C'est peu dire que Square Enix connaît actuellement une période difficile. En proie à des problèmes d'ordre financier, la société japonaise est en pleine restructuration. Pour autant, il subsiste dans son catalogue quelques projets d'envergure. Des titres qui doivent d'ailleurs participer à son redressement. Thief fait partie de ceux-là. Prévu pour le 28 février prochain, le jeu développé par Eidos Montréal s'est laissé approcher le temps d'une session de prise en main sur une version PC.
Avant toute chose, il faut savoir que l'aventure de Thief se découpe grosso modo en deux parties. D'un côté se trouve la quête principale qui vous trimbalera à droite et à gauche. De l'autre, tout ce qui a trait à la ville. Celle-ci est en fait un hub au sein duquel vous pourrez passer du temps entre les missions scénarisées. Il s'agit d'un endroit relativement restreint au départ mais qui s'ouvrira progressivement au fur et à mesure de la partie, laissant Garrett, le personnage central du jeu, découvrir de nouveaux quartiers. Libre de ses mouvements, le joueur peut y trouver des boutiques à dévaliser, des personnages avec qui dialoguer et des pelletées de missions annexes à effectuer.
Si Garrett m'était conté...
La session de jeu organisée par Square Enix nous a justement permis de découvrir ce hub. Nous étions entièrement libres de nos mouvements dans un environnement ouvert mais limitée en taille. Pas de missions principales au programme, mais quelques tâches annexes à réaliser entre deux phases d'exploration sans objectif précis. Tout a commencé par une petite visite au cœur d'un quartier lugubre niché dans un coin paumé de la ville. Là, nous y avons fait la rencontre d'une vieille connaissance : Basso. Ce dernier fait ici office de pourvoyeur de quêtes. Pour résumer, il vous demande d'aller voler tel ou tel objet - une peinture, un bijou ou encore une sculpture - à des endroits précis. Une mini-map vous permet d'afficher l'emplacement où se trouve le précieux sésame. Reste ensuite à vous y rendre et à trouver le moyen de réussir la mission.
Car on le rappelle à qui aurait passé les vingt dernières années de sa vie dans une grotte, Garrett est un voleur. Il fait partie de ceux qui entrent en toute discrétion dans une demeure et y dérobent sans que personne ne s'en aperçoive les objets les plus précieux. Malheureusement, dans notre démo, il n'y avait pas deux manières d'aborder les missions proposées. Celles-ci peuvent bien dégénérer - on tabasse les gardes si l'on est repéré - mais le level design, peu inspiré, vous contraint à passer quasi systématiquement par un unique endroit. La fenêtre d'un immeuble par exemple. Ce qui limite forcément énormément la façon dont on appréhende un objectif. Pas besoin d'analyser longuement la configuration des lieux. C'est tout juste s'il est nécessaire d'observer le comportement des ennemis pour les éviter. Première déception.
Vaurien, brigand, pilleur, truand !
Après quelques minutes passées à errer dans la ville - plus ou moins volontairement d'ailleurs -, nous avons fini par comprendre que certaines missions nécessitent l'achat d'un outil chez le marchand du coin. Des emplettes que l'on peut faire grâce à tous les objets de valeur que l'on ramasse dans le décor et qui viennent garnir notre besace. Après s'être procuré une sorte de pince géante, il devient envisageable de couper des câbles bloquant l'accès à un pont ou une porte. Même principe avec un outil qui permet d'enlever les vis de petites trappes à l'intérieur desquelles Garrett parvient sans peine à se faufiler. Il faut dire que c'est un acrobate notre héros. Il est capable de franchir n'importe quel obstacle, d'effectuer n'importe quel saut pour peu que vous appuyiez sur la commande appropriée (qui est unique, comme dans Assassin's Creed par exemple). Enfin presque car dans les faits, cela ne se passe pas toujours ainsi.
Jeu d'infiltration oblige, il faut garder à l'esprit que l'on ne cesse de grimper un peu partout, de se balader sur les toits, de flirter avec le vide. Aussi, il est absolument nécessaire que la navigation dans l’environnement soit naturelle, fluide. Or, ce n'est pas du tout le cas ici. Il arrive fréquemment que Garrett rate un saut en apparence facile et que l'on atterrisse vingt mètres plus bas. Il est très difficile d'être précis dans ses déplacements. On ne comprend d'ailleurs pas vraiment quels éléments du décor sont censés permettre au voleur de se déplacer et lesquels sont là uniquement pour enrichir visuellement l'environnement. Le focus, ce pouvoir qui souligne les interactions possibles (désactivable dans les options) n'est en prime pas suffisamment efficace pour compenser ce problème. Du coup, les erreurs d’appréciation se multiplient avec souvent, à la clé, la mort du personnage. Frustrant, d'autant que notre héros est capable d'encaisser une chute de dix mètres sans broncher mais meurt si dix centimètres de plus le séparent du sol. Bref, on a bien du mal à se mouvoir dans les environnements. Le fait d'avoir une unique commande pour les déplacements et de ne pas pouvoir sauter quand bon nous semble amplifie cette impression d'être prisonnier des errances du jeu.
En clair-obscur
Si toute la partie navigation est importante dans un jeu d'infiltration, l'intelligence artificielle des ennemis se doit également d'être bonne pour assurer au jeu une cohérence globale. Ici aussi, Thief est loin d'être exemplaire. Le principal problème tient au fait que les gardes ne vous voient pas - même lorsqu'ils sont à un mètre de vous - à partir du moment où vous êtes dans une zone d'ombre. Si le concept du jeu veut que Garrett puisse se cacher en évitant toute source de lumière, l'aveuglement des ennemis est clairement exagéré. D'autant qu'ils ne sont pas non plus très réactifs lorsque vous êtes pleinement éclairé. Autre problème, un adversaire peut être éliminé aisément, en à peine trois coups de matraque. De ce fait, vous n'avez jamais vraiment peur des gardes. Au final, les moins subtils d'entre vous pourront donc adopter la manière brutale sans trop de dommages collatéraux. A moins que la difficulté ait été abaissée pour les besoins de la présentation (ce qui est tout à fait possible). Toujours est-il que d'après notre session de jeu, seuls ceux qui souhaitent finir les missions à 100% doivent en permanence rester discrets.
Alors évidemment, le tableau n'est pas totalement noir. On s'amuse lorsque l'on joue à Thief. Comme avec tous les jeux du même genre, on aime pousser le gameplay dans ses retranchements. On cavale partout, on explore les moindres recoins de l'environnement, on joue avec le comportement des ennemis pour voir quelles sont leurs réactions. En parallèle, utiliser l'arc et les flèches de différentes natures qu'il permet de décocher (eau, feu et ainsi de suite) procure également un plaisir certain. On aime aussi fouiller l'environnement pour dérober le moindre objet. Eidos Montréal a conçu un système sympathique pour déverrouiller les coffres - parfois masqués par des tableaux, également protégés par un mécanisme de sécurité - ou crocheter les portes. Il faut trouver des crans en tâtonnant doucement. Cela fonctionne très bien. Techniquement, Thief s'en sort par ailleurs plutôt bien. Sur l'énorme PC qui le faisait tourner du moins. Les effets de lumière sont notamment impressionnants. Globalement, le jeu jouit d'une ambiance sombre très prenante et d'une direction artistique que l'on devine d'ores et déjà réussie. Il nous a en revanche semblé dommage que la ville soit aussi vide. Cela altère assez nettement le charme du lieu.
Cette nouvelle présentation de Thief nous a laissé entrevoir un jeu moyen, bien loin des ambitions de départ énoncées par les développeurs d'Eidos Montréal. Alors certes, dans cet environnement ouvert et central qu'est la ville, on se laisse par moments divertir. Dans les jeux d'infiltration de ce type, il est toujours amusant de tester les limites du gameplay. Le titre profite en plus d'une ambiance prenante et de quelques effets visuels sympathiques. Malheureusement, ces moments de plaisir sont en permanence gâchés par un sentiment de frustration très désagréable. La faute à d'évidents soucis de design qui plombent la navigation dans les environnements. La pauvreté du level design et les errances de l'IA n'aident pas non plus le jeu dans son entreprise de séduction. Autant d'éléments qui conditionnent pourtant la qualité d'une production telle que Thief. Bien entendu, le jeu ne sort qu'en février prochain et on ne parle ici que du hub auquel les joueurs ont accès entre les missions principales. Mais on est maintenant en droit de s'inquiéter.