Surfant sur la vague Ni no Kuni, sorti quelques mois plus tôt sur la même machine, Time and Eternity se propose lui aussi de combiner animation et jeu vidéo dans un RPG qui s'annonçait visuellement audacieux. Sur le papier, le soft d'Imageepoch semblait d'ailleurs prometteur à plus d'un titre, mais il faut bien avouer qu'il renferme davantage de désillusions que de bonnes surprises.
L'histoire de Time and Eternity commence de manière pour le moins inattendue avec le mariage de la princesse Toki, demoiselle charmante et gâtée par la nature qui s'apprête à épouser Drake, l'amour de sa vie. Mais le conte de fées tourne court avec l'assassinat pur et simple du jeune homme qui s'interpose pour sauver sa promise au moment même où il s'apprêtait à embrasser la mariée sous les yeux d'une assemblée médusée. N'ayant ni le temps de comprendre ce qui vient de se passer ni celui de s'horrifier de la situation, Toki se voit propulsée dans le temps, six mois plus tôt... dans la peau de Towa.
0 mariage et 1 enterrement
Vous suivez toujours ? Le corps de notre héroïne abrite en fait deux âmes, celle de Toki, douce et calme, et celle de Towa, directe et impulsive. Deux filles aux personnalités radicalement distinctes avec lesquelles Drake va devoir apprendre à composer puisqu'il est à présent lui aussi dans le passé... sous la forme d'un minuscule dragon bleu. Le jeu est ainsi construit de manière chapitrée, avec à chaque fois un retour plus ou moins lointain dans le passé au cours duquel notre couple atypique doit comprendre les raisons de cet assassinat et l'empêcher par tous les moyens. Mais même lorsque tout semble résolu, leur mariage se retrouve systématiquement empêché par un drame encore différent qui renvoie nos amis quelques mois en arrière, et ainsi de suite jusqu'à la fin du jeu.
Une alliance 2D / 3D déconcertante
Jusque-là, Time and Eternity parvient à retenir toute notre attention, l'histoire s'annonçant aussi peu conventionnelle que riche en rebondissements. Par ailleurs, le soft peut compter sur une réalisation faisant intervenir de jolies scènes d'animation traditionnelles qui raviront les amateurs de mangas et d'animes japonais. L'idée va même beaucoup plus loin puisque le jeu tente le pari fou de mélanger des dessins 2D et des décors en 3D afin de nous donner l'impression d'évoluer dans un véritable dessin animé. Mais là où les équipes de Level-5 et du studio Ghibli avaient réussi à relever ce défi de manière brillante avec Ni no Kuni en s'appuyant sur de la 3D cel shadée, Imageepoch se contente de plaquer les images des personnages en 2D sur des arrière-plans en 3D pour un résultat qui froisse la rétine. Lorsque tout est en mouvement, le rendu est d'autant moins crédible que les protagonistes ne semblent pas du tout intégrés aux environnements, ce qui est encore plus déconcertant durant les combats. Alors certes, affronter des ennemis animés en 2D rappelle agréablement la série des Tengai Makyô (Far East of Eden), mais techniquement le soft ne convainc pas vraiment.
Des quêtes annexes parce qu'il en fallait
Ne disposant clairement pas des moyens financiers d'un Square Enix, le studio Imageepoch a tout de même réussi à se faire connaître des amateurs de J-RPG via des titres comme Luminous Arc, World Destruction, 7th Dragon, Last Ranker ou encore Arc Rise Fantasia. Son expérience dans le domaine laissait au moins présager d'un gameplay novateur et d'un contenu digne de ce nom. Malheureusement, l'équipe de développement donne l'impression d'avoir concentré tous ses efforts sur le background du jeu, tant le système de combat et la nature des quêtes annexes proposées s'avèrent décevants. Commençons d'ailleurs par ces dernières qui brillent par leur absence totale d'intérêt, au point que l'on en vient vite à zapper complètement ce qui nous est demandé pour foncer directement à l'endroit où se trouve ce que l'on est censé récupérer. Aucun problème puisque tous les objectifs nous sont indiqués de manière très précise sur la carte du monde, y compris l'emplacement des coffres, nous mâchant ainsi tout le travail pour nous inciter à en faire le moins possible. De toutes façons, on ne perd pas grand-chose compte tenu de la nature peu inspirée des requêtes qui nous sont confiées. Pire encore, les lieux qui ne comportent pas d'ennemis, comme les villages, ne sont même pas modélisés et on se retrouve à cliquer sur une image d'un environnement en vue de dessus pour se « déplacer ». Autant dire que les quêtes annexes s'enchaînent à la vitesse de la lumière et qu'elles ne requièrent aucune recherche ni aucune réflexion de la part du joueur. On a vu mieux et rarement pire à ce niveau-là.
Combattre les yeux fermés
Il nous reste encore deux points à voir : le déroulement des combats et le système d'évolution des héroïnes. Autant le dire tout de suite, ceux-ci ne suffisent pas à sauver le jeu, bien au contraire. Survenant à intervalles réguliers mais de manière aléatoire dans les environnements bien vides du jeu, les affrontements se déroulent en temps réel sur deux plans. A tout moment, le joueur et son opposant peuvent décider de s'approcher de l'adversaire pour le frapper au corps-à-corps ou de s'en éloigner pour tirer à distance avec des sorts ou une arme à feu. Même lorsqu'ils sont en groupe, les ennemis n'attaquent jamais à plusieurs, ils se passent simplement le relais lorsqu'ils meurent. Et surtout ils sont programmés pour appliquer toujours le même schéma d'action, inlassablement. Autant dire qu'il suffit d'en avoir combattu un ou deux pour anticiper facilement leurs assauts, ce qui sabote tout le système de jeu qui ne repose plus sur les réflexes du joueur mais sur sa capacité de mémorisation. En effet, le fait de savoir quand un adversaire va envoyer des projectiles et quand il va foncer au corps-à-corps permet de parer, d'esquiver et de contre-attaquer toujours au bon moment. Il n'y a donc quasiment plus aucun challenge dans la mesure où on sait toujours ce qu'on doit faire. La plupart du temps, il suffit d'attendre une courte pause dans le schéma d'attaque de l'ennemi pour charger une magie qui le réduira à néant en un coup. Surpuissantes, les magies sont tellement abusées qu'on ne cherche même plus à aller au contact, d'autant que les stats qui s'affichent à l'écran indiquent clairement la faiblesse élémentaire de l'ennemi. En cas de bévue, on a même le droit de recourir à un sort pour manipuler le temps, par exemple en revenant quelques secondes en arrière histoire de corriger l'erreur en question. Ou à l'inverse accélérer le temps pour ralentir les ennemis. Un joker qui ne s'imposait pas forcément.
Toki ou Towa ?
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On pourrait supposer que le fait de contrôler deux héroïnes différentes relance un petit peu la manière de jouer, mais ce n'est même pas le cas. A chaque montée de niveau, Toki laisse la place à Towa, et ainsi de suite pour nous forcer à passer de l'une à l'autre régulièrement. Mais les deux filles se distinguent davantage par leur caractère que par leurs talents guerriers. En effet, l'arbre des compétences de chacune est quasiment identique, à l'exception d'une poignée de capacités qui leur octroient quelques pouvoirs bien spécifiques. Pour le reste, même en cherchant à développer des branches radicalement distinctes, on est tout de même obligé de jouer de la même façon en alternant les techniques de contact avec les magies surpuissantes qui suffisent à boucler quasiment tous les combats rapidement. Une option permet aussi de donner quelques directives à Drake qui, sous sa forme draconique, est contrôlé par l'IA, mais cela reste très anecdotique. Le petit dragon se réserve malgré tout une phase bien particulière à un moment précis du jeu, mais il se contente généralement de faire de la figuration. Reconnaissons-lui tout de même un certain talent pour pimenter les conversations en rappelant bien à Toki qu'elle est sa promise, ce qui ne l'empêche pas pour autant de se laisser séduire par les charmes de Towa. Sa jauge d'affection basculera d'ailleurs constamment de l'une à l'autre selon vos choix et votre manière de jouer, ce qui aura une incidence directe sur la fin du jeu. On trouve ainsi plusieurs scénettes réservées à Toki ou à Towa durant lesquelles vos réponses pourront vous permettre de développer plus rapidement vos sentiments à leur égard et peut-être débloquer des artworks légèrement coquins dans la galerie. Tout ceci fait de Time and Eternity un RPG atypique mais bien trop creux et répétitif pour sortir du lot, d'autant que la mise en avant du mélange 2D-3D est loin d'être aussi probante qu'on l'espérait.
Points forts
- Doublage japonais efficace
- De très bons morceaux musicaux
- Quelques dialogues amusants
- Durée de vie d'au moins 25-30 heures
Points faibles
- Rendu 2D / 3D pas très probant
- Système de combat limité et répétitif
- Deux héroïnes trop similaires
- Des maps qui sabotent tout l'aspect exploration
- Des quêtes annexes inintéressantes
- Textes en anglais et police pas toujours très lisibles
- Chargements brefs mais intempestifs
Après s'être délectés du splendide Ni no Kuni, les fans de J-RPG sur PS3 comptaient sur Time and Eternity pour avoir de nouveau l'occasion de plonger dans un jeu de rôle aux allures de film d'animation. Malheureusement, le rendu graphique proposé ne convainc pas vraiment et le contenu du soft se révèle bien trop creux pour retenir l'attention des inconditionnels du genre. A voir seulement si vous êtes très curieux !