Après deux épisodes DS convaincants et un volet PSP carrément exceptionnel, la série Kingdom Hearts a prouvé qu'elle avait les moyens de satisfaire ses fans même sur consoles portables. Premier opus conçu pour la 3DS, Dream Drop Distance révèle, sur la durée, une efficacité qui dépasse de loin nos attentes, se hissant quasiment à la hauteur du très acclamé Birth by Sleep !
Trop nombreux sont les RPG à exiger des joueurs une patience à toute épreuve, n'affichant leur réel potentiel qu'après de longues heures de jeu, et Kingdom Hearts 3D : Dream Drop Distance en fait malheureusement partie. La découverte des nouvelles routines de gameplay dans les ruelles insipides de la Ville de Traverse ne laisse en rien entrevoir l'énorme richesse du soft qui, au fil des heures, n'aura de cesse de nous enthousiasmer davantage. Précipités dans des mondes endormis peuplés de nouvelles créatures baptisées les Avale-Rêves, Sora et Riku se passeront la main tout au long de cette aventure qui les amènera à coopérer avec des Esprits bienveillants pour vaincre les Cauchemars dévoreurs de songes. Une façon pour maître Yen Sid de tester la valeur des deux garçons en leur faisant passer l'examen du Symbole de Maîtrise, prouvant qu'ils méritent le titre de maîtres de la Keyblade.
Non content de tirer définitivement un trait sur les personnages issus de la saga Final Fantasy qui laissent ici leur place à ceux du jeu The World Ends With You, le monde de la Ville de Traverse ne surprend aucunement, se contentant de nous inculquer les bases du gameplay dans un environnement déjà vu et revu. Les deux héros ne possèdent encore que très peu de techniques de combat et les premiers Esprits qui se battent à nos côtés ne se montreront attachants qu'une fois qu'on aura commencé à développer leurs capacités. Les premières heures de jeu sont donc loin d'être palpitantes, l'histoire n'ayant pas non plus eu le temps de se mettre en route, et l'on avance presque machinalement avec le sentiment que le soft ne réussira guère à nous surprendre. Les trois mondes suivants placent toutefois la barre plus haut en proposant une réelle diversité dans la manière d'exploiter la notion d'altération du réel, propre à cet épisode. Il s'agit concrètement d'interactions avec le décor ou avec les ennemis, mettant à contribution l'écran tactile pour déclencher des phénomènes spécifiques à chaque nouveau monde visité. On pourra ainsi se propulser telle une catapulte dans les tonneaux de la Ville de Traverse, survoler à toute vitesse la Cité des Cloches inspirée du Bossu de Notre-Dame, pirater les systèmes informatiques de la Grille de Tron l'Héritage, ou encore bombarder ses adversaires à l'aide de bulles dans les eaux de la baleine Monstro (Pinocchio).
Ce quatrième monde, baptisé le Paradis des Garnements, est d'ailleurs l'exemple parfait de l'environnement capable d'offrir deux points de vue radicalement différents selon que l'on incarne Riku ou Sora, ce dernier passant l'essentiel de son temps sur l'île aux plaisirs pendant que Riku explore le ventre de la baleine. D'une manière générale, les parcours des deux héros se renouvellent suffisamment pour éviter de nous donner l'impression de faire deux fois la même chose, les boss étant eux aussi bien distincts. Après une quinzaine d'heures de jeu, la richesse du gameplay prend toute sa dimension et ce sont bel et bien les trois mondes suivants qui nous en donnent conscience. Le Pays des Mousquetaires, inspiré d'un film dans lequel Mickey, Donald et Dingo revisitent l'oeuvre d'Alexandre Dumas pour déjouer les plans de Pat Hibulaire et des Rapetou, se révèle délectable, l'altération du réel prenant la forme de bandes dessinées interactives permettant d'éjecter avec humour les Avale-Rêves les plus collants. L'apothéose arrive juste après avec l'un des mondes les plus envoûtants jamais vus dans la série, la Symphonie du Sorcier, qui reprend les différents tableaux de Fantasia pour nous entraîner dans une succession d'univers sans cesse renouvelés. Avec en toile de fond la thématique de l'apprenti-sorcier, ce monde profite en plus d'une bande-son formidable composée d'un medley des plus grands thèmes classiques autour desquels s'architecture le long-métrage, et notamment ceux du Casse-Noisette de Tchaïkovski. L'altération du réel se fait elle aussi musicale, nous demandant de suivre des notes en rythme pour générer de véritables feux d'artifice de couleurs. Quant au monde qui lui succède, on ne vous en dira rien pour vous en laisser la surprise.
Que l'on contrôle Sora ou Riku, chaque entrée dans un monde endormi s'effectue par le biais d'une chute vertigineuse dans le vide, qui implique la validation d'un objectif bien défini. On pourra aussi bien nous demander de vaincre un boss en jouant sur les esquives et les contre-attaques, que d'aller chercher un maximum de bonus en temps limité ou de vaincre suffisamment d'ennemis pour franchir le portail d'arrivée. Ces phases de shoot remplacent les habituels trajets à bord du vaisseau Gummi et se montrent plutôt sympathiques. Elles font partie des innombrables défis que l'on peut refaire autant de fois qu'on le souhaite dans une optique de scoring ou dans le but d'empocher diverses récompenses. Quant au passage obligatoire d'un héros à un autre qui survient au bout d'un intervalle de temps donné, il se révèle à double-tranchant et ne convaincra pas tous les joueurs. Car s'il est possible de le contourner en provoquant manuellement le relais entre Sora et Riku, on ne peut pas l'empêcher complètement mais seulement le retarder pour éviter qu'il ne survienne en plein milieu d'un affrontement contre un boss. Concrètement, les deux garçons plongent dans une sorte de léthargie au bout d'un laps de temps, passant la main à l'autre héros quel que soit l'endroit où il se trouve. L'idée a tout de même le mérite de nous obliger à changer régulièrement de personnage, plutôt que de visiter chaque monde d'une seule traite avec l'un puis avec l'autre. Il faut de toute façon découvrir le fin mot de l'histoire avec les deux personnages pour avoir une vision complète des événements et débloquer l'accès au monde suivant.
La notion d'Esprits alliés s'avère en revanche plus convaincante sur la durée, car elle est véritablement au cœur de l'évolution des personnages. Dans cet épisode, ce sont les talents propres à chaque créature qui se transmettent à Sora et Riku pour leur permettre d'acquérir de nouvelles techniques. Il est donc essentiel de renouveler régulièrement ses alliés pour débloquer la majorité des sorts et des techniques d'attaque qui viendront agrémenter votre jeu. L'écran des fusions de compétences, différent pour chaque Esprit, dissimule d'ailleurs des ramifications cachées qui n'apparaissent que lorsque votre amitié avec celui-ci est renforcée. Il existe de nombreux moyens de la développer, comme le fait de se battre à leurs côtés, de les grattouiller via l'écran tactile, de leur donner des friandises, ou de les faire jouer via trois mini-jeux mettant à contribution le stylet. Qui plus est, le fait de s'entourer d'Esprits permet de déclencher des pouvoirs spéciaux souvent dévastateurs avec une ou deux créatures à la fois. La recherche de formules autorisant la création de nouveaux Esprits constitue donc une préoccupation importante pour le joueur qui n'aura de cesse d'essayer d'enrichir ses relations avec ses alliés pour en extirper toutes les facultés.
Les nouveautés étant finalement légion dans Kingdom Hearts 3D : Dream Drop Distance, il nous reste encore deux éléments de taille à évoquer. Le principal n'est autre que la notion de fluidité sans laquelle le gameplay de cet opus perdrait une immense partie de son efficacité. Elle se traduit par la possibilité de prendre appui sur l'environnement pour se projeter comme un beau diable sur ses adversaires. Cela permet non seulement d'évoluer comme une flèche dans les niveaux mais surtout de prendre de vitesse ses adversaires en tournoyant dans tous les sens pour les piéger. On peut ainsi saisir des poteaux ou des barres fixes pour virevolter dans les airs, glisser sur tout ce qui peut faire office de rampe ou simplement rebondir à volonté sur les murs pour se précipiter violemment sur un groupe d'ennemis. La fluidité constitue clairement l'élément clé du gameplay de cet opus, et les joueurs risquent d'avoir bien du mal à s'en passer par la suite, si les prochains opus ne la reprennent pas. Sans compter qu'elle résout efficacement les problèmes de caméra en nous envoyant directement sur la cible sans qu'il soit besoin de l'avoir en visuel, le radar étant tout de même là pour nous permettre de garder un œil sur la position des ennemis.
Enfin, la dernière nouveauté réside dans l'introduction de portails que l'on peut dénicher dans les environnements pour tenter de relever des défis portant le nom des grandes figures de la saga Final Fantasy. Généralement, il s'agit de créatures ennemies à vaincre dans des conditions données, ou encore d'Esprits à emprunter, les portails pouvant être échangés par le biais du StreetPass. Le jeu en local permet aussi de défier d'autres joueurs dans des parties de Combat Effréné, un mode dans lequel on s'affronte par créatures interposées en utilisant des cartes qui rappellent vaguement le principe de l'épisode Chain of Memories. Ce mode totalement optionnel requiert pas mal de tactique et une bonne dose de réflexes, rallongeant la durée de vie de manière intéressante en ajoutant toute une série de tournois à remporter. Si l'on pourra reprocher à Kingdom Hearts 3D : Dream Drop Distance une atmosphère un peu légère et un nombre de mondes plutôt restreint, il faut bien reconnaître que la quantité de nouvelles idées qu'il propose est considérable et qu'il réussit l'exploit d'offrir des joutes encore plus explosives que celles de Birth by Sleep. Autant de raisons qui rendent cet épisode bien plus incontournable que les deux opus sortis sur DS.
- Graphismes17/20
Une réalisation magnifique qui sait se montrer efficace même sans recourir à la fonction 3D relief. Le design respecte celui des mondes visités et fait donc preuve d'une grande diversité, passant des visages ultra-réalistes de Tron l'Héritage aux animations cartoon de Mickey au Pays des Trois Mousquetaires.
- Jouabilité17/20
Le problème des caméras est résolu par la notion de fluidité qui insuffle une fougue incroyable au gameplay de cet épisode tout en nous permettant de ne jamais perdre la trace de nos adversaires même lorsqu'on ne les a pas en visuel. L'altération du réel séduit par la manière dont elle se renouvelle d'un monde à l'autre et l'acquisition des compétences via le développement des Esprits révèle toute son efficacité sur la durée.
- Durée de vie17/20
Si l'on peut connaître l'issue du jeu en 25 heures environ, il en faut facilement le double pour parcourir le jeu à 100%. Les à-côtés sont légion et très diversifiés : chasse aux Esprits et à leurs compétences, scoring dans les phases de shoot, tournois des Combats Effrénés, sans oublier les défis des portails à échanger entre joueurs.
- Bande son17/20
Mêlant une fois encore des musiques inédites avec des thèmes caractéristiques de la série Kingdom Hearts, la bande-son se révèle franchement convaincante, bien que le doublage anglais soit imposé. Mention spéciale au fantastique medley qui accompagne la traversée du monde de Fantasia !
- Scénario16/20
A l'image de la progression globale du jeu, le scénario de cet épisode va crescendo et ne captive toute notre attention qu'à mesure où l'on s'approche du dernier monde. L'histoire parvient à trouver sa place dans la trame complexe de la saga, l'intrigue des précédents volets étant résumée dans ses grandes lignes à certains moments clés de l'aventure.
En dépit d'un début de partie plutôt timide, Kingdom Hearts 3D : Dream Drop Distance nous surprend de bien belle façon en faisant monter la pression tout au long du jeu, le rythme allant crescendo au fil des univers parcourus. Compensant ses problèmes de caméra par une toute nouvelle composante de gameplay qui rend celui-ci encore plus frénétique que par le passé, le soft se montre diaboliquement addictif et donne carrément envie de prolonger le plaisir en s'adonnant aux multiples défis annexes qu'il propose en marge de l'aventure principale.