Rendue célèbre par le procès de sorcières à la fin du XVIIe siècle, la ville de Salem est aujourd’hui le théâtre d’un jeu d’aventure mettant en scène un fantôme désireux de faire emprisonner son meurtrier. Menant l’enquête dans une cité rongée par son passé, O’Connor va devoir ouvrir l’œil et tout mettre en œuvre pour aiguiller la police sur le bon chemin. Tenter de découvrir qui l’a tué et décrypter les raisons de présences maléfiques alentour, voilà une mission pour un mort qui lui va bien, dans une aventure joliment mise en scène et digne des meilleurs polars.
Beaucoup de gens plutôt trentenaires, voire un peu plus vieux, se souviennent de Ghost (1990), ce long métrage où Patrick Swayze, devenu fantôme après son propre meurtre, tente de communiquer avec sa femme Demi Moore pour l’aider à trouver le coupable. Un film culte pour toute une génération, mais là n’est pas le sujet, on ne va pas vous reparler du cours de poterie sensuel ou de la performance de Whoopie Goldberg dans la peau du médium. Non, si Ghost est évoqué ici, c’est dû au fait que Murdered : Soul Suspect en reprend un peu la trame. Imaginez les premières images du jeu : la nuit est tombée sur une zone pavillonnaire de Salem, et la caméra effectue une vue d’ensemble au ras du sol. D’un seul coup, Ronan O’Connor, détective au passé trouble, est défenestré du premier étage d’une baraque. Si l’on en croit la présence de son fantôme debout à côté du corps, il s’agit visiblement de la chute de trop pour cet homme. A peine le temps de réaliser ce qui s’est passé qu’une ombre s’approche du corps et l’achève de cinq balles, avant de repartir aussi vite qu’elle est arrivée. Qui se cache derrière ce polo à capuche, personne ne le sait, il n’y a aucun témoin oculaire… à part le fantôme. Seulement voilà, comment un être spectral peut communiquer avec les vivants ? La trame est posée et l’objectif clair : le fantôme de Ronan doit mener l’enquête depuis l’au-delà et aider la police de cette ville autoproclamée « ville la plus hantée d’Amérique ». On devine maintenant pourquoi le choix des développeurs s’est porté sur cet endroit de la Nouvelle-Angleterre.
Mens sana in corpore sano
La démo va vite nous dévoiler les capacités du jeu tout comme les incohérences inhérentes à la cohabitation de deux mondes diamétralement opposés. L’exemple le plus flagrant restera sans doute l’incapacité pour Ronan d’entrer dans la maison où le crime a eu lieu, l’obligeant à attendre qu’un flic ouvre la porte. En revanche, traverser les murs à l’intérieur ne lui posera aucun souci. Curieux. Les développeurs s’en sortent par une pirouette, expliquant qu’à Salem, les maisons sont bénies, empêchant ainsi toutes sortes d’esprits d’y entrer. Mouais. Disons que c’est essentiellement pour empêcher le joueur d’aller où bon lui semble d’une part, et de l’autre, se soulager de modéliser tous les intérieurs des maisons alentour, non ?
Ce prétexte, s'il fait légèrement sourire, laisse finalement place, une fois l’enquête lancée, à une impression plutôt positive. On le voit assez vite, le gameplay se base sur la recherche d’indices et la possibilité de rentrer dans le corps et la tête des êtres vivants. Pour faire avancer son investigation, le feu détective va d’ailleurs commencer par s’intéresser à ce policier écrivant quelques notes. Histoire de prendre connaissance de ce rapport, Ronan s’approche de lui et se glisse tout simplement dans sa peau pour lire ce qui est marqué. Ayant pris connaissance des indices dont disposent les enquêteurs, voilà qu’il distingue une fille à quelques mètres de là, en train de témoigner. Balbutiante et peu sûre de ce qu’elle a véritablement vu, Ronan va entendre ce qu’elle pense et le modifier, pour la forcer à raconter ce qui s’est vraiment déroulé. Comment va-t-il s’y prendre ? En sélectionnant un des mots clés relatifs aux événements, qui flottent à l’écran (un peu dans le même style employé par Heavy Rain). D’un coup d’un seul, la femme éclaircit sa déposition, enrichissant ainsi le rapport de son interlocuteur.
Guerre des mondes
Mais l’affaire est loin d’être réglée et Ronan va tenter d’en savoir un peu plus en entrant dans la maison. Comme on vous le disait plus haut, il devra attendre qu’un flic ouvre la porte des lieux du crime pour pouvoir s’y engouffrer. Une fois à l’intérieur, il se dirige vers le premier étage. A mi-chemin dans les escaliers, un spectre apparaît depuis le sol puis s’échappe vers l’étage supérieur. Ronan tente de le suivre mais perd sa trace, avant de le voir foncer sur lui et le transpercer de part en part. Avant de comprendre et connaître les raisons de la présence de cette chose, O’Connor va utiliser un subterfuge pour l’anéantir. Profitant du fait que le spectre ne peut intervenir dans le monde des vivants, notre ami défunt va se glisser dans la peau d’un flic pour en prendre le contrôle et surprendre son assaillant en l’étranglant jusqu’à le faire disparaître. Si cette phase de gameplay est assez difficile à expliquer, rassurez-vous, manette en mains c'est très simple !
Essaie encore !
Livré à lui-même et coincé dans le monde des limbes de Dusk, Ronan découvre ainsi les inconvénients de jouer les Casper, mais il ne va pas tarder, heureusement, à en connaître les avantages… si l’on peut parler ainsi. En effet, grâce à ses capacités surnaturelles, il va pouvoir revivre, d’un œil spectateur, toute la scène qui a précédé son assassinat. A travers un joli filtre visuel en noir et blanc, on voit ainsi le meurtrier entrer dans la pièce, devançant Ronan de quelques secondes. Une bagarre éclate et, alors que le détective tente de s’emparer d’une batte de base-ball, l’intrus la lui chipe et la tord comme une vulgaire fourchette en métal bon marché. Ce détail aura une importance capitale puisque les flics, qui inspectent les lieux au même moment, discutent et finissent par conclure qu’il s’agit de l’arme du crime. Comment les persuader qu’ils font fausse route ? La démo n’ira malheureusement pas assez loin pour nous en dire plus. Elle ne nous expliquera pas non plus comment Ronan fera pour retrouver cette fille qui était planquée dans la pièce, mais qu’il n’avait pas eu le temps de voir de son vivant. Tout ce que l’on sait, c’est qu’il devra relever un maximum d’indices pour avancer dans « son » enquête et mettre la main sur ce témoin oculaire. Lorsqu’il a récolté suffisamment d’éléments, ceux-ci apparaîtront sous forme de messages flottants à l’écran, et il devra les ranger dans l’ordre pour déclencher une cinématique censée faire avancer l’histoire. Ne souhaitant pas frustrer les joueurs qui se planteront lors de cette manipulation, les développeurs ont jugé bon de laisser autant d’essais qu’il sera nécessaire pour trouver la bonne combinaison. Avec trois, voire quatre indices à chaque fois, cela ne prendra pas des heures, même pour les esprits les plus illogiques.
«Votre correspondant est absent...»
Arpenter les ruelles sombres, admirer l’architecture des maisons de style Nouvelle-Angleterre, interroger les fantômes des anciens citoyens de Salem pour rassembler les pièces du puzzle, combattre les esprits démoniaques, Ronan a de quoi faire lors de cette aventure assez bien ficelée et dévoilant une mise en scène très réussie. Bien évidemment, il ne pourra pas compter sur les objets réels (flingue, fer à souder, appareil à raclette, wok …) pour se défendre et encore moins entrer en communication avec les vivants (téléphone portable, fax, sms, messagerie rose, pigeon voyageur...). Il est seul au monde, et le restera, pour trouver son coupable. La présentation prenant fin, Murdered : Soul Suspect laisse un sentiment assez sympathique et une vision assez originale où des mécaniques de jeu, entre Heavy Rain et L.A Noire, se marient avec douceur. Misant tout sur l’exploration et la réflexion, le jeu déroule sa trame tranquillement, laissant ainsi au joueur le loisir de découvrir un environnement et une ambiance maîtrisée techniquement et artistiquement, ainsi qu’une intrigue allant crescendo. Pour en découvrir encore un peu sur ce titre prometteur, il suffit juste d’attendre quelques heures et le coup d’envoi de l’E3.
L’enquête que nous propose Square Enix a de quoi séduire. Par le choix de la ville et la réputation qui la précède, par la mise en lumière d’un héros défunt, par une mécanique de jeu simple et bien fichue, Murdered Soul Suspect embarque le joueur dès les premières minutes dans un univers où enquête et mystère dansent joyeusement autour d’un scénario original et bien emmené. Si la démo a convaincu l’assemblée présente et que tous les feux sont pour l’instant au vert, il faut maintenant attendre de savoir si le jeu maintient le rythme et le suspense sur la durée.