Initié avec la sortie de l'incontournable Super Mario RPG il y a maintenant plus de quinze ans, le concept du jeu de rôle à la sauce Mario est désormais devenu un passage obligé des consoles Nintendo. Qu'il s'agisse de la branche des Paper Mario ou de celle des Mario & Luigi, tous ces jeux ont en commun une volonté de transposer l'univers bien connu du plombier dans un RPG drôle et efficace. Une constante que l'on s'attend forcément à retrouver dans ce premier volet développé sur 3DS.
Aux commandes de la série depuis maintenant de nombreuses années, le studio Intelligent Systems à qui l'on doit l'une des références du jeu de rôle tactique sur consoles, à savoir Fire Emblem, s'est remis à l'ouvrage pour nous offrir un nouveau Paper Mario placé sous le signe des stickers. Les amateurs d'albums Panini seront immédiatement interpellés par le fait que l'entièreté du jeu repose sur la notion d'images à collectionner. Car Bowser a encore frappé au royaume Champignon, interrompant la fête des stickers avec toute la finesse qui le caractérise pour éparpiller les fragments de comète et enlever la princesse sous les yeux de l'infortuné Mario. Il vous faudra donc les récupérer de la manière la plus improbable qui soit : en collant des images...
Si Paper Mario : Sticker Star conserve globalement l'idée de combiner plates-formes et combats au tour par tour, il se démarque rapidement des autres volets de la série en mettant au premier plan la notion de stickers. Concrètement, rien dans le jeu ne peut se faire sans recourir à une image symbolisant un objet, un bonus, ou une attaque qui donnera lieu à une action unique, le sticker disparaissant définitivement une fois celui-ci utilisé. Votre âme de collectionneur risque donc d'être irrémédiablement malmenée par la dure réalité du gameplay : le jeu ne nous laisse aucun moyen de conserver nos stickers les plus précieux en réserve, et les pages de l'album sont à ce point limitées qu'on est obligé de sacrifier à peu près tout ce qui nous tombe sous la main. Adieu images brillantes et autres stickers rares occupant plusieurs cases dans l'album ! Après tout, le royaume Champignon regorge aussi d'occasions de s'emparer de nouvelles images, soit en les décollant dans les environnements du jeu, soit en les achetant ou en les trouvant dans des blocs. A l'inverse, tout est prétexte à les utiliser, pas seulement en combat mais aussi pour progresser dans les niveaux où les décors sont en carton pâte et les personnages en papier mâché.
Sur le plan artistique et visuel, Paper Mario : Sticker Star réussit encore une fois à nous charmer dès les premières secondes. Le rendu 3D stéréoscopique accentue d'ailleurs d'autant plus l'efficacité du mariage 2D / 3D, tous les personnages du jeu étant représentés comme s'ils avaient l'épaisseur d'une feuille de papier. Et le soft joue habilement là-dessus en nous opposant par exemple à des ennemis qui n'hésitent pas à se plier littéralement en quatre pour se changer en avion en papier le temps d'une attaque fulgurante ! On va de surprise en surprise et l'humour omniprésent se retrouve aussi bien dans les situations souvent ridicules auxquelles on est confronté qu'à travers les dialogues du jeu. Dès les premières minutes, le ton est donné. Les Toad, premières victimes de la catastrophe, se plaignent, chacun à leur façon, d'avoir été humiliés en étant soit roulés en boule et jetés à la poubelle comme de vulgaires déchets, soit piétinés et battus par le vent comme des vieux chiffons sur un fil à linge. Dommage que cet humour soit limité par le peu de dialogues inclus dans le jeu, l'histoire étant réduite de manière drastique si on la compare à celle, rocambolesque, des autres volets de la série.
Mais les concepteurs ont aussi fait le choix de simplifier considérablement le système de combat, la notion de sticker ne suffisant pas à le rendre aussi riche que celui des opus précédents. C'est bien simple, Mario se retrouve désormais seul en piste, sans aucun compagnon pour venir le soutenir durant les affrontements. Cela limite déjà considérablement les schémas tactiques mais on ne peut pas non plus choisir l'ennemi ciblé. Concrètement, Mario n'attaque que l'adversaire situé en première ligne... à moins d'avoir la chance de pouvoir effectuer deux ou trois actions pendant un tour. Et cette chance ne nous est offerte qu'à la condition de s'essayer à la roulette pour obtenir le jackpot moyennant quelques pièces. Deux symboles identiques permettent ainsi d'enchaîner deux attaques, la première sur l'ennemi le plus proche, la seconde sur le suivant, et trois symboles permettent d'en exécuter une de plus, avec en prime un bonus correspondant au symbole sorti. Autant dire que la part de chance a un impact un peu trop grand sur le déroulement des combats, à moins de dilapider tout son argent pour ralentir au maximum la roulette. Ajoutez à cela le fait que les maigres pièces obtenues en récompense à l'issue des batailles ne compensent pas vraiment la perte des stickers utilisés durant toute la durée du combat, et vous comprendrez qu'on est vite tenté d'éviter autant que possible de chercher des noises aux ennemis. Sans compter que Mario ne gagne plus d'XP dans cet épisode, sa jauge de vie ne pouvant être augmentée que via l'acquisition de Coeurs PV+ bien cachés.
Heureusement, le level design savoureux des niveaux rattrape un peu cet écueil, les stickers pouvant également servir à résoudre différentes énigmes si on les colle à des endroits précis dans les environnements du jeu. Il faut pour cela passer en mode « papiérisation » et déceler les emplacements destinés aux stickers et invisibles à l'oeil nu. C'est aussi là qu'interviennent les fameux « Trucs », nom donné à des stickers rares prenant souvent une place phénoménale dans l'album et représentant des objets insolites comme une canette de soda, un aspirateur ou un ventilateur. A vous de deviner quelle sera leur utilité et surtout à quel moment vous risquez d'en avoir besoin. Car compte tenu de la place qu'ils occupent dans les pages de l'album, il est impossible de tous les emporter en même temps, et on se retrouve souvent bloqué parce qu'on n'a pas le bon Truc sur soi ou parce qu'on ne sait pas à quel endroit il faut papiériser. C'est encore plus frustrant contre les boss, car les Trucs sont souvent le meilleur moyen d'en venir à bout mais encore faut-il deviner quel Truc sera en mesure d'exploiter leur point faible, et ce n'est qu'en les utilisant au hasard qu'on finit par trouver la meilleure solution. D'une manière générale, il n'est pas rare de se retrouver bloqué dans Paper Mario : Sticker Star, et on peste régulièrement contre la place honteusement réduite qui nous est allouée pour stocker nos images et contre l'inutilité des combats où l'on a plus à perdre qu'à gagner. A l'inverse, le jeu comporte énormément de secrets à découvrir et, une fois les contraintes acceptées, on ne peut qu'apprécier les subtilités de certaines énigmes et le renouvellement des situations proposées. Paper Mario : Sticker Star nous laisse donc une impression mitigée, mais s'il n'est pas le meilleur des volets de la série il compte malgré tout parmi les titres les plus attractifs de la 3DS.
- Graphismes16/20
Le mélange 2D / 3D se révèle franchement efficace et se prête parfaitement à la réalisation des décors en carton où la notion de pliage est omniprésente.
- Jouabilité14/20
L'absence d'alliés jouables en combat et le manque de possibilités offertes par les stickers rendent les affrontements d'autant moins intéressants qu'ils ne nous rapportent pas d'XP. On préfère donc les éviter autant que possible.
- Durée de vie17/20
La durée de vie est franchement raisonnable car l'aventure comporte six mondes à explorer et il faut faire preuve d'astuce pour ne pas se retrouver bloqué. Le titre renferme une multitude de secrets qui relancent encore son intérêt.
- Bande son15/20
Les musiques aux accents jazzy qui accompagnent le nouveau périple de Mario sont sympathiques mais l'ambiance reste moins fun que celle des autres volets de la série.
- Scénario13/20
L'aspect narratif est vraiment trop peu développé, et c'est d'autant plus regrettable que les dialogues sont souvent excellents car chargés d'humour.
Si l'on ne peut pas reprocher à Paper Mario : Sticker Star de tenter de renouveler le gameplay de la série en introduisant avec plus ou moins de réussite la notion de stickers, on regrette amèrement que les concepteurs aient jugé bon de simplifier autant le système de jeu. La progression reste intéressante car truffée de secrets à découvrir, mais les combats sont aussi frustrants qu'inutiles et nous font regretter ceux des volets précédents. Le soft reste néanmoins à faire si vous aimez la série, mais on espère que le prochain opus se montrera plus ambitieux.