Surtout connu pour ses FPS exigeants, Bohemia change quelque peu de registre et sort Carrier Command : Gaea Mission. Sur fond d'hommage à un titre culte de la fin des années 80, celui-ci entend mêler stratégie, gestion, action, voire même FPS. Une association pour le moins osée qui devrait toutefois titiller la curiosité des joueurs.
Comme le laisse penser le sous-titre Gaea Mission, ce nouveau Carrier Command se déroule dans l'univers de science-fiction Gaea créé par l'écrivain John Varley. Contraints de fuir la Terre, les membres de l'UEC (Coalition Terrestre) se retrouvent ainsi sur une mystérieuse planète nommée Taurus. Celle-ci semble malheureusement aux mains des vils APA (Asian Pacific Alliance) puisque des canons antiaériens commencent à faire feu, anéantissant le vaisseau de notre héros. Le joueur se retrouve donc au sol, en vue à la première personne et doit progresser dans un monde hostile en éliminant quelques ennemis au passage. Connaissant l'expérience de Bohemia en matière de FPS, on ne pourra malheureusement qu'être déçu après ces premières minutes. En effet, la seule arme à disposition est relativement imprécise et pas spécialement agréable à manier. De même, il est impossible de sauter, ce qui contraint à suivre des couloirs tracés par des pneus infranchissables ou autres pierres. Et attention, si par malheur vous parveniez à trouver une faille, vous seriez foudroyé sur place et obligé de reprendre l'aventure au dernier point de sauvegarde. On remarque en outre quelques écueils, comme par exemple, une IA capable de tirer à travers les murs et le sol, des murs invisibles, voire même des escaliers impossibles à descendre sans subir des dégâts normalement réservés aux chutes. On verra par la suite que l'intérêt du titre n'est pas là, mais à ce stade, on en attendait clairement davantage.
On se retrouve heureusement vite aux commandes d'un véhicule nommé Walrus, sorte de char amphibie. Celui-ci fournit enfin une véritable force de frappe, et permet de prendre possession d'une première île ainsi que d'un Carrier, vaste porte-avion faisant office de base mobile. Il devient dès lors possible de visiter un archipel composé de plus de 30 îles qu'il vous faudra infiltrer et conquérir une à une. On découvre ainsi une progression qui sera la même tout au long du jeu : le but est à chaque fois d'atteindre et pirater le Centre de Commandement ennemi en détruisant au préalable un éventuel pare-feu, générateur de bouclier, radar, etc. Chaque île ainsi obtenue est alors rajoutée à votre empire et peut être spécialisée selon 3 fonctions distinctes. Les exploitations minières vous octroient de précieuses ressources, les usines fournissent une force industrielle et les îles défensives servent de barrière à l'invasion ennemie. Il vous faudra également définir une réserve qui recevra toutes vos commandes et sera donc d'une importance capitale. Notons que toutes ces îles sont reliées entre elles par des fuseaux sans lesquels aucune production n'est possible. En d'autres termes, si une usine ou une mine n'est plus reliée à la réserve, celle-ci devient inutilisable. Il convient alors de protéger efficacement chaque nœud et de trouver un bon équilibre entre les différentes spécialisations. Cela donne un aspect wargame plutôt sympathique au titre.
Lorsque vous aurez collecté assez de ressources, vous pourrez enfin créer de nouveaux Walrus, mais également des Mantas (avions) et toutes sortes d'améliorations allant du blindage avancé au lance-missiles en passant par un rayon réparateur, un laser, des modules de piratage, des boucliers, etc. Vous pourrez dès lors spécialiser vos appareils afin de créer une armée homogène et complémentaire, capable de s'adapter aux défenses proposées par l'ennemi. Mais attention, un blindage imposant ralentira vos appareils et sera susceptible de les perturber dans des zones marécageuses par exemple. Il faudra donc bien réfléchir avant d'équiper ses troupes, mais également avoir au préalable trouvé des plans dans les laboratoires présents sur quelques îles. Notons que le Carrier peut également être amélioré puisqu'il est par exemple possible de lui greffer des mitraillettes, des missiles antiaériens, un lance-obus capable de ravager la côte, un drone de reconnaissance, et même un missile Hammerhead doté d'une longue portée qui pourra être utile pour détruire instantanément un Centre de Commandement. Les possibilités paraissent donc plutôt conséquentes, ce qui augure des batailles stratégiques et intenses.
Ceci étant, si sur le papier cette recette paraît alléchante, dans les faits, l'action n'est pas aussi agréable que prévu. En effet, pour gérer le nombre croissant d'unités, il est conseillé de quitter le poste de pilotage du Walrus ou du Manta pour se concentrer sur une carte stratégique. Celle-ci permet de visualiser en un instant tous les points clés du champ de bataille et de diriger plusieurs appareils en même temps en fixant, à la manière d'un STR, des cibles et des points de passage. Cependant, le pathfinding est tout simplement catastrophique, et il y a dans ces conditions une chance sur deux pour retrouver un Walrus bloqué contre un arbre et un autre retourné telle une tortue. De même, ordonner à plusieurs véhicules de faire la même action est souvent préjudiciable, dans la mesure où ceux-ci passeront leur temps à se rentrer dedans, perdant ainsi de la vie et un temps précieux. Cela est particulièrement marquant lorsque plusieurs tanks cherchent à se ravitailler en munitions ou en carburant en même temps. Le premier servi reste en effet systématiquement dans le passage tandis que les autres cherchent à le pousser. Il est dès lors obligatoire de prendre le contrôle manuel, ce qui n'est guère plus satisfaisant. Ainsi, bien qu'il soit possible de définir le comportement de ses alliés (assistance, agressif, défensif, repli, etc.), la pauvreté de l'IA contraint à attendre en permanence pour ne pas se retrouver seul face à l'ennemi. Deux choix sont alors possibles : mourir ou attendre qu'un collègue stupide fasse quatre fois demi-tour au milieu de la route.
Bref, malgré un concept accrocheur, ce Carrier Command : Gaea Mission est clairement sorti trop tôt. Ainsi, outre l'indigence de l'IA, de nombreux bugs graphiques et ralentissements ont perturbé notre test. Un freeze n'est pas non plus à exclure, ce qui n'est jamais très agréable. Quelques mises à jour viendront probablement corriger ces problèmes, mais pour l'heure, le constat n'est clairement pas satisfaisant. Il aurait également été de bon ton que des modes de jeu supplémentaires soient proposés. Dans l'état actuel des choses, seule une campagne plutôt longue, mais un poil répétitive ainsi qu'un mode escarmouche dont la seule originalité est de ne pas contenir de phases de FPS sont au programme. Si cela confère déjà une durée de vie conséquente au titre, on aurait évidemment aimé que quelques modes multijoueurs soient également implémentés. Ajoutez alors à cela une interface certes prévue pour les consoles, mais pas forcément adaptée au genre, et vous tenez là un titre au potentiel immense, mais qui peine à convaincre. Dommage.
- Graphismes12/20
Carrier Command : Gaea Mission est assez inégal visuellement parlant. En effet, si les effets lumineux sont plutôt réussis, certaines textures font un peu tâche. Les environnements, bien que variés, ne sont également pas toujours très inspirés. Ce sont toutefois les nombreux bugs qui posent problème ici.
- Jouabilité12/20
Plutôt profond sur le papier et bénéficiant d'un mélange bien pensé entre stratégie et action, ce remake de Carrier Command avait tout pour séduire. Cependant, une IA catastrophique et un pathfinding tout simplement affligeant ternissent considérablement l'expérience. Notons que les phases de FPS sont quant à elles complètement ratées.
- Durée de vie16/20
Bénéficiant d'une campagne très longue, Carrier Command : Gaea Mission a de quoi occuper les fans du genre durant de très nombreuses heures. L'absence de modes multijoueurs pose toutefois problème.
- Bande son16/20
Les bruitages sont très réussis et les compositions plutôt inspirées. Ces dernières sont néanmoins souvent hors sujet, puisqu'il sera par exemple possible qu'un air particulièrement épique accompagne un passage dans les menus.
- Scénario/
Doté d'un concept accrocheur et bien pensé, ce Carrier Command : Gaea Mission avait tout pour séduire. Cependant, Bohemia pêche clairement sur les finitions et nous sort un jeu doté d'un pathfinding catastrophique, d'une IA à la ramasse et bourré de bugs. Le plaisir de jeu est évidemment impacté et l'expérience est au final mi-figue, mi-raisin. Quel gâchis !