Ce n'est pas parce que 4 années séparent ArmA III de son prédécesseur que la franchise de Bohemia Interactive Studio a été oubliée, bien au contraire. ArmA II jouit encore d'une communauté particulièrement passionnée qui a, au fil des mods et des scénarios personnalisés, étoffé le terreau déjà fertile offert par le jeu de base. Simulation militaire extrêmement pointue à percevoir comme un bac à sable géant incroyablement exigeant, la série ArmA pâtissait d'une optimisation catastrophique, d'une ergonomie à revoir et d'une IA laborieuse. Est-ce le cas pour cet ArmA III ? Bohemia a-t-il corrigé ses erreurs sans pour autant céder à la concession ?
ArmA II, tel que les joueurs le jouent aujourd'hui, n'a plus grand-chose à voir avec celui sorti en 2009. La grande liberté créative offerte aux joueurs, leur permettant de créer leurs propres mods et scénarios a permis à la licence d'évoluer au point que certains mods sont en passe de finir en stand-alone. ArmA III ne dérogera certainement pas à la règle. On peut à nouveau considérer ce troisième volet comme étant une rampe de lancement pour des améliorations ultérieures, qu'elles soient façonnées par les développeurs ou par les joueurs. Si cette sortie fera davantage figure de patch pour les vétérans qui s'escriment sur le jeu depuis sa phase alpha ou bêta, les autres seront peut-être surpris du contenu proposé day one, qui peut paraître un peu léger.
Des améliorations techniques salutaires...
Le terrain de vos affrontements, en plein cœur d'une guerre fictive se déroulant en 2035, est réparti sur deux îles méditerranéennes, Altis et Stratis, dont les dimensions respectives sont de 270 et 20 km². Les deux archipels sont inspirés d'endroits grecs bien réels, et les opérations de cartographie des lieux auront, pour l'anecdote, coûté l'emprisonnement de deux développeurs du studio soupçonnés d'espionnage. Souci du détail, quand tu nous tiens. A votre arrivée sur l'une des deux îles, la première chose qui frappe est la qualité graphique générale du jeu. Cheval de bataille d'une partie de la campagne de promotion du soft, la démonstration technique offerte par ArmA III est bluffante. Distance d'affichage incroyable avec un champ de vision s'étendant à 20 kilomètres, effets de lumière de toute beauté, le studio a parfaitement restitué la topographie méditerranéenne pour favoriser une immersion totale. Même si sur cette vaste étendue une certaine partie est recouverte d'eau, la dimension des deux cartes reste imposante. Un terrain de jeu colossal au réalisme mordant, l'impression d'immensité donne le vertige, l'envie de tout explorer se fait immédiatement pressante.
La physique du jeu, beaucoup trop rigide sur les précédents ArmA, a été également largement améliorée. Les animations des personnages sont plus fluides, les explosions plus crédibles, en somme la quatrième et nouvelle mouture du moteur de Bohemia Interactive, le Real Virtuality, fait de véritables merveilles. D'autre part, on saluera le travail d'orfèvres réalisé sur le son des armes, des déplacements, des véhicules et de l'environnement. Lorsqu'on connaît la rigueur des combats d'ArmA, la dimension sonore revêt toute son importance. Déjà convaincante sur ArmA II, l'impression de réalisme et d'immersion est tout simplement saisissante sur ces points. Le plaisir des yeux et des oreilles est bien là, mais est-ce une nouvelle fois au détriment d'une optimisation au rabais ?
… servies par une optimisation convaincante
Rassurez-vous, nous sommes loin de l'hécatombe estampillée ArmA II. Sans être un modèle d'optimisation, ArmA III tournera sur des machines pouvant se permettre d'être légèrement vieillissantes, si l'on est prêt à faire des concessions sur les éléments graphiques les plus gourmands. Le cas échéant, le jeu sera certes un peu moins beau, mais cela ne nuira pas énormément à sa qualité esthétique globale. De plus, ArmA III s'avère nettement plus stable que ses prédécesseurs, et si quelques bugs (sur lesquels nous reviendrons) interviennent ponctuellement, il ne constituent plus un rempart au bon déroulement des séquences de jeu. Bohemia a fait de gros efforts sur ce point noir et récurrent de la série, et devrait recueillir en conséquence le public ayant abandonné l'idée de jouer à la licence en raison de son instabilité et de son manque de finition. En revanche, en dépit des efforts consentis – et ressentis - pour améliorer les écueils qui émaillaient l'expérience ArmA, certains aspects gagneraient à être encore peaufinés. Aspects qui ne manqueront pas de faire grogner les joueurs les plus coutumiers de la franchise.
La réminiscence d'erreurs du passé
Si, comme nous l'évoquions plus haut, la physique du jeu a fait l'objet d'une attention particulière, les véhicules, eux, semblent avoir été négligés sur ce point. Un hélicoptère peut aisément rebondir sans exploser suite à un impact à haute vitesse, les tanks et autres véhicules militaires adoptent un comportement parfois surréaliste dès lors qu'ils sont confrontés à un obstacle. De quoi nuire à l'immersion et susciter l'agacement du joueur évoluant dans un jeu se voulant ultra-réaliste. Et ce n'est pas tout, l'intelligence artificielle semble également avoir subi un traitement à deux vitesses. Si l'on pouvait reprocher aux précédents opus d'afficher une IA d'infanterie improbable, ArmA III rectifie le tir et propose des comportements plus crédibles, sans être transcendants. Les soldats ennemis vous contournent, vous surprennent, et se déploient d'une manière plus coordonnée qu'auparavant. Néanmoins, quand un militaire se retrouve aux commandes d'un véhicule, l'affaire n'est plus la même. Déplacements erratiques, incapacité à contourner un obstacle, votre mission peut vite se retrouver en péril en raison d'une attitude irréelle de la part d'un de vos compagnons dès lors qu'il se trouve aux commandes d'un gros véhicule de guerre. A moins que ce ne soit encore un souci d'authenticité, la présence de ce type de comportement s'avère ponctuelle, mais frustrante. Ceci étant, l'expérience brute d'ArmA III se révèle bien plus agréable et aboutie que lors de la sortie des épisodes passés. Ne reste alors qu'à connaître l'impact de ces éléments au cœur du gameplay et du contenu à disposition.
Le plus important ce n'est pas le contenu, c'est ce que vous en faites
Le contenu de base offert par ArmA III n'est pas colossal mais devrait vous occuper quelques heures. Vous vous trouvez en effet en présence de 4 modes de jeu différents qui se sont étoffés à mesure que le développement d'ArmA III avançait. Aussi les possesseurs de la bêta ne seront pas surpris de ne voir, au jour de la sortie du jeu, que peu d'ajouts en comparaison avec ce qu'ils connaissent déjà depuis quelques mois. Le mode « Challenges » vous permettra de tester vos réflexes à travers 10 parcours qui vous feront évoluer de checkpoint en checkpoint, en visant des cibles fixes ou mobiles, tout en changeant d'équipement selon les recommandations de votre instructeur. En somme, le mode idéal pour débuter et se faire aux commandes globales des déplacements en jeu. Le mode "Showcase" comporte 12 missions solo (dont 8 déjà disponibles depuis la bêta), chacune revenant sur un élément essentiel du gameplay d'ArmA III. D'une durée d'une demi-heure à une heure chacune, ces quelques missions permettent de faire un rapide tour d'horizon des possibilités du jeu. Ces mini-scénarios, scriptés mais évoluant selon le succès ou l'échec de vos objectifs intermédiaires, vous permettront tour à tour de prendre la commande d'une escouade, de coordonner des attaques aériennes, de capturer une base adverse, mais servent aussi de prétexte à dévoiler les nouveautés de l'épisode. Les enjeux développés par ces missions sont suffisamment bien pensés pour rendre leur déroulement palpitant, et leur attrait vient compenser leur faible nombre.
Au rang des nouveautés, quelques éléments notables font leur apparition. Grand absent des épisodes précédents, le monde sous-marin est aujourd'hui exploitable, que ce soit seul par le biais d'une combinaison de plongée ou par l'intégration de sous-marins, avec tout ce qu'il faut de moteurs et de périscopes. Bien reproduites, les sensations en immersion sont excellentes et devraient à n'en pas douter exacerber la dimension tactique et d'infiltration des parties multijoueurs. L'introduction de nouveaux drones et autres véhicules radiocommandés, à la prise en main assez simple et immédiate, devrait faire naître chez plus d'un joueur des velléités de fourberie et d'espionnage qui ne manqueront pas d'épicer les parties en ligne. En parlant du multi, sachez qu'il dispose de 9 scénarios différents, du Deathmatch à la Capture de drapeau en passant par des modes purement coopératifs lorsqu'il s'agit de s'exfiltrer d'une île ou de défendre un point stratégique. Les affrontements sont bien entendu toujours aussi tactiques, et un manque de communication ou de planification au cours d'une mission peut s'avérer fatale. Coopération et stratégie savamment élaborée seront comme d'accoutumée les deux mamelles de la réussite d'une partie en multijoueur.
Un contenu avant tout proposé par les joueurs
Le multijoueur, s'il n'est pas assez fourni en contenu officiel, se remplit d'ores et déjà bien vite grâce à la communauté de moddeurs qui se chargent de faire vivre au maximum le jeu de Bohemia. A ce titre, il est à souligner qu'ArmA III intègre directement dans le menu principal la fonctionnalité Steam Workshop, qui vous permettra en un clic de rechercher et de télécharger une quantité faramineuse de missions solo et multijoueurs développées par les passionnés de la licence. De même, depuis l'éditeur de scénario, intégré lui aussi directement dans le jeu, vous pourrez envoyer en un tournemain vers Steam Workshop vos dernières créations afin d'en faire profiter la communauté. Une excellente idée qui vient combler la maigreur du nombre de missions présentes dans le jeu de base. Parallèlement à cela, sachez que la campagne solo annoncée ne sera disponible que sous la forme de 3 DLC gratuits pour tous les possesseurs du jeu, dont le premier épisode, Survive (suivi de Adapt et de Win), ne sera disponible qu'un mois après la sortie du jeu. Et c'est là que les joueurs aguerris d'ArmA pourront élever la voix, la faute à un manque de contenu qui ne fait pas honneur à celui proposé sur les volets sortis précédemment. Quoi qu'il en soit, ArmA III reste fidèle à ses origines et propose une nouvelle fois une expérience terriblement exigeante, mais toujours gratifiante une fois maîtrisée.
Mayday ! Mayday ! Y-a-t-il quelqu'un pour mayday ?
Eh bien non, vous ne serez presque pas aidé pour prendre en main ArmA III qui s'avère aussi hermétique que ses grands frères. A l'exception des modes Showcase et Challenges que nous évoquions plus haut, il faudra avant tout vous en remettre à votre persévérance pour appréhender le jeu. Pour le profane, les premiers instants sur ArmA III se dérouleront dans la douleur. Il sera très vite noyé sous les commandes et lorsqu'on débute sur la série des ArmA, la moindre action simple semble compliquée. Aussi est-il plus que recommandable de ne pas céder à l'abandon et de se tourner vers la communauté qui ne manquera pas d'aiguiller les novices dans ce vaste univers. Vous découvrirez alors une richesse peu commune qui rend chaque affrontement différent d'un autre, nimbé d'un sentiment d'urgence, de stress et de peur permanente de se faire descendre comme un bleu. Les vétérans eux, seront en terrain connu, certes un peu trop en mode routine, mais devraient tout de même apprécier le grand rafraîchissement apporté à l'inventaire, plus ergonomique et nettement plus intuitif qu'auparavant. C'est maigre, mais c'est plaisant.
Côté commandes de jeu, ArmA reste fidèle à ses origines et ne change pas une recette qui fonctionne en proposant une maniabilité difficile à appréhender, mais qui s'avère riche et bien pensée une fois domptée. Toutefois, il convient de souligner le plus grand soin apporté aux postures de combat. Si auparavant nous n'avions le choix qu'entre les postures classiques "debout / accroupi / couché", ArmA III propose des positions plus affinées qui s’exécutent en combinant les touches affectées au déplacement latéral et ctrl gauche. Un niveau secondaire et plus précis d'inclinaison du personnage est ainsi introduit, ajoutant à la finesse du gameplay, et à la précision de vos tirs. Vous pourrez ainsi ajuster votre mire sans être contraint de vous exposer plus que nécessaire à découvert. Bien pensé, et pratique.
Point de vue réalisme, pas d'inquiétudes. Dotée d'un sens toujours aussi maladif du détail, l'équipe de Bohemia Interactive a encore amélioré la balistique et les critères de pénétration d'une balle selon la surface qu'elle percute ou la distance parcourue avant impact. A vous d'adapter vos tirs en fonction de la connaissance de votre matériel et de la réalité du terrain. Toute erreur de placement, toute conduite imprudente ou une mauvaise observation du terrain se solde le plus souvent par une mort issue d'on ne sait où. L'immersion est absolue, l'élitisme du jeu, toujours intact, et les missions de coopération couronnées de succès sont grisantes. ArmA III reste un ArmA pure souche dans son pointillisme, et les afficionados apprécieront cette droiture de conduite. Enfin, sachez que les 4 niveaux de difficulté sont très finement paramétrables, permettant d'adapter l' expérience de jeu en fonction de votre envie et de votre niveau.
Points forts
- La profondeur de champ époustouflante
- La rigueur des affrontements
- Le souci permanent de réalisme
- L'immersion immédiate et totale
- La coopération indispensable à la réussite
- La profondeur de gameplay
- Une communauté passionnée
Points faibles
- La pauvreté du contenu officiel
- Une campagne solo qui arrive en différé
- Peu de réels bouleversements par rapport à ArmA II
- Un jeu toujours aussi hermétique pour les novices
- La persistance de quelques bugs
En restant à l'écoute de sa communauté, Bohemia Interactive a accouché de la version d'ArmA la plus aboutie à ce jour. En optimisant son jeu et peaufinant ses graphismes tout en conservant ses critères d'exigence et de réalisme, le studio devrait conquérir le public ayant abandonné la licence faute d'une meilleure finition. Les vétérans apprécieront les nouveautés mais pourront être déçus par le manque de fraîcheur apportée à la série. Mais même si chacun pourra à juste titre déplorer le cruel manque de contenu officiel par rapport aux épisodes précédents ou l'absence de campagne solo à la sortie, ArmA III reste encore une fois bien confortablement campé sur sa position de valeur sûre du FPS de simulation de guerre.