Pauvre, pauvre licence Aliens que personne ne veut traiter correctement depuis les deux premiers Aliens vs Predator. Paradoxalement, l'oeuvre de Ridley Scott a été une source d'inspiration capitale pour le jeu vidéo mais a toujours eu du mal à s'y sentir à l'aise. Colonial Marines est probablement la pire des adaptations d'Alien, aussi mauvaise dans son gameplay que dans le respect des canons de l'univers.
Prétendre comme l'a fait Randy Picthford, le patron de Gearbox, que Aliens : Colonial Marines est la suite de Aliens : Le Retour, autant le dire tout de suite, c'est faire insulte aux films et aux fans. Non seulement le FPS développé depuis 4 ans est mauvais, mais il n'hésite pas en plus à piétiner la licence, se condamnant à ne même pas pouvoir compter sur son fan service. Se déroulant plusieurs semaines après le second film de la saga, Colonial Marines vous renvoie sur LV-426, dans les restes encore fumants de la colonie Hadley's Hope que Ripley a brillamment saccagée. Tout commence à bord de l'USS Sephora, une bande de marines tente d'investir le Sulaco envahi de Xenos et de mercenaires de la Weyland Yutani. Tout ce beau monde finira par s'écraser sur LV-426, le seul point sympathique du jeu étant précisément de retrouver cet environnement devenu familier. Tomber sur les jambes de Bishop sur le Sulaco ou visiter ce qui était sans doute la chambre de Newt assure un peu le fan service. Mais ça ne va pas durer.
Si vous espériez jouer à Colonial Marines pour retrouver ce qui fait l'intérêt de la franchise, l'ambiance donc, vous pouvez faire une croix sur votre rêve. Le FPS de Gearbox est une caricature d'Alien. Pour commencer, les cinématiques sont abominables, en basse définition baveuse, mal synchronisées et vous donnant une synthèse de la qualité déplorable des dialogues in-game. Colonial Marines détient sans doute le record du plus grand nombre d'itérations de la phrase "on n'abandonne pas un marine", dressant un portrait complètement foiré des gros durs du film, jusqu'à une réplique au sujet de la maman d'un soldat vers la fin du jeu qui pourrait devenir culte. On s'approche plus de la parodie façon Starship Troopers, si ce n'est qu'ici, ça n'a rien de volontaire. Et pour ne rien gâcher, le personnage le plus mal doublé... c'est le vôtre. Alors pour ce qui est de l'immersion, il faudra repasser, d'autant que la réalisation et les mécaniques de gameplay n'aident pas vraiment en ce domaine. Difficile de se prendre au jeu quand on voit une énorme caisse rouge poper du corps d'un mercenaire qui trépasse. Pour vous donner une idée, ça met à peu près autant dans l'ambiance que si Ripley était tombé sur un stand de barbes à papa encore ouvert au beau milieu de la fête foraine de Hadley's Hope. Des caisses qu'il faut en plus ramasser en regardant au sol et en appuyant sur une touche. Merci Gearbox, c'est so 99 de voir ça dans un FPS supposé nerveux. Supposé, parce que malgré un arsenal conséquent, reprenant les armes emblématiques du film, l'absence de réelle sensation d'impact sur les cibles donne le sentiment de tirer avec un fusil à billes. Fusil à billes sur lequel vous pourrez néanmoins débloquer des accessoires, dont l'indispensable... silencieux. Mais qu'est-ce que vous voulez que j'en fiche de votre silencieux ?
Jouer à Aliens : Colonial Marines, c'est comme se replonger dans le passé pour jouer à un FPS tout juste moyen du début des années 2000. Tout semble daté. Et forcément monstrueusement cliché, l'influence majeure d'Alien sur le monde de la SF et du jeu vidéo ne faisant rien pour aider le titre sur ce point, on le reconnaît. Errant dans des couloirs étriqués, avec quelques passages en extérieur, on alterne entre combats contre les Xenos et affrontements avec les mercenaires de Weyland. Si vous connaissez Alien, vous savez sans doute que les Xenos ne sont pas que des bestioles féroces sans cervelle, contrairement à ce qu'ils deviennent ici. Pas de traque flippante, pas d'adversaires futés et coordonnés qui vous donnent une furieuse envie de prendre vos jambes à votre cou, les Xenos vous foncent dessus comme des boeufs, se jetant le plus souvent sur vos balles comme des Lemmings dans une fosse de magma. Le seul danger, c'est qu'il est fréquent qu'on les distingue mal, l'obscurité étant plus que récurrente. Alors oui, parfois on s'en prend plein la nifle parce qu'on n'avait pas vu la bestiole nous arriver dessus, mais ça, c'est une vieille astuce pour faire passer la pilule : plonge le joueur dans le noir, plante un ennemi derrière une porte et dis-lui que ton jeu fait peur. Les mercenaires ne font guère mieux, même si eux ils se mettent au moins à couvert.
Et Pour rester sur la question de l'intelligence artificielle, difficile de ne pas parler de celle des alliés qui vous accompagnent. C'est festival avec eux, on admire leur courage quand ils n'hésitent pas à rester bloqués face à une tourelle qui va les truffer de plombs pendant plusieurs minutes (oui, plusieurs minutes), on les contemple tourner en rond d'un bout à l'autre d'un couloir, on les applaudit chaudement quand ils se collent dans notre ligne de mire ou viennent se ficher devant nous pile au moment où on lance une grenade et, enfin, on les félicite quand on découvre que ça fait bien 2 minutes qu'ils essaient de tirer à travers un mur ou sur une caisse. Magistral. Le spectacle profitant de surcroît d'un admirable travail d'animation unissant dans une belle harmonie mouvements saccadés et déplacements en glissades. Pour tout dire, entre l'absence de sensations, l'IA dans les choux et le level design aux fraises, on finit par réaliser que, très souvent, on peut carrément arrêter de perdre son temps à se battre et tout simplement courir jusqu'à la prochaine porte, du moment qu'on n'est pas contraint d'attendre qu'un autre l'ouvre à notre place parce qu'on est trop teubé pour la pirater, c'est un moyen très efficace de mettre fin au combat, personne ne vous suivra. Alors bien sûr, il y a les inévitables phases de défense ou les portes qu'on ne peut pas ouvrir soi-même, mais dans l'ensemble, la méthode fonctionne assez bien. Notez également que, quitte à donner dans le poncif, vous aurez droit au passage durant lequel vous serez dépouillé de vos armes, avec à la clef une phase "d'infiltration" consistant à naviguer entre des automates Xenomorphes aveugles qui se déplacent comme des pièces d'horlogerie. Et vous savez comment on s'en débarrasse de cette nouvelle espèce d'aliens inédite ? En actionnant une pompe dont le bruit va les attirer et les mettre tellement en rogne qu'ils vont exploser. Non, non sérieusement.
Il va sans dire que la réalisation est à l'avenant des qualités générales du titre. Les effets de lumières sont d'un autre âge et mettent en valeur – sur consoles surtout – un aliasing prononcé qui souligne à son tour l'aspect antique des textures et surtout des modèles 3D. Et encore, ça c'est quand on est dans le noir, les passages plus lumineux, comme le labo de la Weyland, vous feront en gros l'effet d'une décharge d'acide dans les yeux. Acide qui, tant qu'on y est, ne vous fait pratiquement aucun effet lorsque vous dessoudez un Xeno de trop près. Ce qui doit bien être une première dans un jeu estampillé Aliens. Le projet Colonial Marines a été annoncé en 2006, et ça se voit, visiblement il n'a pas évolué d'un iota depuis. Pire, il a même probablement régressé, parce que même il y a 4 ans, le jeu n'aurait pas été à la hauteur. Et on terminera avec le solo par une révélation que vous pouvez vous épargner si vous redoutez les spoilers : pendant toutes ces années de développement, personne ne s'est dit que la présence de Hicks, bien vivant et prisonnier de la Weyland sur LV-426 allait poser un très léger problème de cohérence avec les films. Certes, Cameron a peu d'estime pour Alien 3, mais le fait est qu'il existe et même si on s'en tient uniquement à la fin du second film, Hicks n'est plus sur la planète au moment où le jeu prend place, balancer en le justifiant plus que maladroitement, ça sent le fan service de bas étage, limite insultant.
En prime du mode solo, Colonial Marines vous propose également du multi comprenant 4 modes classiques mais dans lesquels vous aurez la possibilité de prendre le contrôle des Xenos. Une expérience assez peu plaisante faute de commandes convaincantes. Amusant mais sans vraiment parvenir à décoller, le multi de Colonial Marines sombrera assez vite dans l'oubli.
- Graphismes9/20
Sorti tout droit d'un autre âge, Aliens : Colonial Marines est... comment dire, moche ? Les effets de lumière sont cradingues, les textures en basse définition, l'animation des personnages est risible de même que leur modélisation. La palme de l'horreur revenant aux cinématiques qui sont tout simplement, il n'y a pas d'autre mot, dégueulasses. Et pour couronner cette tête bien creuse, le jeu est truffé de bugs de collision.
- Jouabilité6/20
Les mécaniques sont d'une pauvreté extrême, voir des ennemis dropper des grosses caisses de munitions qu'on ramasse avec une touche d'action comme on loot dans un RPG est navrant, l'IA est complètement aux fraises, l'architecture des niveaux est une plaisanterie et le spectacle du gameplay suffirait à lui seul à réduire toute forme d'immersion. Note amusante, Colonial Marines possède cette signature caractéristique du FPS médiocre : le shotgun surpuissant qui vaporise toute cible à 500 mètres.
- Durée de vie11/20
Le mode muti ne tiendra pas les joueurs en haleine pendant des lustres et la campagne solo se boucle en 5 à 6 heures. Et pas question d'y revenir une seconde fois.
- Bande son12/20
On retrouve des thèmes musicaux en provenance de la saga, ce qui est forcément une bonne chose, mais cela ne suffit guère à accepter les dialogues navrants et certaines répliques balancées ad nauseam du genre « on n'abandonne pas un marine ». Les effets sonores sont très inégaux, on retrouve les sons émis par certaines armes, mais on découvre que les cris des Xenos ne font aucun effet sur le joueur.
- Scénario5/20
Gearbox prétend proposer une suite à Aliens : Le Retour mais ne se prive pas de caser des incohérences en jouant la carte de la résurrection miracle et en ne cherchant pas à expliquer pourquoi la colonie n'a pas été vaporisée par l'explosion finale du film, voilà donc une suite directe qui ne cadre pas avec l'oeuvre originale qui la précède. Le scénario n'existe de plus pas vraiment, prenant la forme d'une succession de trajets décousus conduisant à une conclusion inexistante. Le travail sur l'ambiance et les personnages est de toute façon bien trop caricatural pour donner autre chose qu'un nanar ludique.
Gearbox peut faire de très bonnes choses. Gearbox a fait Borderlands. Mais il est aussi capable de pondre un véritable navet. Délais et budgets auront du mal à expliquer l'aspect archaïque de ce FPS qui échoue à tous les niveaux : gameplay, ambiance, fan service et respect de la licence. On le rangera dans sa collection personnelle pas loin du DVD de Alien Vs Predator Requiem, et là tout est dit. Même les fans hardcore peineront à trouver un intérêt à la chose.