Batman Arkham City... Plus qu'un nom, un exemple de perfection vidéoludique en matière de super-héros. Difficile, du coup, pour Warner Montreal de passer après une telle leçon de maîtrise orchestrée par les Anglais de Rocksteady. Ainsi, pouvait-on seulement attendre autant de Batman Arkham Origins bien que le temps de développement ait été aussi long ? On serait tenté de répondre par l'affirmative. Maintenant, dans les faits, est-ce vraiment le cas ? Décryptage...
Autant commencer par la fin en précisant tout de go que Batman Arkham Origins est un jeu que j'adore et déteste à la fois. Aussi paradoxal que cela puisse paraître, telle est pourtant la conclusion de cet article, ceci me poussant dès lors à vous décrire précisément le pourquoi du comment. Revenons tout d'abord sur les origines du jeu qui est antérieur à Asylum et City. On y découvre un Bruce Wayne plus jeune mais pas nécessairement inexpérimenté, celui-ci ayant d'ailleurs les mêmes aptitudes et gadgets que dans les précédents opus. De fait, on aborde ici le premier point faible du jeu, synonyme de scénario plutôt faiblard essentiellement basé sur la personnalité écrasante du Joker. On y retrouve bien un lot conséquent de bad guys mais ces derniers ne servent finalement qu'à installer tout au long de l'aventure des combats de boss dont nous reparlerons plus loin. En soi, ce n'est pas vraiment une surprise, les précédents segments n'ayant jamais brillé par leur scénario, mais Origins a également contre lui une mise en scène moins inventive, moins percutante, malgré de superbes cinématiques jalonnant l'aventure. Pire, les quelques bonnes idées scénaristiques font toutes écho à d'autres scènes de Asylum et City tout en demeurant moins réussies. Néanmoins, cette chasse à l'homme commanditée par Black Mask nous obligera une fois encore, pour notre plus grand plaisir, à crapahuter à travers Gotham cette fois plongée sous une neige abondante, pour sauver notre peau et mettre en sûreté les personnes qui nous sont chères, à commencer par Alfred.
Home sweet home
Habile transition pour évoquer la Batcave où nous attendra notre second père, ce dernier étant bien entendu toujours en relation directe avec nous afin de distiller de précieux conseils sur le terrain. Toutefois, on aura l'occasion de le rencontrer en chair et en pixels dans ladite Batcave qui sera accessible à tout moment par le biais du Batwing. Pour se faire, il suffira simplement d'ouvrir la map et de choisir un point de déplacement rapide pour y accéder, ceci étant également valable pour d'autres endroits de Gotham, disponibles après s'être occupé de tours de communication brouillant le signal de notre véhicule. Bien pratique pour ne pas avoir à se retaper de longues traversées en planant, bien que celles-ci restent délectables. Outre le fait de papoter avec notre majordome et de récupérer quelques gadgets, la Batcave sera l'occasion de s'essayer à divers défis (Prédateurs, Combats), par ailleurs également accessibles depuis le menu principal, afin de gagner les innombrables médailles de bronze, d'argent et d'or mais aussi de l'EXP, utile pour acheter diverses améliorations. A ce sujet, notez que pour acquérir certains upgrades auxiliaires, on devra automatiquement réussir certains défis nous demandant de varier notre style de jeu. Plutôt intelligent. Bref, si l'idée d'intégrer cet endroit mythique à l'histoire n'est donc pas bête, on aurait aimé que le tout ait un plus grand intérêt ou que Warner Montreal soit allé encore plus loin en rajoutant le manoir Wayne, ne serait-ce qu'à la manière d'un repaire d'Assassin's Creed, où l'on aurait pu reluquer tous les costumes à débloquer, lire les fiches de personnages, etc. Pour un prochain épisode, sait-on jamais, d'autant que l'un comme l'autre lieu étaient déjà présents sous forme de DLC dans Arkham City.
Un gameplay entre excellence et stagnation
Si le gameplay de Asylum proposait déjà un bon équilibre entre action et infiltration, City avait perfectionné l'ensemble, ne serait-ce qu'en termes de vitesse d'animation et de peaufinage afin de rendre l'expérience inoubliable. Origins profite donc de tout ce travail, qui lui offre dès le départ un matériau d'exception mais qui aurait tout de même mérité d'être saupoudré de nouveautés dignes de ce nom. Sur ce point, peine perdue, rien ou presque d'original n'est à signaler. Ainsi, outre les déplacements rapides mentionnés plus haut, on signalera l'ajout des gants électriques, pratiques pour se défaire de la vingtaine d'adversaires qu'il ne sera pas rare de croiser. Sur ce point, on aura d'ailleurs tendance à dire que les développeurs en ont un peu abusé, surtout durant la dernière ligne droite où les combats pullulent. A ce sujet, précisons que quelques adversaires inédits seront présents, à l'instar des experts en arts martiaux qui se montreront plus résistants et agiles, ceci nous obligeant à varier notre façon de faire avec les contres et les finish moves. Hormis cet aspect, Batman se montrera toujours aussi gracile en passant d'un adversaire à l'autre et en enchaînant raclées et autres gadgets. Même son de cloche pour les phases d'infiltration où il conviendra de bien repérer les déplacements des gardes pour les éliminer en silence. Maintenant, difficile d'être aussi enthousiaste que par le passé puisque ici aussi, la progression est un calque de celle de City. Les environnements changent mais l'architecture des niveaux est identique. On se retrouve alors dans des endroits cloisonnés, avec moult grilles d'aération et de gargouilles où se nicher, celles-ci étant également piégées vers la fin de l'aventure. Finalement, le seul véritable ajout tient aux phases de recherche un peu plus évoluées puisque vous pourrez, sur une scène de crime, avancer ou reculer dans le temps pour voir ce qui s'est passé et ainsi découvrir de nouveaux indices. Sympathique même si on aurait pu s'attendre à beaucoup plus. Bref, on prend encore son pied dans son ensemble, bien qu'on imagine ce que le tout aurait pu donner si Warner Montreal avait moins cherché la facilité.
Vilains pas boss
D'ailleurs, cette réflexion nous étreint face aux nombreux boss qui essaieront d'empocher les 50 millions de dollars promis pour la capture du Dark Knight. Centré autour de cet élément, on était donc en droit d'attendre d'Origins des combats au moins aussi intéressants que ceux contre Freeze et Ra's Al Ghul de City ou le fantastique affrontement contre l'Epouvantail dans Asylum. Malheureusement, c'est une véritable douche froide puisque si on apprécie de rencontrer autant de super-vilains, les rixes contre ces derniers témoignent d'un vrai manque d'inspiration. De fait, entre des combats basiques de chez basique contre Killer Croc ou Bane, un affrontement avec Copperhead basé sur la multiplication, une rixe contre Deathstroke maladroitement pensée en termes de QTE, on a du mal à vibrer lors des fights. Même celui contre Firefly peine à convaincre alors qu'il y avait matière à présenter quelque chose d'excitant. On devra alors se satisfaire de ce qu'on a, et ce jusqu'à la fin débouchant sur un face-à-face un peu plus subtil mais renvoyant une énième fois à quelque chose qu'on connaît dans la série. Notons tout de même qu'en bouclant l'histoire, vous n'affronterez pas tous les vilains, Deadshot, Lady Shiva ou Le Chapelier Fou étant associés à des quêtes annexes. On croisera donc les doigts pour que ces derniers sortent du lot.
Du multijoueur dans Batman Arkham ?
A ce sujet, mentionnons la durée de vie exceptionnelle du bébé de Warner Montreal qui n'a nullement à rougir face à Batman Arkham City sur ce point. De fait, outre une aventure solo nous demandant entre 15 et 20 heures, on retrouve pléthore d'objectifs bonus, liés ou non à d'autres vilains, qui doublent la longévité d'Origins. On se frottera donc les mains tout en grinçant les dents devant le multijoueur, lui aussi destiné à faire grimper en flèche cette longévité mais au final terriblement médiocre. Ici, il est impossible de ne pas être critique tant le résultat laisse dubitatif. Déjà, on ne nous propose qu'un seul mode et quatre maps au level design limité. Ensuite, outre de gros soucis techniques au niveau des textures, le feeling des personnages jouables est très fluctuant. En somme, lorsqu'on incarnera Batman ou Robin (ceci se faisant entre deux sessions de manière aléatoire parmi les 8 joueurs qui s'affrontent), on retrouvera les mêmes sensations qu'en solo. Un bon point contrebalancé par le feeling catastrophique lorsqu'on incarne un membre du gang de Bane ou du Joker qui devront se disputer des points de contrôle pendant que les deux héros chercheront à en venir à bout. Dans ce cas de figure, on devra se coltiner des personnages évoluant très lentement et effectuant des roulades en bullet time. Si on ajoute à ceci un manque de sensations flagrant, on se retrouve devant un élément des plus dispensables qui doit sa présence, on l'imagine, à l'air du temps voulant que n'importe quel jeu solo ait une composante multi. Malheureusement, hormis Assassin's Creed, peu de titres ont réussi le pari de proposer quelque chose d'aussi intéressant en multi qu'en solo et ce ne sont certainement pas Dead Space ou Tomb Raider qui me feront mentir.
Le début de la fin
En définitive, j'adore Batman Arkham Origins puisqu'il me permet de replonger dans cet univers que j'aime tant et dans lequel j'évoluerai à nouveau des heures durant. A contrario, je le déteste car «objectivement», il est difficile de l'encenser au même titre qu'Arkham City, ne serait-ce qu'à cause de son énorme manque d'originalité d'où découlent plusieurs problèmes, sans parler des ajouts anecdotiques ou tout simplement inutiles. S'il est vain de nier qu'Arkham Origins reste un très bon jeu, on ne peut s'empêcher de se demander ce qu'il aurait donné sans tout le travail effectué en amont par Rocksteady. Et c'est là que le bât blesse car si Asylum et City transpiraient une passion sans bornes pour le Dark Knight, Origins ressemble davantage à un travail de commande, fort bien réalisé par des artisans de talent, mais auréolé d'un aspect business, synonyme de compte Warner à créer pour obtenir un costume inédit ou de Succès / Trophées nous obligeant à rester sur le multi malgré sa médiocrité. Bien sûr, vous aurez compris que ceci ne suffit pas à refuser les avances de ce Batman Arkham Origins qui, bien qu'un peu bancal, n'en reste pas moins un excellent open world manquant simplement de personnalité. Prions tout de même pour que la saga sache prendre en compte ce détail pour l'avenir...
Points forts
- Les scènes de crime un peu plus évoluées...
- Artistiquement superbe
- Gameplay excellent
- Les déplacements rapides
- Taille de la map
- Très bonne durée de vie (entre 13 et 15 heures en ligne droite, beaucoup plus avec les quêtes annexes)
Points faibles
- ... même si on pouvait espérer quelque chose de plus recherché
- Aucune originalité
- Mise en scène moins inspirée que celle d'Arkham City
- Scénario décevant malgré quelques clins d'oeil
- Trop d'action dans la dernière ligne droite
- Combats de boss décevants
- Multi inutile et à la ramasse
En ayant la lourde tâche de succéder à Arkham City, Arkham Origins se devait de proposer une aventure aussi bonne que son modèle. L'un dans l'autre, c'est le cas, du moins en termes de technique et de gameplay, mais on lui reprochera malgré tout une absence totale de prise de risques, des nouveautés minimalistes et un multijoueur médiocre. Ainsi, en s'étant beaucoup trop reposé sur le travail de Rocksteady, Warner Montreal est sans doute passé à côté de cette évolution, nécessaire à une saga, qui aurait pu être synonyme d'ajouts intéressants dans le fond comme dans la forme. Néanmoins, cette dernière étant toujours aussi maîtrisée, il serait criminel de laisser de côté ce jeu qui nous propose de retrouver une fois encore un magnifique prolongement de pixels aux comics et animes de DC. On aura alors tendance à minimiser les errances et autres problèmes de charisme de cet Origins pour savourer ce qu'il nous offre, à même de rassasier les adeptes du Dark Knight.