Le studio russe 1C:Ino-Co a trois passions : les jeux de stratégie, les univers d'heroic-fantasy et le détournement de célèbres licences. Ainsi, après avoir revisité Heroes of Might & Magic (Elven Legacy) et Warcraft (Majesty 1 & 2), il s'attaque à une autre icône : Civilization. Voilà qui devrait susciter la curiosité des nostalgiques du célèbre Master of Magic.
Lorsqu'on démarre une partie de Warlock : Master of the Arcane, on se demande tout d'abord si on ne s'est pas trompé d'exécutable et si on n'a pas lancé par erreur le dernier mod med-fan pour Civilization V. De la map hexagonale jusqu'à l'interface des villes, en passant par les combats et le système d'avancement des unités, tout ou presque évoque le hit de Fireaxis, à tel point qu'on frôle le plagiat. Mais on finit par se rendre compte qu'une fois de plus, le studio russe 1C:Ino-Co s'est réapproprié les mécaniques de base d'une célèbre licence pour mieux s'en éloigner et pour nous proposer au final un jeu de stratégie à sa sauce, doté de sa propre personnalité. Le problème, c'est que si Warlock : Master of the Arcane n'est pas dénué d'idées intéressantes, il a tendance à perdre un peu plus de cohérence à chaque fois qu'il s'éloigne de son modèle.
Bien qu'il ne propose qu'un seul et unique mode libre (et a fortiori aucune option multijoueur), Warlock : Master of the Arcane vous permet au moins de personnaliser vos parties à votre convenance. Taille de la map, topographie (continent ou archipel), nombre de factions, difficulté... Vous pouvez paramétrer votre expérience avec suffisamment de latitude, avant de choisir quel sera le Grand Mage que vous allez incarner. Le titre de 1C:Ino-Co vous propulse en effet une nouvelle fois dans l'univers d'Ardania (déjà parcouru dans Majesty ou Defenders of Ardania), que se disputent des magiciens assoiffés de conquêtes. Sage, mégalo, diabolique, mystérieux ou excentrique... Chacun des 12 Grands Mages prédéfinis dispose de sa propre personnalité et de ses avantages de départ. Mais vous avez aussi la possibilité de construire votre dirigeant en sélectionnant vous-même ses atouts et son appartenance à l'une des trois factions du jeu : les humains, les monstres et les morts-vivants. En fonction de votre choix, les bâtiments et les unités que vous aurez l'occasion de produire et de contrôler seront bien entendu sensiblement différents.
Comme dans Civilization, vous débutez avec une petite ville et une poignée d'unités. Ces dernières vont vous permettre d'explorer les environs pendant que vous allez commencer à développer votre capitale en y bâtissant des édifices supplémentaires et en exploitant les richesses alentour. L'économie est fondée sur quatre ressources : l'or, la nourriture, la science... et le mana, nécessaire pour lancer tous vos sorts ! Chacune ne peut être obtenue qu'en construisant les bâtiments producteurs dédiés (marchés, greniers, bibliothèques, fermes à manas...) sur les hexagones libres qui se trouvent dans le périmètre de votre ville. Quant aux bâtiments spéciaux, ils ne peuvent généralement être construits que sous condition d'accès à certaines ressources. Ainsi, seule la présence de fer dans votre zone de contrôle vous permettra de bâtir la fonderie indispensable pour booster l'armure de vos unités militaires. La colonisation de nouveaux territoires et l'expansion rapide de vos villes est donc la clé de votre réussite. On regrette toutefois que l'absence d'arbre technologique empêche de penser leur développement sur le long terme.
Hélas, les choix d'évolutions bien mûris ne sont pas vraiment dans l'optique de Warlock : Master of the Arcane, comme en témoigne le système de recherches de vos sorts. La magie est d'une importance capitale, car elle permet aussi bien de lancer des pouvoirs dévastateurs que des buffs cruciaux, dont l'effet sur vos unités est permanent. Qui plus est, les créatures adverses que vous affrontez sont plus ou moins résistantes à telle ou telle école de magie. Ce domaine est pourtant soumis à un processus de recherche arbitraire, qui vous impose de choisir votre prochain sort parmi cinq possibilités déterminées aléatoirement. Le système de religion permet de tempérer un peu ce sentiment d'incertitude. Il vous arrive en effet de recevoir des demandes (nettoyer une tanière de monstres, construire un bâtiment particulier) en provenance de l'un des huit dieux qui veillent sur Ardania. En menant à bien les quêtes confiées par une divinité donnée, elle vous ouvrira l'accès, en guise de gratitude, à de puissants sorts seulement disponibles par ce biais. Vous pouvez aussi obtenir des unités d'élite en bâtissant un temple à l'effigie d'un dieu sur un des lieux saints de la carte.
Warlock : Master of the Arcane propose donc son lot de fonctionnalités séduisantes, même si certaines n'ont pas été intégrées avec la plus grande cohérence. La présence de mondes parallèles, accessibles via des portails mystiques, nous a notamment laissés dubitatifs. On y trouve de précieuses ressources, hélas protégées par des créatures d'une puissance démesurée, si bien qu'on ne voit pas trop l'intérêt d'y risquer ses armées. Vos unités militaires sont d'autant plus précieuses qu'elles sont soumises au même système d'avancement que dans Civilization, avec des perks à choisir au fil de leur montée en grade (dégâts supplémentaires en mêlée ou à distance, bonus de résistance sur les terrains accidentés, etc...). Le système de combats ressemble d'ailleurs comme deux gouttes d'eau à celui de Civilization V, avec des affrontements tactiques qui profitent de la grille hexagonale et de l'impossibilité de placer plusieurs troupes sur une même case. On retrouve d'autres spécificités du jeu de Fireaxis, comme la transformation automatique d'une unité terrestre en unité maritime, ou encore la présence de cités neutres, que vous ne pouvez ici que détruire.
Car la diplomatie n'est pas le fort du jeu de 1C:Ino-Co, qui vous permettra de vous mettre à dos toutes les factions de la carte en un temps record. Le système conduit régulièrement les Grands Mages adverses croisés à vous contraindre de leur verser de grosses sommes d'or (ou à défaut, de manas !) sous peine de vous déclarer la guerre. Il vous est bien sûr impossible de céder à de tels chantages (il en va de la santé de votre économie), si bien que les parties prennent rapidement la tournure d'un conflit généralisé, régi par une IA défaillante qui pousse chaque faction à agir de façon erratique, sans jamais se concentrer sur le même adversaire. L'un des problèmes de Warlock : Master of the Arcane réside d'ailleurs dans son aspect désordonné, voire parfois chaotique. La prise en main souffre d'un tutorial très incomplet, et la lecture du manuel ne suffit pas à éclaircir certains points obscurs, comme les conditions de victoire (éliminer les autres Grands Mages, s'emparer de tous les lieux sacrés, découvrir le sort d'Unité ou vaincre l'avatar d'un dieu hostile), que l'on ne parvient à appréhender qu'à l'issue d'une bonne vingtaine d'heures de jeu !
- Graphismes13/20
Le rendu visuel n'a pas grand-chose à envier à celui d'un Civilization V. Le soin accordé à la map est appréciable et les unités sont bien rendues, même si la palette de couleurs est un peu flashy.
- Jouabilité13/20
Certes moins riche que celui d'un Civilization, le gameplay propose des fonctionnalités intéressantes qui rendent les parties prenantes. On déplore toutefois quelques choix malheureux (absence d'arbre technologique, recherche aléatoire, mondes parallèles inutiles) et une prise en main imparfaite : l'interface est pratique, mais les mécaniques de jeu ne sont pas suffisamment expliquées.
- Durée de vie12/20
Bien qu'il soit proposé au tarif de 20 euros, Warlock : Master of the Arcane manque de contenu et de modes de jeu, d'autant que si le paramétrage des parties lui procure une bonne rejouabilité, l'expérience peut s'avérer vite répétitive.
- Bande son15/20
Thèmes musicaux discrets mais agréables, bruitages et sonorités d'ambiance efficaces, tutorial doublé en français : le design audio de Warlock : Master of the Arcane a été soigné.
- Scénario/
Warlock : Master of the Arcane tente de prendre la relève de Master of Magic en transposant Civilization V dans un univers d'heroic-fantasy et en étoffant l'expérience de quelques fonctionnalités intéressantes. Hélas, ces dernières ne sont pas toutes intégrées avec le plus grand discernement, et si l'on apprécie l'importance de la magie et des relations avec les dieux, le jeu du studio 1C:Ino-Co a tendance à se perdre dans des mécaniques confuses, voire inutiles, à chaque fois qu'il tente de s'éloigner de son modèle. Il représente toutefois une acquisition potentiellement intéressante pour qui cherche un pendant médiéval-fantastique à Civ V, à condition de s'y investir suffisamment pour parvenir à maîtriser des mécaniques de jeu parfois obscures.