la caméra de la Vita, et celui de Tearaway qui prendra place via une transition des plus réussies. On entre alors, au sens propre comme au sens figuré, dans le jeu dans lequel on va porter une double casquette, celle de Iota, qu'on dirigera tout au long de l'aventure, et celle de Vou, déité symbolisée par notre bobine qu'on verra à plusieurs reprises, à l'intérieur d'un soleil notamment, et qui pourra aider ledit Iota grâce à nos doigts et au pavé tactile arrière de la machine. Si le principe de départ ne manque donc pas d'originalité, ce concept interactif entre le monde réel et celui de pixels trouvera également écho dans des idées fort sympathiques à l'image de la séquence durant laquelle Iota essaiera de nous atteindre par tous les moyens possibles et imaginables. En parallèle à cette complicité unissant notre personne et notre avatar, il s'agira aussi d'aider le personnage central à avancer afin d'apporter une importante missive dans un monde gangrené par les Scraps, créatures n'ayant pour autre vocation que de tout détruire.
Vous voulez un jeu Vita ? Oh, juste un doigt...
En marge de son atmosphère, Tearaway entend bien faire comprendre à qui en doute encore que lorsqu'un jeu Vita est bien pensé en amont, les fonctionnalités de la console peuvent porter un concept. De fait, le soft de Media Molecule est un enchantement de chaque instant tant les développeurs ont réussi à injecter du sang neuf à mesure que les heures passent tout en trouvant un parfait équilibre entre réflexes et réflexion, cette intelligence résultant une fois encore d'une évolution en termes de jouabilité. En somme, si au tout début Iota aura très peu de mouvements à sa disposition, il récupérera après quelques heures le saut ou bien encore la roulade. Du coup, ces mouvements induiront de nouvelles phases de plates-formes, une approche différente des combats, etc. Pour autant, n'allez pas croire que le début du jeu sera morose puisque si Iota ne pourra pas vraiment compter sur ses capacités, ce sera à Vou (donc à nous... vous me suivez ?) de lui venir en aide. Il suffira alors, dans certaines zones prédéfinies, d'user du pavé tactile arrière de la Vita afin que nos doigts déchirent littéralement le sol pour venir à bout d'ennemis ou pour se servir des tambours qu'utilisera Iota comme trampolines afin de progresser. Mais ce n'est pas tout, car plutôt que de se baser sur deux ou trois idées, Tearaway en injectera constamment de nouvelles pour maintenir le joueur éveillé. De fait, plus on progressera et plus le gameplay sera étoffé en switchant constamment entre les actions de Iota et celles de Vou. Si cette complémentarité est donc au cœur du jeu, on aura toutefois un peu de mal à passer certains passages. Si diriger Iota tout en tapotant le pavé tactile avant pour éliminer des monstres sera chose aisée, il sera en revanche plus difficile d'utiliser deux doigts sur le pavé tactile arrière pour pousser des ponts de papier tout en usant du stick pour faire passer Iota.
Dessiner, c'est gagner
Si Tearaway aurait pu se reposer entièrement sur le contenu décrit plus haut pour haranguer les foules, il n'en est rien. En effet, en plus d'une excellente bande-son, riche et s'adaptant parfaitement à ce qui se passe à l'écran, le titre fourmille de petites trouvailles lui conférant beaucoup de charme. Parmi celles-ci, on citera la possibilité de dessiner divers objets réclamés par les nombreux NPC qui croiseront notre route, en échange, le plus souvent, d'un petit cadeau. On ne se fera alors pas prier pour créer la couronne d'un écureuil, des moufles pour se protéger du froid, une moustache volée à son propriétaire, etc. Marrant même si dans les faits, l'idée révèle vite ses limites. Le premier souci est lié à la visibilité lors de la phase de dessin, car après avoir choisi sa feuille de couleur, vous utiliserez un crayon virtuel pour tracer votre dessin. Outre le nombre de traits plutôt limité, et bien que vous ayez le choix de gommer une partie de ce que vous venez de faire, on aura du mal à être précis puisqu'en posant le doigt sur l'écran pour tracer, on ne verra plus ce qu'on fait sans parler de la difficulté à relier deux points. Problématique pour la phase suivante durant laquelle, via un ciseau virtuel, on coupera notre création pour la voir dans le jeu. En somme, s'il y a trop d'espace entre deux traits, le découpage nous donnera plusieurs formes qui ne ressembleront plus à grand-chose « in-game ». Si le tout est donc frustrant, ceci n'est pas vraiment préjudiciable vu que quelle que soit la qualité de votre dessin, ça ne vous empêchera pas d'avancer puisque les NPC seront tout le temps ravis.
Tu veux ma photo ?!
En plus de cet aspect, on nous demandera aussi de nous adonner aux joies de la photographie. Pour cela, il suffira de trouver des éléments ou des personnages entièrement blancs et de les mitrailler afin qu'ils retrouvent leurs couleurs. Ceci aura alors deux effets bénéfiques. Le premier rapportera des confettis que vous pourrez utiliser pour acheter plusieurs éléments de customisation (bouches, yeux, stickers...), afin de faire évoluer le look de Iota, ou pour récupérer des filtres pour votre appareil photo. Le second effet sera synonyme de patrons pour chaque élément photographié afin de les reproduire chez vous sous forme d'origamis. Idée excellente s'il en est d'autant que chaque modèle a un niveau de difficulté et, bien entendu, des indications sur la façon de procéder pour arriver à quelque chose de présentable. Dès lors, à vous les joies de créer un écureuil de papier et de pouvoir scander haut et fort : C'est moi qui l'ai fait ! Pour rester dans le domaine de la photo, notez que vous pourrez partager vos œuvres avec la communauté mondiale en les transférant online.
La perfection faite main ?
Au final, Tearaway ne se contente nullement de réciter la formule de LittleBigPlanet puisque tout au long du jeu, son seul objectif est de proposer aux joueurs une expérience, une véritable expérience aussi bien dans le fond que dans la forme. En résulte une symphonie d'originalité dont on se délectera de nombreuses heures durant. Si l'ensemble présente quelques imperfections, on ne peut que féliciter Media Molecule qui a réussi à user habilement des capacités de la Vita, non par souci d'obligation mais plutôt comme moteur d'un jeu frais, charmant et hypnotique. Du coup, on ne se fera pas prier pour craquer devant ce design fascinant, ce gameplay accrocheur ou ces idées foisonnantes. De là à dire qu'on se trouve devant le meilleur jeu de la Vita, qui plus est vendu pour une bouchée de pain, il n'y a qu'un doigt...
Points forts
- Esthétique somptueuse
- Bande-son riche et parfaitement adaptée aux événements
- Gameplay évolutif
- Bonne utilisation des capacités de la Vita
- Terriblement intelligent dans sa progression
- Scénario marrant et astucieux mettant en avant le monde réel et celui du jeu
- Bonne durée de vie (environ 12 heures si vous voulez le faire à 100%)
- Son prix
Points faibles
- Les phases de dessin peu précises
- Certains passages un peu tendus à cause de la complémentarité entre Iota et Vou
Tearaway est sans doute cette bouffée d'air frais dont avait besoin la Vita. On évitera donc de se demander si le jeu n'arrive pas un peu tard pour apprécier pleinement ce qu'il a à nous offrir : une aventure originale, parfaitement calibrée pour la console et bourrée de bonnes idées. A la fois, drôle, jouable et construit autour d'une créativité de chaque instant, le titre de Media Molecule, bien que reposant sur une construction somme toute classique, transcende au final le matériau de base en offrant une fabuleuse aventure aux joueurs et un magnifique cadeau à la portable de Sony.