Incertain depuis la sortie de Shadow Dragon fin 2008, l'avenir de la série Fire Emblem en Europe semblait relativement compromis jusqu'à présent puisque l'épisode qui a suivi sur DS n'a jamais été édité en dehors du Japon. Heureusement pour nous, la venue de Fire Emblem : Awakening sur 3DS marque enfin le retour de la franchise dans notre pays via un épisode plus ambitieux que jamais qui prouve que la saga n'est pas sur le point de s'éteindre.
Bien qu'elle ait déjà fêté son vingtième anniversaire au Japon, la série de RPG tactiques Fire Emblem ne s'est fait connaître que très tardivement en Europe avec la sortie du septième volet en 2004 sur GBA. Cette référence du T-RPG signée Intelligent Systems, studio à l'origine des franchises Advance Wars et Paper Mario, compte déjà 13 épisodes distincts, pour la plupart inédits chez nous. Après deux remakes DS, les développeurs se sont mis au défi de relancer complètement la série via un épisode suffisamment ambitieux pour susciter l'engouement de tous les possesseurs de 3DS, qu'ils soient néophytes ou inconditionnels de la franchise.
Plus beau que jamais !
Qui a dit que les RPG tactiques étaient tous austères sur le plan visuel ? Ne vous y trompez pas, ce n'est pas parce que Fire Emblem : Awakening tourne sur une console portable qu'il fait moins bien qu'un Radiant Dawn au niveau graphique. La 3DS est capable de bien belles choses et cet épisode surpasse presque les deux opus consoles de salon en matière de réalisation. Techniquement, le soft est véritablement bluffant, les maps affichent un souci du détail impressionnant et l'effet de profondeur dû aux capacités 3D stéréoscopiques de la console est parfaitement exploité. En combat, il est désormais possible de contrôler la caméra pour aller au plus près de l'action, de changer l'angle de vue et même de passer en vue subjective pour percevoir la bataille à travers les yeux de ses personnages. Comme, en plus, les unités disposent d'attaques spéciales joliment mises en scène, le titre nous en met plein les yeux et ne nous donne à aucun moment envie de couper les animations des combats pour gagner du temps. Dans ces conditions, on ne peut que rester perplexe devant le détail qui tue, à savoir l'absence de pieds sur les personnages, ce qui est d'autant plus étonnant que le character design est sans doute l'un des plus réussis que l'on ait pu voir sur l'ensemble de la série.
Reconversion professionnelle
Mais ce n'est pas seulement dans la forme que ce nouvel opus se montre audacieux. Les concepteurs ont vraiment tout fait pour lui insuffler le meilleur des épisodes précédents, c'est pourquoi on y retrouve tous les éléments clés de la franchise. A l'instar de Shin Monshô no Nazo (inédit chez nous), le joueur doit commencer par créer un stratège qui sera jouable tout au long de la partie aux côtés des héros du jeu. Cet avatar a le mérite d'intervenir véritablement dans l'histoire et est capable de manier aussi bien l'épée que la magie. Le joueur peut ainsi orienter librement sa classe au fil de l'aventure, le système de jobs étant encore une fois relativement ouvert pour toutes les unités. Car en mettant la main sur un item spécifique, il devient possible de modifier la classe de n'importe quel personnage, ce qui rend ainsi chaque partie véritablement unique. Dans le même ordre d'idées, on retrouve bien évidemment la possibilité de promouvoir un héros à la classe supérieure dès que celui-ci franchit le niveau 10 pour lui ouvrir de nouvelles perspectives d'évolution. Plus que dans aucune autre série de RPG tactiques, le joueur est forcé de s'attacher à ses troupes, pas seulement parce que ses membres dégagent tous un charisme particulier mais surtout parce que les relations qu'ils entretiennent les uns avec les autres les rendent quasiment humains.
La mort ou la résurrection
Autant dire que le déchirement frôle l'inacceptable lorsque vient le moment de se séparer de l'un d'entre eux, car comme le veut la dure loi de la série, toute unité qui périt sur le champ de bataille dans un Fire Emblem est perdue à jamais. Une constante qui en incitera beaucoup à recommencer entièrement une mission suite à une erreur malencontreuse ayant causé la mort d'un compagnon. Mais pour ne pas rebuter les joueurs effrayés par la difficulté légendaire de la franchise, les développeurs ont pris le parti de proposer d'une part trois degrés de difficulté différents, et d'autre part la possibilité d'opter pour une partie où la mort n'est plus définitive. Notez bien que cela n'a rien d'obligatoire et que les puristes peuvent tout à fait jouer dans les conditions habituelles et même se passer des sauvegardes illimitées qui sont gracieusement offertes aux néophytes. En paramétrant dès le départ la nature du challenge de cet épisode, le joueur se retrouve donc en mesure d'ajuster la difficulté de l'ensemble sur une fourchette très large, ce qui ne pourra faire que l'unanimité.
Rien ne sert de courir...
S'étalant sur 25 chapitres autour desquels gravitent plus d'une quinzaine de missions optionnelles, l'aventure principale se déroule dans le même monde que celui qui a vu naître l'épopée du prince Marth, mais à une toute autre époque. Sont mis au tout premier plan le personnage de Chrom, capitaine des Veilleurs, ainsi qu'un mystérieux individu masqué dont nous tairons ici l'identité. Riche en rebondissements, l'intrigue gagne en intérêt au fil de son développement et n'hésite pas à recourir à des cinématiques du plus bel effet pour illustrer les scènes les plus dramatiques. La qualité de la traduction française des textes est indéniable et il est possible d'activer les voix japonaises originales (encore faut-il avoir l'idée d'aller chercher l'option dans le menu Extras...). Soucieux de reprendre le meilleur des éléments mis en place tout au long de la série, les concepteurs ont eu la bonne idée de proposer des déplacements libres sur une carte du monde, dans l'esprit de celle de The Sacred Stones. De cette manière, chacun a le loisir d'enchaîner les missions principales ou bien de prendre le temps d'effectuer des achats dans les échoppes, d'affronter des ennemis dans des batailles optionnelles pour engranger de l'expérience, ou carrément de se lancer dans des chapitres annexes. Un bon moyen de recruter les unités les mieux cachées, sachant que, comme le veut la tradition, nombreuses sont les occasions de rallier à soi des NPC indécis ou des ennemis prêts à changer de camp si on prend la peine de trouver les mots pour les convaincre.
L'union fait la force
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Sans que cela ne nous soit aucunement imposé, le fait de prendre le temps de renforcer les liens entre nos héros apparaît vite comme essentiel dans cet épisode. Car en plus des conversations qui rapprochent deux unités ayant passé du temps à combattre côte à côte, on peut s'amuser à jouer les voyeurs dans la caserne pour observer comment les relations entre nos personnages évoluent, et cela concerne véritablement l'ensemble des personnages du jeu. L'occasion aussi d'empocher divers bonus et des récompenses non négligeables, ou carrément d'obtenir des objets importants. Sur le terrain, les moyens de tisser des liens plus forts entre ses troupes ne manquent pas puisqu'on peut aussi bien s'arranger pour les placer sur des cases adjacentes que choisir de les fusionner via la nouvelle option Duo qui permet de renforcer les stats de deux personnages pour en faire une unité plus puissante. Dans tous les cas, plus vous aurez pris la peine de rapprocher moralement vos alliés, plus vous aurez de chances de les voir s'entraider en combat. Cela se traduira soit par des renforcements de stats, soit par une intervention directe du second héros qui viendra frapper l'ennemi pour lui porter le coup de grâce avant même qu'il n'ait eu le temps de contre-attaquer, allant parfois jusqu'à s'interposer pour sauver la vie de son allié ! Mises au tout premier plan dans cet épisode 3DS, les relations de soutien sont donc une composante cruciale du gameplay et rendent les affrontements plus dynamiques et imprévisibles que jamais. Déjà expérimenté avec succès dans le quatrième volet de la saga, le système de générations fait d'ailleurs un retour remarqué dans ce volet 3DS. Car si les liens entre deux unités sont suffisamment forts, elles peuvent se déclarer leur amour et se marier, engendrant même une descendance qui se battra ensuite à vos côtés !
Come-back réussi
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Accessible à tout moment à partir de la map, le menu de gestion des unités autorise les traditionnels changements de classes, promotions et autres transferts d'objets et d'équipements, sachant que chaque personnage acquiert aussi des techniques spéciales qu'on peut choisir d'équiper ou non. Outre les destinations déjà évoquées, le portail du Multivers est un endroit qui permet d'accéder aux cartes disponibles en téléchargement payant, Fire Emblem : Awakening étant le premier jeu 3DS à proposer des DLC payants lors de sa sortie au Japon. A ce sujet, il faut s'attendre à devoir débourser une somme non négligeable pour espérer acquérir l'ensemble des suppléments proposés, aussi alléchants soient-ils (maps bonus, classes supplémentaires, chapitres dédiés aux héros les plus marquants de la saga), mais il est également possible de débloquer un nombre impressionnant de héros bonus gratuitement via la fonction SpotPass. Bien que non jouable en ligne, le soft autorise les parties à deux joueurs en local, et même le recrutement des avatars personnalisés. Autant dire qu'il ne manque finalement pas grand-chose à cet épisode pour mériter le titre de meilleur opus de la série, et pourquoi pas faire naître la passion du RPG tactique dans le coeur des néophytes qui seront suffisamment éclairés pour s'y essayer.
Points forts
- Challenge modulable pour coller aux envies de chacun
- Le rendu 3D sur les maps
- Batailles entièrement personnalisables
- La mise en scène des animations de combat
- La notion de soutien poussée à l'extrême
- Traduction française impeccable
- L'une des meilleures B.O. de la série
- Durée de vie solide (une trentaine d'heures), renforcée par les missions annexes et les DLC
Points faibles
- Des DLC vraiment alléchants mais qui reviennent cher
- Personnages modélisés seulement jusqu'aux chevilles
Voir une légende du jeu de rôle tactique renaître avec autant de fougue sur 3DS alors qu'on ne s'y attendait plus a quelque chose d'assez exaltant. Reprenant le meilleur de tous les éléments qui ont su faire évoluer la saga pendant plus de vingt ans, cet épisode inédit y insuffle également tout ce qu'il fallait pour lui redonner un coup de jeune tout en s'adaptant aux envies des joueurs, quel que soit leur niveau. Nul doute que Fire Emblem : Awakening sera le jeu de l'année pour bien des possesseurs de 3DS !