Après 3 ans de développement et deux épisodes que l'on pourrait qualifier de mises en bouche, ça y est, Assassin's Creed III est enfin là ! Celui-ci aura toutefois fort à faire pour combler les attentes colossales des fans et se montrer digne d'une série tout simplement époustouflante. Il lui faudra aussi imposer un nouveau héros et offrir un final en apothéose aux aventures de Desmond. Bref, la tâche s'annonce ardue.
Avant toute chose, méfiez-vous, ce test peut spoiler très légèrement. Ceci étant, comme on le sait déjà, l'aventure contée dans Assassin's Creed III prend pour base les théories mayas sur la fin du monde et la date fatidique du 21 décembre 2012. On oublie toutefois un peu le satellite que devaient lancer les templiers dans le premier opus, puisque ce sont ici des éruptions solaires et volcaniques qui sont craintes. Il incombe par conséquent à Desmond de sauver l'humanité, tâche qui le mène dans un premier temps vers un temple secret créé par la première civilisation. La pomme d'Eden ne s'avère malheureusement pas suffisante pour pénétrer au cœur de ce lieu et il convient dès lors de s'atteler à la recherche de nouveaux artefacts. Mais lesquels ? Eh bien la question ne reste pas bien longtemps en suspens, puisque le temple entame vite la conversation et nous envoie glaner des informations en Angleterre, au XVIIIème siècle. Afin de ne pas rompre la liaison, nos amis n'ont alors d'autre choix que de nous placer dans le fameux Animus et c'est dans ces circonstances un peu surréalistes que débute réellement l'aventure.
A ce stade, vous avez certainement été interpellé par la mention de l'Angleterre. C'est pourtant bien dans le pays de Shakespeare que tout commence, à travers les yeux d'un certain Haytham. On comprend rapidement que celui-ci recherche la même chose que nous. Après une brève initiation à l'escalade dans un opéra londonien, celui-ci prend la direction des Etats-Unis et de Boston. Une traversée qui fait office de tutoriel de luxe débute alors et on découvre une ambiance tout simplement exceptionnelle. Que ce soit en soute ou sur le pont, tout le monde s'anime, les marins chantent, vomissent ou crient après une amputation à vif et on se délecte à chaque instant de cette atmosphère ô combien immersive et crédible. Ajoutez à cela une mutinerie latente, des échauffourées permettant de se familiariser avec le combat à mains nues, la possibilité de participer à quelques jeux de hasard et vous tenez là un voyage tout simplement mémorable. L'arrivée à Boston n'est d'ailleurs pas en reste, puisqu'on y découvre des ruelles crasseuses envahies par des cochons, rats et autres chiens, des voleurs qui s'en prennent aux passants, des gardes anglais qui cherchent à imposer des taxes très lourdes, etc. Bref, il semble d'emblée clair qu'Ubisoft a soigné son sujet et a consenti un effort largement supérieur à celui produit ces dernières années.
Après quelques séquences avec le surprenant Haytham et plusieurs heures de jeu, on découvre enfin le vrai héros de l'aventure : Ratohnhaketon ou plus simplement Connor Kenway. Un monde totalement différent s'offre alors au joueur qui découvre un petit village indien plongé au cœur d'une forêt gigantesque et pleine de mystères. Le dépaysement est à nouveau assuré et on se délecte de chaque paysage, de chaque son et de chaque détail, communiant quasiment avec la nature. On profite en outre des connaissances et capacités de Connor qui agit ici comme un poisson dans l'eau, sautant d'arbre en arbre et virevoltant dans tous les sens. Le parkour a ainsi été nettement amélioré et les déplacements se montrent désormais à la fois beaucoup plus fluides et moins frustrants. On apprécie notamment la propension de notre héros à éviter les obstacles lors d'une course libre (le seul type de course désormais disponible) ou à utiliser certaines branches en V pour atteindre les cimes. Les déplacements dans la neige sont également très soignés, que ce soit à pied ou à cheval. Ces derniers effectuent en effet leur grand retour, ce qui n'est pas pour nous déplaire, un Assassin's Creed sans montures n'étant pas vraiment un Assassin's Creed. Enfin, au rayon des nouveautés, nous évoquerons uniquement la refonte des déplacements rapides qui sont désormais accessibles très rapidement depuis la map générale.
L'histoire de Connor s'avère quant à elle passionnante à bien des égards. Cela tient notamment à une gestion du rythme tout simplement magistrale. On prend le temps de bien nous présenter les personnages et enjeux, de nous plonger dans la peau de ce nouveau héros et de nous faire partager sa vision du monde. Il faut ainsi attendre la fin de la 5ème séquence (sur 12) pour commencer l'entraînement d'assassin et revêtir les fameuses lames secrètes. A l'instar du second opus, l'accent n'est donc pas mis sur l'action à outrance, mais bien sur la présentation d'un destin personnel singulier et passionnant. Ainsi, après quelques heures en compagnie de Connor, on oublie le pourtant très charismatique Ezio Auditore pour découvrir un personnage tout en nuances, parfois extrêmement naïf, parfois très agressif, voire même violent. Celui-ci assiste alors à une guerre qui le dépasse et peine à choisir franchement son camp. On est donc très loin du manifeste pro-américain que l'on pouvait craindre, les Pères fondateurs étant décrits comme esclavagistes, sexistes et même racistes. Cela risque de faire grincer quelques dents outre-Atlantique, mais de notre côté, on apprécie cette critique acerbe, mais juste, de la société américaine de l'époque.
Mais puisqu'il s'agit bien d'un Assassin's Creed, vous vous doutez qu'à un moment donné il vous faudra délaisser le ramassage de plumes, les missions d'infiltration et l'espionnage pour prendre franchement les armes. Vous découvrirez dès lors un système de combat complètement remanié et largement amélioré. Les temps morts ont ainsi été nettement réduits, notamment grâce à une attitude de l'IA beaucoup plus agressive. Il n'est ainsi pas rare que deux voire trois gardes passent à l'attaque au même moment ou s'en prennent à vous par derrière. Achever un ennemi donné s'avère par conséquent plutôt risqué dans la mesure où c'est souvent le moment précis que choisit l'IA pour attaquer. Le plaisir est en outre décuplé grâce à l'aspect extrêmement brutal de Connor, l'utilisation assez jouissive du tomahawk et la multitude de nouvelles animations au programme. La frustration est également moins présente dans la mesure où le système de verrouillage strict a disparu et qu'il est désormais possible de changer de cible facilement ou de s'enfuir sans contrainte. Comme d'habitude, la difficulté n'est pas forcément au rendez-vous puisqu'il suffit souvent de soigner le timing de sa contre-attaque pour l'emporter, mais le plaisir est bien là.
Ubisoft a également accordé une attention toute particulière aux quêtes secondaires. Cela passe dans un premier temps par des séances de chasse plutôt travaillées. Fidèle à ses racines, Connor aime ainsi passer du temps à traquer des proies, à poser des pièges, à chercher des pistes, à lancer des appâts et à attendre sagement dans un arbre pour fondre sur un spécimen farouche. Certains joueurs pourront alors s'attacher à découvrir les nombreuses espèces de la forêt en chassant des animaux allant du lapin à l'élan en passant par le castor et le renard. Mais attention, il vous faudra tuer avec les méthodes ancestrales (comprenez ici sans fusil), sans quoi vous perdriez des ressources précieuses comme la peau. Mais à quoi tout ceci peut bien servir ? Eh bien sachez qu'une fois que vous posséderez votre domaine, vous aurez accès à un système de craft permettant de confectionner de nouveaux vêtements par exemple. Il vous faudra au préalable remplir quelques missions afin de vous octroyer le service d'artisans qualifiés, de bûcherons, d'agriculteurs, etc. Au final, vous disposerez d'une véritable communauté et pourrez monter un empire commercial en exportant vos productions, confections et produits de chasse.
Mais les missions annexes les plus passionnantes sont sans aucun doute les batailles navales. On le sait, Ubisoft a un temps pensé à en faire un jeu à part entière et il faut avouer que celui-ci n'aurait clairement pas démérité. En effet, de temps à autre, Connor peut se changer en capitaine et prendre la barre d'un véritable navire de guerre. Si la campagne principale comprend quelques exemples, c'est bien la trame annexe dédiée qui impressionne. Le joueur peut ainsi y vivre des batailles épiques et diriger librement son navire tout en prenant en compte le sens du vent et le déploiement de la voilure. Il est fortement déconseillé de naviguer contre le vent ou proche d'un obstacle toutes voiles dehors. En parallèle, il convient de donner le signal pour lancer une salve de tirs de canon (avec des boulets classiques ou chaînés pour briser un mât et ainsi immobiliser un navire ennemi) ou d'ordonner à l'équipage de se cacher lorsqu'une vague trop importante ou de la mitraille arrive. Tout ceci est animé à la perfection et il est par exemple extrêmement jouissif de voir un marin grimper au mât pour déployer les voiles. Les courses-poursuites et la traque des navires ennemis s'avèrent par conséquent passionnantes et sont assurément un gros point fort du jeu.
A côté de cela, le destin de Desmond et de l'humanité pourrait passer au second plan. Il n'en est fort heureusement rien. On note l'arrivée d'une multitude de phases dédiées à celui qui est censé être le véritable héros de la saga. Ainsi sur les 20-25 heures nécessaires pour compléter l'histoire en ligne droite et en utilisant les déplacements rapides, au moins 5 sont entièrement dédiées à Desmond. Ces passages sont pour la plupart des phases de plates-formes typiques de la série, mais cette fois-ci situées dans un univers urbain et actuel. On a également droit à de l'infiltration voire même à de l'action et du combat dans des lieux assez sympathiques susceptibles de séduire les fans de la série. Malheureusement, la fin de l'aventure pourra décevoir quelque peu. On laisse ainsi miroiter un choix crucial quand Desmond prend la parole et affirme s'être décidé. Cela est d'autant plus problématique que les conséquences de cet acte sont lourdes. Il paraît clair que le but est d'introduire un nouvel épisode, ce qui n'est pas nécessairement de très bon goût. Certains joueurs seront donc probablement déçus et un syndrome Mass Effect 3 n'est pas à exclure.
Enfin, comment parler d'Assassin's Creed III sans évoquer les possibilités multijoueurs. Ainsi, depuis Brotherhood, le multi est au cœur du jeu et permet d'en apprendre davantage sur le contexte si particulier de la série. Ce troisième opus ne déroge évidemment pas à la règle et reprend dans les grandes lignes ce qui a marché jusqu'à présent. Mise à part l'arrivée d'une monnaie alternative de mauvais goût, à acheter avec de l'argent réel, on retrouve donc les modes de jeu traditionnels auxquels s'ajoutent deux petits nouveaux. Le premier est nommé Domination et oppose deux équipes de 4 joueurs. Le but est ici de capturer 3 zones données de la map puis de les défendre en éliminant tout ennemi trop insistant. Les choses se corsent cependant rapidement, puisque les cartes sont divisées en deux : une partie dans laquelle on est la cible et une autre dans laquelle on est le chasseur. Autant le dire tout de suite, ce découpage ne nous a pas franchement emballés, notamment lorsqu'un joueur décide de camper sur son territoire en étant chasseur. En effet, s'il est possible de l'humilier discrètement, celui-ci reviendra à lui avant la capture de la zone et pourra se venger très facilement. Seule une vraie stratégie d'équipe peut venir à bout de ce comportement, ce qui n'est pas souvent le cas dans les joutes en ligne.
Le mode Meute s'avère plutôt sympathique. Le but est de coopérer avec 3 autres joueurs afin d'éliminer un maximum d'ennemis avant la fin d'un compte à rebours. Ce faisant, vous obtiendrez du temps supplémentaire permettant de passer les niveaux et ainsi remporter le challenge. Il faut toutefois être prudent puisque les ennemis disposent de compétences propres et certains peuvent donner l'alerte quand d'autres se montrent très méfiants. Mais le réel intérêt de ce mode est de réaliser des assassinats coordonnés. Il faut ainsi indiquer sa cible à ses coéquipiers puis la suivre jusqu'à ce que chacun soit en mesure de porter une attaque. Tous lancent alors l'assaut en même temps et décrochent un nombre de points colossal. Cela maximise les chances de victoire et offre à ce mode Meute un intérêt non négligeable et une vraie originalité. On en revient toujours au même : il est important de jouer avec les bonnes personnes. Néanmoins, à lui seul, ce mode apporte une plus-value certaine au multijoueur et complète idéalement un jeu qui peut aisément prétendre au titre de meilleur Assassin's Creed.
Test réalisé sur la version 1.01.
- Graphismes16/20
Les artistes d'Ubisoft ont une nouvelle fois fait des merveilles avec Assassin's Creed III et nous offrent des plans d'une rare beauté, que ce soit à Boston, New York ou au plus profond de la forêt. Tout ceci s'avère en outre extrêmement vivant grâce à une foultitude de détails. Ceci étant, de nombreux bugs sont à déplorer, même sur cette version PC (qui n'en reste pas moins un poil plus fine que ses homologues consoles), et le clipping est toujours bien présent. Notons qu'il faut également disposer d'une machine assez performante pour profiter de tout ceci.
- Jouabilité18/20
Après quelques heures de jeu, il paraît évident qu'Assassin's Creed III a bénéficié d'un temps de développement largement supérieur à celui de ses prédécesseurs. Tous les aspects du gameplay ont ainsi été améliorés, à commencer par le comportement de l'IA lors des combats et le parkour. Ajoutez à cela le retour du cheval et des joutes navales tout simplement exceptionnelles, des batailles de grande ampleur et vous l'aurez compris, AC III a plus à proposer qu'une lame crochet et des tyroliennes.
- Durée de vie17/20
Assassin's Creed III propose une durée de vie équivalente à celle des opus précédents, ce qui est évidemment très correct venant d'un jeu d'action. Comptez environ 20-25 heures pour compléter l'histoire principale en ligne droite et quasiment le double si vous souhaitez terminer le jeu à 100%. Ajoutez alors à cela deux modes multijoueurs supplémentaires et vous tenez là de quoi vous occuper un bon moment.
- Bande son17/20
Bénéficiant d'un doublage français de qualité, de bruitages extrêmement immersifs et de thèmes à la fois variés et magnifiquement orchestrés, Assassin's Creed III n'a pas grand-chose à se reprocher à ce niveau.
- Scénario18/20
Assassin's Creed III séduit là où son prédécesseur pêchait en proposant des révélations à la pelle et une partie historique extrêmement bien rythmée et scénarisée. On découvre alors un héros passionnant submergé par une guerre qui le dépasse et un contexte post-colonialiste malsain. Même les intouchables Pères fondateurs sont largement décriés et les clichés sont pour la plupart évités. Seule une fin un peu décevante n'ayant pour seul but que d'introduire un nouvel épisode fait tache.
Ubisoft a manifestement consenti plus d'efforts sur Assassin's Creed III que sur ses prédécesseurs et nous sort un épisode qui est sans doute le plus abouti de la série. Bénéficiant d'une IA plus crédible, d'une trame scénaristique soignée, de personnages complexes et travaillés, d'un contexte historique passionnant et d'une pléthore d'activités annexes, celui-ci devrait rapidement s'imposer dans le cœur des fans comme un véritable must-have.