La saga Castlevania : Lords of Shadow, entamée en 2010, s’offre un nouvel épisode plutôt surprenant autant dans ses choix techniques et esthétiques que dans ses inspirations et ses partis pris narratifs. Premières impressions détaillées après environ trois heures de jeu…
American McGee Presents Scrapland, Clive’s Barker Jericho, Castlevania : Lords of Shadow ou encore l’épisode sur 3DS Castlevania : Lords of Shadow - Mirror of Fate… Le studio de développement MercurySteam Entertainment a su faire preuve, au cours des années passées, d’un certain savoir-faire. D’ailleurs, les développeurs ont relancé la saga Castlevania en l’occidentalisant davantage via la série Lords of Shadow. Avec ce second volet, le procédé s’accentue encore, le studio n’hésitant pas à piocher désormais ses références dans diverses mythologies…
Un jeu sous influences
C’est désormais un secret de Polichinelle : le héros de Lords of Shadow, Gabriel Belmont, est devenu à la fin de l’aventure précédente Dracula en personne ! Le joueur incarne donc naturellement le prince des vampires dès le début de cette nouvelle épopée. Lors d'un long et intense prologue (jouable en partie lors de la démo disponible dans Lords of Shadow Collection sorti en novembre 2013), Gabriel / Dracula se révèle quasi invincible et tout puissant. Le joueur massacre donc dans l’allégresse la plus totale les ennemis qui se présentent à lui, à coups d’épée et de combos aériens évoquant la série des Devil May Cry. Les similitudes avec cette saga ne s’arrêtent pas là puisque, beaucoup plus tard, le héros va récupérer les Griffes du Chaos, une arme ressemblant beaucoup au poing Devil Bringer de Nero dans Devil May Cry 4. Tandis que le sang obscur qui se rebelle contre Dracula envoûte les protagonistes, pour les transformer en ennemis, rappelle fortement la matière noire infectant l’environnement dans DMC. L’excitante séquence de baston qui est au début de l’aventure, aux allures de tutorial, débouche finalement sur un affrontement avec un Titan de siège, monstrueux colosse métallique digne de Shadow of Colossus. Le but : grimper sur lui tout en esquivant les flèches de chevaliers ailés tout droit sortis de Bayonetta et arracher petit à petit son cœur. Suite à la victoire de Dracula, une cinématique stylisée raconte les événements qui surviennent après ce prologue et qui bouleversent autant la vie du héros que les attentes du joueur. Car ce dernier s’aperçoit petit à petit que la destinée de Gabriel / Dracula ressemble fortement à celle du héros de God Of War !
L’ombre de Kratos
En effet, les similitudes entre les aventures de Gabriel et Kratos s’avèrent on ne peut plus nombreuses. D’abord, un prologue au déroulement similaire les montre surpuissants. Puis, à l’issue de combats intenses, tous deux se retrouvent déchus et privés de leurs pouvoirs qu’ils doivent récupérer et consolider au fil du jeu. Au passage, il s’agit d’une véritable surprise pour le joueur qui s’attendait, dans Lords of Shadow 2, à contrôler un Dracula omnipotent – comme le montrait le prologue - mais qui se retrouve finalement, après une demi-heure de jeu, à incarner un vampire faible et mortel devant tout réapprendre. Autre point commun entre Dracula et Kratos : ils ont tous deux causé la mort d’êtres chers (son fils Trevor pour Dracula, sa femme et sa fille pour Kratos). A la différence toutefois que Dracula est en quête de rédemption et que son destin se trouve entre les mains d’un autre, en l’occurrence Zobek lui ayant promis de le libérer de son immortalité s’il l’aidait à empêcher le retour de Satan sur Terre. Alors que c’est la vengeance envers les dieux qui anime Kratos, agissant pour son seul compte et ne comptant que sur lui-même pour parvenir à sa destinée. Au cours des premières heures de jeu de Lords of Shadow 2, il est aussi possible de détecter d’autres points communs avec la saga God Of War. Ainsi, en cours de partie, Dracula peut récupérer de la vie dans des fontaines de sang rouge et remplir ses pouvoirs magiques dans d’autres de couleur bleue (référence aux coffres disséminés dans God Of War). De même, en trouvant cinq gemmes de vie ou cinq gemmes de Néant, il fait augmenter le maximum de ses jauges (les Plumes de Phénix et les Yeux de Cyclope, chers à Kratos, ne sont donc pas loin). Parfois, certains pans entiers de décor, voire même quelques effets de mise en scène (comme la progression de Dracula sur une longue chaîne suspendue dans le vide), renvoient aussi directement aux aventures du Fantôme de Sparte. D’autant qu’une partie de l’action de Lords of Shadow 2 se déroule dans un passé inspiré par la mythologie grecque et qu’une poignée de personnages arbore un look évoquant God of War, comme les Harpies ou le Geôlier des catacombes renvoyant au Hades de God of War III. Sans oublier certains boss hérités des mythes grecs, comme par exemple les Gorgones Sthéno, Méduse et Euryale. Cette dernière, revisitée avec plus ou moins de bonheur à la sauce nippone, ressemble d’ailleurs à un fantôme japonais dans la lignée du film Ring, images tremblotantes et décalées à l’appui…
Deux mondes pour le prix d’un
Ces multiples influences esthétiques contribuent au fait que Lords of Shadow 2 semble peiner, pour l’heure, à trouver véritablement sa propre identité visuelle (les graphismes s’avèrent assez communs). D’autant que - autre surprise de taille pour les joueurs – Dracula évolue dans deux mondes bien distincts ! D’un côté, il y a donc un univers néogothique emprunt de mythologie grecque qui représente le passé. Et de l’autre se trouve un univers contemporain cyberpunk sous la forme d’une ville industrielle et dans laquelle Dracula – en vieillard fatigué et privé de ses pouvoirs - débute réellement l’aventure. A noter que ce dernier peut, en des endroits précis, faire des allers et retours entre ces deux mondes par l’intermédiaire d’un artefact, le Médaillon du Loup blanc. Cela s’avère d’ailleurs indispensable car il faut par exemple récupérer un objet ou tuer un ennemi particulier dans un univers pour mieux progresser dans l’autre (ce principe rappelle un peu Soul Reaver). Heureusement, pour plus de clarté, une mini-carte s’affiche en haut à droite de l’écran et indique notamment la destination où se rendre. Bonne nouvelle : à l'inverse du précédent volet, l’aventure à la troisième personne offre ici des univers totalement en 3D (la caméra est dirigée librement avec le joystick) et partiellement ouverts puisqu’il est possible de les explorer. A ce titre, il existe toujours plusieurs chemins pour progresser afin, par exemple, de découvrir des récompenses cachées, telles que des illustrations ou des Mémoriaux de la ville (documents sur le passé de la cité). Si l’aspect visuel général n’est pas foncièrement le point fort de l’aventure, surtout la partie contemporaine, quelques jolis décors et certains personnages, comme évidemment Dracula mais aussi le Maître des marionnettes, demeurent aptes à marquer le joueur. Sans oublier le doublage de qualité (Robert Carlisle dans le rôle de Dracula ou encore Patrick Stewart dans celui de Zobek) et la musique franchement géniale à base de chœurs et d’orchestrations gothiques très présente durant les premières heures de jeu testées…
Un gameplay dynamique
Vis-à-vis de l’esthétique générale, le gameplay semble avoir eu, de son côté, l’attention toute particulière du studio de développement. Car il apparaît plutôt diversifié entre les divers combats mouvementés, les séquences de plates-formes et les puzzles à compléter, dont certains très originaux comme celui qui survient dans le niveau du Maître des marionnettes (sur une scène de théâtre, il faut placer une série de décors de manière appropriée selon la narration). A cela, il faut ajouter la possibilité de customiser le personnage grâce à des armes et des compétences inédites, mais aussi la présence de mini-jeux que l’on peut éviter, mais qui rapportent davantage de récompenses en cas de réussite (comme un jeu de tir dans lequel il faut shooter des cibles apparaissant derrière un rideau). Grande nouvelle : les QTE, souvent rébarbatifs et survenant à la moindre occasion (boire le sang de l’ennemi après une série d’attaques, se rattraper in extremis…), peuvent être désormais désactivés à l’aide d’une simple option dans le menu ! Concrètement, sur le terrain, Dracula est capable d’asséner deux types d’attaques, verticale et horizontale, très utiles pour effectuer de magnifiques combos. Mais il peut également utiliser une arme secondaire, en la sélectionnant via la croix directionnelle, ainsi que sauter, esquiver et même parer. Pour effectuer une parade synchronisée, il suffit de presser une touche au moment où l’ennemi frappe pour que celui-ci soit étourdi quelques instants. Ce qui le rend vulnérable aux enchaînements. Pas facile à placer en cours de baston mais très efficace si réussie. De plus, Dracula dispose de deux types de pouvoirs indispensables : les pouvoirs du Néant et du Chaos, à activer avec une touche dès que les jauges correspondantes se remplissent. Pour cela, il faut absorber les diverses orbes laissés par les adversaires après leur mort en pressant sur le joystick. Les armes du Chaos (comme les griffes) permettent de briser les défenses et armures de l’ennemi. Tandis que celles du Néant (comme l’épée) infligent des dégâts à l’adversaire et font baisser sa jauge de vie. Face à certains belligérants, il est donc nécessaire d’utiliser ces pouvoirs obligatoirement les uns après les autres. A noter que l’épée du Néant permet de remplir la jauge de vie de Dracula et qu’il est évidemment jouissif d’asséner des combos en enchaînant attaques du Néant et du Chaos !
Un équipement complet et upgradable
Répertorié dans le Livre de voyages de Dracula, l’équipement offre un certain nombre d’objets et de compétences propres à augmenter considérablement la puissance du héros. Outre les armes principales (Fouet de l’ombre, Epée du Néant…), se trouvent aussi les armes secondaires dépendant d’une jauge qui, une fois vidée, se remplit à nouveau rapidement et permet de les réutiliser (telle que la Projection du Néant qui gèle l’adversaire). Ensuite figurent les pouvoirs vampiriques parmi lesquels se trouvent les Dagues de l’ombre (couteaux de lancer), la Nuée de chauves-souris (pour embêter un ennemi et le distraire) ou encore l’Invasion de rats. Cette dernière magie offre à Dracula de se transformer en rat – uniquement dans un coin sombre déterminé à l’avance par les développeurs - et ainsi de se faufiler dans les canalisations pour pénétrer dans des salles inaccessibles. Au sein de cet équipement, les développeurs proposent également des Reliques à collecter au fil du jeu. Il est possible d’en récupérer jusqu’à trois exemplaires de chaque. Celles-ci permettent, par exemple, de ralentir le temps (Horloge de Siolas), découvrir les secrets cachés dans une pièce (Œufs de Dodo), reconstituer totalement la santé de Dracula (Larmes de Saint), régénérer sa magie pendant une durée limitée (Démon piégé) ou encore transformer brièvement le prince des ténèbres en dragon détruisant tout autour de lui ! Last but not least : Dracula possède un arbre de compétences à acheter et à booster à l’aide de points d’expérience récupérés en battant les ennemis et en détruisant des objets du décor comme des caisses ou des tonneaux. A noter qu’avant de devenir le maître parfait dans l’utilisation d’une arme, il faut obtenir chacune des compétences qui lui sont rattachées. Chaque compétence dispose d’une jauge qui se remplit en l’utilisant. Une fois celle-ci pleine, il est alors possible de transférer la maîtrise acquise à l’arme correspondante afin de la rendre plus puissante. Un système un peu compliqué sur le papier mais simple, efficace et assez stratégique sur le terrain, puisque cela force le joueur à diversifier ses coups.
Une aventure pleine de surprises
La variété des pouvoirs magiques de Dracula offre aux joueurs l’opportunité de compléter une mission ou de battre un adversaire de diverses manières. Il est d’ailleurs même possible parfois d’éviter complètement les combats en se précipitant dans le décor ou en esquivant les ennemis. Heureusement, en cas d’échec, des points de sauvegarde très réguliers permettent de reprendre l’aventure très rapidement. Dans la partie contemporaine de l’aventure, le vampire doit ainsi s’infiltrer dans l’usine de Bioquimek Corporation, où patrouillent des Gardes Golgoth, individus faisant partie de l’armée de Satan et dotés d’une énorme armure avec une grosse puissance de feu qu’il est impossible d’affronter face-à-face. Il est donc nécessaire de les contourner en leur lançant par exemple une Nuée de chauves-souris pour les distraire et passer dans leur dos. De même, Dracula peut envoûter temporairement certains ennemis en se positionnant derrière eux et en prenant possession de leur corps. Cette méthode se révèle d’ailleurs indispensable pour franchir incognito les lourdes portes gardées. Ainsi, après s’être transformé en rat et avoir rongé un câble pour saboter un mécanisme, le vampire attend l’arrivée d’un technicien qui va tenter de réparer. Il faut alors prendre possession de son corps et le diriger ensuite rapidement dans le lieu suivant avant que le pouvoir s’estompe. Face aux divers boss plus ou moins charismatiques, le stratagème est plus classique car il faut observer et s’adapter à leurs attaques et déplacements, le combat se déroulant en plusieurs étapes. Et ce n’est pas de tout repos par exemple face à Raisa Volkova, directrice du laboratoire Bioquimek, et seul boss accessible au cours de la démo. Cette dernière se transforme en créature reptilienne manipulant l’électricité mais heureusement allergique au froid (ce genre d’informations peut être trouvée dans les fiches des personnages disponibles dans le menu Légendes). Dracula doit donc la geler avec son pouvoir magique dans un premier temps puis la frapper de toutes ses forces. La mission globale du vampire reste évidemment de supprimer tous les Acolytes, noms donnés aux suppôts de Satan comme cette créature cherchant à faire revenir leur maître Satan sur Terre. Le challenge devrait donc être au rendez-vous pour le joueur au cours de cette aventure qui, en dépit d’une esthétique moyenne et assez impersonnelle, pourrait se révéler aussi surprenante que mouvementée.
Véritable melting-pot brassant avec plus ou moins de bonheur de nombreuses influences et inspirations, Castlevania : Lords of Shadow 2 semble manger à tous les râteliers dans le but de rassembler sous son aile un maximum de joueurs. Si, de ce fait, le personnage principal s’en trouve un peu dénaturé, en revanche il est probable que de nombreux joueurs picoreront avec bonheur çà et là des éléments qui pourront leur apporter satisfaction. Si elle est dotée d’une esthétique inégale, l’aventure semble offrir néanmoins un gameplay fort bien étudié et une durée de vie qui paraît solide. Avis définitif lors du test !