Blizzard vient d'annoncer Hearthstone, un jeu de cartes en ligne dans l'univers de Warcraft. Vous vous demandez ce qu'un tel concept peut bien avoir dans le ventre ? Ça tombe bien, nous avons pu y jouer quelques heures pour en décortiquer les mécanismes.
Quand Blizzard a annoncé qu'il allait dévoiler un nouveau projet pendant la PAX East, la toile s'est enflammée. Le message précisait qu'il s'agissait d'un « petit quelque chose » qui n'était ni une extension, ni une suite, ni Project Titan. Les hypothèses les plus folles ont alors circulé. La plus probable était que le studio se décide enfin à présenter Blizzard All-Stars, son futur MOBA. Autant dire que l'excitation était à son comble lorsque Rob Pardo (directeur créatif) est monté sur la scène du Naga Theatre ! Il a commencé par faire un bref historique de la compagnie, constatant l'inflation galopante des équipes de développement : 30 personnes pour StarCraft, 40 pour Warcraft III, 60 pour WoW, 75 pour Diablo III... Bref, des projets toujours plus gros – et toujours plus longs à accoucher. Rassurez-vous, Blizzard n'a pas l'intention d'abandonner les jeux de grande envergure. Mais le studio a aussi le désir de revenir à des projets plus petits. D'où la création d'une nouvelle équipe, sobrement baptisée « Team 5 » et composée de 15 personnes seulement. Son premier chantier est Hearthstone : Heroes of Warcraft, un jeu de cartes free-to-play dédié aux duels online. Son annonce a pu surprendre – voire décevoir – certains fans du studio ; ils devraient pourtant laisser une chance au concept, car il est convaincant.
Une partie débute par le choix d'un héros parmi les neuf disponibles. Toutes les classes du World of Warcraft original sont présentes : mage, guerrier, druide, chasseur, paladin, prêtre, voleur, chaman et démoniste. Puis le jeu trouve un adversaire à votre mesure via un système de matchmaking, basé sur votre skill et non sur la puissance de votre deck – il sera aussi possible d'affronter ses amis sur Battle.net. Le jeu procède ensuite à un tirage au sort. Le gagnant joue en premier, l'autre bénéficie d'une carte supplémentaire pour compenser. A ce propos, notez qu'il est possible de changer une ou plusieurs cartes de la main de départ, histoire de ne pas se retrouver avec de grosses cartes impossibles à poser avant le tour 4 ou 5. Une fois ces préparatifs achevés, le match peut commencer. Chacun à son tour, les joueurs lancent des sorts et invoquent des créatures (ici appelées « serviteurs »). Le but est de réduire les points de vie du héros adverse à zéro, sachant que chaque personnage commence avec un total de 30.
Jouer des cartes coûte du mana ; dans ce secteur, Hearthstone est un peu décevant pour les habitués des JCC comme Magic. En effet, la gestion du mana est réduite à sa plus simple expression : les joueurs gagnent un point de mana supplémentaire à chaque tour. Quoi qu'il arrive, une carte avec un coût de 7 pourra être jouée au tour 7. Ça enlève la part d'aléatoire habituellement présente dans le genre, mais c'est aussi ce qui en fait le piquant (« Vais-je enfin piocher le maudit terrain qu'il me manque pour sortir mon gros démon velu ? »). Ce choix est dû au fait que les développeurs ont tout fait pour rendre le jeu accessible. Ainsi, une barre située à gauche de l'écran récapitule les derniers évènements, ce qui s'avère bien pratique. Des messages s'affichent pour expliquer pourquoi tel coup tenté est impossible, tandis que le bouton de fin de tour s'illumine en vert dès qu'il n'y a plus d'action réalisable. Bref, on reconnaît bien la patte de Blizzard, son souci du détail, son désir d'ouverture à tous les joueurs. Et ça marche : sur le stand de l'éditeur, des gens n'ayant jamais touché un JCC parvenaient à dompter Hearthstone en quelques tours de jeu.
On peut alors se poser une question : cette accessibilité n'est-elle pas révélatrice d'un gameplay simpliste ? Difficile de trancher pour l'instant, puisque la démo que nous avons testée ne proposait que les cartes de base, celles que tous les joueurs posséderont en téléchargeant le jeu. Dans cet échantillon, les créatures n'ont pas une grande variété de capacités spéciales. Certaines ont « charge », leur permettant d'attaquer dès le tour où elles sont posées. D'autres ont « provocation », une capacité très précieuse puisqu'elle oblige l'adversaire à cibler lesdites créatures. Sans cela, il est possible d'attaquer directement le héros ennemi en dépit de la horde de serviteurs posée devant lui. On trouve d'autres classiques du genre : des monstres qui font piocher en arrivant sur le champ de bataille, d'autres qui donnent des bonus d'attaque / défense à leurs petits camarades, etc. Les sorts sont à l'avenant. Quant aux héros, ils ont aussi leur rôle à jouer, puisqu'ils peuvent être équipés d'une arme et que chacun dispose d'un pouvoir coûtant 2 points de mana. On retrouve bien l'esprit de World of Warcraft : le chaman pose des totems, le prêtre soigne, le mage envoie des boules de feu, etc. C'est un constat qui peut d'ailleurs être étendu à l'ensemble du jeu : Hearthstone est aussi fidèle à WoW sur les plans visuel et sonore, ce qui n'est pas le moindre de ses atouts.
Au final, les parties sont courtes (10 à 15 minutes) mais s'avèrent tout de même assez tactiques. On a hâte d'essayer le jeu avec les cartes dites « expertes », qui devraient enrichir le gameplay de nouvelles possibilités. Des cartes secrètes pourront ainsi être jouées face cachée et se déclencheront sous certaines conditions – pour contrer un sort, par exemple. Ça compensera le manque de cartes dans le genre des « éphémères » de Magic, qui peuvent être jouées pendant le tour de l'adversaire. Les cartes expertes seront obtenues dans des paquets, les fameux boosters, qu'il sera possible de gagner en cas de duel victorieux. On pourra aussi acheter des boosters ; c'est le modèle économique sur lequel reposera Hearthstone. Le tarif n'est pas encore fixé, mais Rob Pardo a évoqué un prix d'environ un dollar par paquet de 5 cartes (dont au moins une rare, voire une épique ou une légendaire). Notez qu'il existe des versions dorées des cartes, l'équivalent des foil / premium de Magic. Elles sont strictement identiques aux versions normales, excepté sur le plan cosmétique.
Les joueurs de JCC le savent, l'ouverture d'un booster est toujours un grand moment d'excitation. Conscient de cela, Blizzard a mis le paquet sur cette séquence, qui donne lieu à de chouettes effets. C'est toujours sympa. Ce qui l'est un peu moins, en revanche, c'est qu'il ne sera pas possible d'échanger des cartes avec d'autres joueurs. On pourra néanmoins obtenir n'importe quelle carte par le biais d'un système de craft. En désenchantant les cartes expertes, on récupérera de la poussière arcanique, utilisée pour en créer de nouvelles. Evidemment, créer une carte puissante nécessitera une grande quantité de poussière (donc de sacrifices), mais l'idée est appréciable. Un petit tour dans l'outil de création de deck permet ensuite d'ajouter les nouvelles cartes à son jeu. Là encore, Blizzard a pensé aux nouveaux venus avec une fonction de complétion automatique. Un deck est limité à 30 cartes, avec pas plus de 2 exemplaires de chaque carte (un seul pour les légendaires). Les decks peuvent ensuite être testés contre deux niveaux d'IA en mode Entraînement, même si le cœur du jeu reste les duels en ligne. Quant au mode Forge, il demande de construire un jeu en piochant parmi une sélection de cartes imposée.
En plus de la version PC, nous avons également pu essayer le jeu sur iPad ; il s'est révélé identique. La seule interrogation concerne l'intégration de Battle.net à cette version, et donc la possibilité d'affronter les joueurs des autres plates-formes. C'est le souhait de Blizzard, mais il n'est techniquement pas simple à mettre en œuvre. Espérons que le studio y parvienne : ce serait dommage de couper la communauté en deux, et d'obliger les joueurs possédant PC et iPad à jongler entre deux comptes différents. Enfin, signalons que les développeurs ont déjà des plans pour l'avenir de Hearthstone. On peut donc s'attendre à d'autres choses dans le futur, et pas seulement à l'ajout de cartes aux 300 déjà programmées. Nouveaux héros ? Version Android ? Mode asynchrone ? Rien n'est gravé dans le marbre, mais on peut espérer un support « made in Blizzard ». Quand on voit que StarCraft ou Diablo II sont encore régulièrement mis à jour, on se dit qu'Hearthstone est promis à une longue carrière !
Hearthstone est un « petit » jeu, certes, surtout si on le compare aux autres productions de Blizzard. Mais c'est un bon petit jeu, bien huilé et diablement addictif. Reste à tester les cartes expertes pour juger de sa profondeur réelle, donc de son intérêt sur le long terme. Nous ne devrions plus tarder à être fixés, puisque la bêta est prévue pour cet été et la version finale avant la fin de l'année.