Amnesia. La simple évocation de ce nom rappellera de nombreux souvenirs traumatisants aux joueurs du premier épisode, qui aura marqué l'histoire des survival en vue subjective. Développé désormais conjointement par Frictional Games et TheChineseRoom (Dear Esther), le second épisode a fait l'objet de plusieurs reports ne faisant que raviver l'intérêt des fans. C'est finalement près de trois ans après la sortie de l'opus original que sa suite, intitulée Amnesia : A Machine For Pigs débarque enfin chez nous. Mais l'attente en valait-elle vraiment la peine ?
Oubliez l'ambiance du château prussien, c'est désormais dans un univers plus steampunk que se déroule ce second épisode. Nous sommes en 1899, et vous vous retrouvez dans la peau d'Oswald Mandus, un homme d'affaires qui a fait fortune dans l'industrie porcine. Revenu malade d'un voyage au Mexique (non, pas la tourista...), il se réveille dans son manoir sur les bords de la Tamise avec d'étranges visions et la volonté de retrouver ses enfants à tout prix. Mais au travers de son périple, il devra faire face, ou plutôt fuir des adversaires inattendus, et surtout comprendre quelle est cette mystérieuse machine dont il ne cesse d'entendre parler lors de ses visions. Sur la forme, le jeu semble proche de son aîné : un titre d'horreur avec des énigmes, une ambiance glauque et la fuite comme seul moyen de survie face aux mauvaises rencontres. Mais sur le fond, vous allez rapidement vous rendre compte qu'il est en fait très différent du premier épisode. Parfois pour le meilleur, souvent pour le pire.
L'absence d'huile qui fait tache
Attaquons-nous directement au plus gros morceau ; le gameplay. Celui-ci a été simplifié, puisque vous n'avez désormais plus à gérer le niveau d'huile de votre lampe ou le stress de votre personnage dans le noir. Le problème de cette décision, c'est l'influence qu'elle exerce sur l'ambiance globale du titre en abaissant considérablement l'angoisse que l'on pouvait ressentir dans le premier épisode. On en vient à se déplacer en permanence avec notre lampe allumée, sans trop se préoccuper de l'apparition de monstres. Car la seule véritable nouveauté dans la jouabilité, c'est que votre lampe se met à clignoter lorsque les monstres se rapprochent. Si l'idée est plutôt bonne, elle ne remplit son contrat qu'à moitié : les premiers clignotements vont vous pousser à regarder dans tous les sens et vous rendre inquiets, mais après quelques essais vous comprenez vite l'astuce. La lampe clignote, on l'éteint et on continue son chemin sans trop s'inquiéter de ces monstres qui ne sont pas bien méchants lorsque vous vous déplacez en silence dans le noir... surtout si notre personnage ne ressent pas de malaise du fait de l'absence de lumière.
Mais ce n'est pas tout. Si par malheur, vous vous retrouvez malgré tout poursuivi par l'une de ces atrocités, il vous faudra fuir, mais vous n'aurez plus la possibilité de vous cacher dans des armoires, à l'inverse du premier épisode. Pour le reste, l'interaction avec les décors est toujours là, par la présence d'énigmes (abordables, même pour les non-initiés) vous demandant de tourner des leviers, passer des objets d'un emplacement à un autre ou encore de détruire certains mécanismes. Les niveaux sont très linéaires et vous ne risquez pas de vous perdre ou de devoir repasser par de nombreuses pièces pour trouver l'objet nécessaire à la résolution d'une énigme. A ce propos, l'inventaire du premier épisode est également passé à la trappe, il n'est désormais possible que de déplacer un seul objet à la fois : ceux-ci étant souvent proches du lieu où ils doivent être utilisés, on passe relativement peu de temps à résoudre les énigmes. Evidemment, tous ces éléments influent directement sur la durée de vie : 4 heures en ligne droite, une de plus pour prendre le temps de tout récupérer : c'est tout de même assez faible, y compris pour un jeu à petit prix.
Le porc de Londres
Mais qu'en est-il de l'ambiance horrifique ? Rassurez-vous, sur ce point le titre est une réussite. Si l'on est clairement moins effrayé dans notre découverte des bas-fonds de la ville, plusieurs séquences nous mettent très mal à l'aise, et l'impression de dégoût née des expériences menées sur les cochons et les humains devrait rapidement vous gagner. Certains tableaux accrochés aux murs valent d'ailleurs le coup d'oeil et contribuent efficacement au sentiment de gêne procuré par l'univers. Les notes disséminées ici, bien que facultatives, sont quasiment indispensables afin de cerner toute la subtilité du scénario, qui ne se contentera pas de vous faire vivre l'histoire personnelle d'Oswald Mandus : entre des réflexions sur l'industrialisation massive, les expériences génétiques, ou la misanthropie, l'écriture est plus profonde qu'il n'y paraît au premier abord. Sans trop vous spoiler, vos ennemis sont nés d'expériences faites sur des cochons et des humains, et leur aspect est effectivement très repoussant. Ceux-ci ne sont d'ailleurs visibles qu'à certains endroits précis, contrairement aux apparitions plus aléatoires d'Amnesia : The Dark Descent. Plus efficace pour une aventure linéaire, mais moins stressant, c'est une évidence.
Optimisé avec les pieds (de cochon)
Pour ce qui est de la réalisation, l'impression est mitigée. D'un côté, la bande-son, bien que discrète, est excellente et jamais hors sujet. Quelques cris plus ou moins étouffés se font entendre de temps à autre, et à l'exception d'un ou deux jumpscares faisant exploser les décibels, le niveau du son est bien dosé. D'un autre côté, la réalisation graphique n'est pas toujours à la hauteur. Artistiquement, le jeu offre pourtant des environnements plutôt variés et qui valent le coup d'oeil, mais techniquement c'est une autre paire de manches. Le tearing est omniprésent quelle que soit la configuration choisie, plusieurs textures grossières sont visibles dans les décors, et les temps de chargement sont également trop longs. Un des rares points communs que le titre partage avec son aîné !
Points forts
- Un scénario prenant et soigné
- L'ambiance délicieusement malsaine
- Des décors plus variés que dans l'opus précédent
Points faibles
- Durée de vie en berne (5 heures en prenant son temps)
- Trop linéaire
- Un gameplay raboté au maximum
- L'optimisation assez moyenne (tearing, chargements trop longs, textures de basse qualité)
Amnesia : A Machine For Pigs n'est pas un mauvais jeu, mais constitue tout de même une petite déception. Le frisson qui nous parcourait l'échine en permanence dans le premier épisode s'en est allé, faisant place à une escapade linéaire, moins anxiogène et terriblement courte. Il reste une aventure à l'ambiance malsaine efficace et au scénario réfléchi, qui devrait malgré tout procurer quelques bons moments aux amateurs d'expériences contemplatives avec un gameplay limité : pour les autres, pas sûr que la mayonnaise prenne.