Ayant consommé son virage vers l'action, la série Ghost Recon poursuit son chemin avec un épisode tourné vers l'avenir alternant les phases d'infiltration et les séquences explosives. Un cocktail high-tech détonnant.
Dans les épisodes Advanced Warfighter, Ghost Recon misait tout sur la pluie de plomb en balançant le joueur en pleine insurrection, au coeur d'une situation dans laquelle ne pas se faire remarquer comptait moins que de trouver une bonne planque et un angle de tir efficace. Avec Future Soldier, Redstorm et Ubisoft adoptent une position moins tranchée, les Ghosts rappelant ainsi qu'ils sont équipés pour faire face à tout ce qui se présente. Du Nicaragua à la Russie en passant par le Pakistan ou le Niger, cet opus vous fera visiter la planète au fil d'un scénario un peu confus à suivre, comme souvent dans les jeux Clancy, dont le point départ vous conduira à un trafiquant d'armes lui-même en rapport avec un putschiste en devenir. L'histoire, racontée par le biais de briefings, a en tout cas l'avantage de provoquer nombre de situations variées et de vous offrir un paquet d'environnements différents, désert, villes, rase campagne, bateau cargo, tout y passe.
Future Soldier se résume grossièrement à deux états : pas repéré ou repéré. Contrairement aux deux opus précédents, on passe une bonne partie de son temps à s'infiltrer en dégommant méthodiquement les forces en présence. Afin d'assurer leur discrétion, les Ghosts possèdent un atout majeur : un camouflage optique façon Predator ou Ghost in the Shell. N'allez pas penser pour autant que la chose vous rend parfaitement invisible. En premier lieu, il ne fonctionne que si vous êtes accroupi et que vous vous déplacez lentement et se désactive lorsque vous tirez. En outre, si vous restez planté trop longtemps devant un soldat, il vous repérera. La première étape du boulot consiste à tuer les ennemis, ce que l'on pourra faire à l'ancienne, avec ses petits yeux comme un ringard, ou en s'aidant de capteurs ou surtout d'un drone de reconnaissance que l'on peut commander directement pour marquer des cibles. Une fois que l'on sait à quoi on a affaire, il s'agit de s'organiser. Pas question de tirer sur le premier venu au risque qu'un de ses potes ne voit le gus tomber au sol et ne donne immédiatement l'alerte. Si on veut réaliser un coup parfait, on observe, on commence par déglinguer les types placés en hauteur, les snipers puis on s'attaque aux cibles les plus isolées qui ne sont dans le champ de vision de personne.
Evidemment, les soldats qui se promènent seuls sont rares, il s'agit donc de mettre vos équipiers à contribution. Pour ce faire, il suffit de leur indiquer une cible, d'attendre qu'ils soient en place et que le moment soit le bon et d'ordonner le tir. Quatre ennemis peuvent être descendus simultanément avec ce système, trois pour chacun de vos potes et une pour vous. On répétera cette formule aussi souvent que nécessaire et à des degrés de difficultés variables. Certaines zones peuvent se montrer assez vastes et donc difficiles à nettoyer, avec en bonus des chemins de ronde qui rendent délicates les exécutions discrètes. D'autant que le drone a peut-être la vue perçante, mais il lui arrive de ne pas tout voir, ou que vous ayez été trop pressé, au point de louper un soldat en patrouille qui ne tardera pas à poser problème. D'ailleurs, le drone lui-même peut se faire repérer. Si vous foirez votre infiltration, vous aurez deux options. La première, c'est le game-over parce que vous n'étiez pas autorisé à donner l'alerte, la seconde, c'est le passage en force. Une option qui est parfois imposée par la progression du jeu qui s'efforce de ménager temps calmes et temps forts.
Dans ces séquences d'action, on oublie son silencieux, on replie le drone et on rentre la tête. Quand on se fait tomber dessus par une mitrailleuse fixe et une quinzaine de mecs, on fait moins le malin. Gardez la tête à découvert plus de deux secondes et vous serez bon pour la morgue (enfin d'abord pour un soin par un équipier puis pour la morgue). D'ailleurs, lorsque votre position est fixée, votre Ghost se ratatine derrière sa couverture et il n'est même plus possible de lever le nez tant qu'un équipier ne vous offre pas un tir de suppression. Un très joli effet soit dit en passant. Comme de surcroît les couvertures ont tendance à subir les effets des tirs, stagner au même endroit n'est pas une option. Entre fumigènes et grenades flash, on utilise le système permettant de marquer une couverture et d'y courir de façon semi-automatique en maintenant une touche enfoncée. Si on peut parfois reprocher à l'IA de manquer d'attention lors des phases d'infiltration, on ne risque pas de lui signaler un quelconque manque d'agressivité. De fait, si on pouvait craindre que l'arsenal technologique des Ghosts ne simplifie trop la tâche, il faut bien constater que les bidules ne font pas tout le boulot. Et puis, si la vue magnétique qui permet de repérer les objets métalliques à travers tout et n'importe quoi vous rend la vie trop simple, vous n'êtes pas contraint de l'activer.
Difficile de prendre la jouabilité en défaut. Ubisoft a opté pour une prise en main intuitive, simplifiée au possible. La difficulté venant des précautions à prendre pour ne pas donner l'alerte et de la fragilité des héros lors des fusillades corsées. Bien connaître son matériel a aussi son importance. Certaines armes sont par exemple capables de traverser le bois, d'autres plus puissantes viendront à bout d'une plaque de métal peu épaisse. Des données que l'on ne manque pas de vous remettre en tête dans les briefings. Cette simplification a d'ailleurs mis à mort les ordres tactiques que l'on pouvait donner à ses équipiers. Il est impossible de les envoyer sur un point précis, de leur demander de lancer une grenade ou même de définir les règles d'engagement. Du coup, vos trois compères se débrouillent tout seuls, une idée qui peut faire frémir. Et pourtant, force est de constater qu'ils ne commettent pas ou peu d'impairs. Ils se placent bien, ne se font pas remarquer, il faudra simplement garder un oeil sur leur santé quand ils tombent sous le feu. Ce constat rappelle s'il le fallait que Ghost Recon Future Soldier reste avant tout un jeu d'action. On serait d'ailleurs tentés de signaler que dans l'absolu, sa progression est assez répétitive. On avance dans une zone dégagée pour parvenir à une grande zone ouverte et on fait le ménage, en suivant la méthodologie décrite plus haut, sauf si c'est sous le coup d'un script qui nous fait basculer dans le chaos. Le secret qui fait oublier la chose, c'est la mise en scène et l'atmosphère, toutes deux fort travaillées.
Variété des situations et des environnements, calme presque intimiste des phases d'infiltration ou tonnerre des séquences d'action, Future Soldier fait tout pour en mettre plein la vue et les oreilles, en évitant les revirements trop artificiels. On passe allègrement de l'infiltration d'une base militaire à la visite du monde rural géorgien. Une réalisation dédiée au spectacle et à l'immersion qui fait oublier les aspects parfois redondants et linéaires du gameplay. Le jeu comporte de plus des niveaux "spéciaux" ou des séquences "frissons". Des Ghosts au milieu d'une tempête de sable nettoyant un camp en usant de leur vue magnétique, l'utilisation d'une sorte de tank à patte (le Warhound et son mortier), l'inévitable passage au cours duquel l'équipement high-tech tombe en rade (ce qui inexplicablement vous prive de vos grenades mais pas du camouflage, un truc du futur certainement), les embuscades bien violentes ou encore la mission solitaire presque entièrement centrée sur l'infiltration, sont là pour casser un peu la routine. De plus, les effets graphiques liés à l'usage de la réalité augmentée indiquant certains points clés avec des grands messages dans le ciel sont joliment intégrés. Au final, on est dedans. Et on le sera encore plus en profitant de la campagne en mode coopératif à 4, histoire de remplacer les alliés IA par quelques camarades.
Cette campagne haute en couleur et assez longue devrait donc ravir ceux qui cherchent du grand spectacle mais pas forcément une randonnée du dimanche. Chacun pourra de plus enrichir la chose en jouant avec le Gunsmith, l'option de customisation complète des armes que l'on peut démonter et remonter pièce par pièce (détente comprise). Rigolo, mais finalement pas vraiment indispensable, le kit de mission fourni de base étant parfaitement adapté, et on se voit mal troquer le sniper à silencieux contre un lance-grenades violet. Par ailleurs, le multijoueur n'est pas oublié. A commencer par le mode Guerilla, reprenant le mode Survie dans lequel 4 joueurs doivent travailler de concert pour résister à des vagues d'assaillants. Efficacité et coordination seront nécessaires pour survivre, mais ce n'est sans doute pas ce mode qui occupera le plus les serveurs. Du côté du vrai multijoueur, on trouvera 4 modes différents, tous à objectif et opposant 2 escouades de 4 Ghosts à autant de Bodarks, des forces spéciales ennemies équipées d'un matériel similaire, camouflage optique compris. Le tout comprenant un système d'avantages tactiques selon les objectifs accomplis et des classes spécialisées. En somme, du bon gros multi "squad based" efficace et complétant à merveille le solo.
- Graphismes16/20
Malgré quelques défaillances, Future Soldier fait plutôt plaisir à l'oeil. On a droit à de jolis effets de particules, des animations travaillées, une pyrotechnie maîtrisée et surtout des environnements très variés. Le rendu réalité augmentée qui affiche des informations "dans l'air" est moins envahissant qu'on pourrait le croire.
- Jouabilité17/20
La prise en main intuitive permet de rapidement entrer dans le bain. La progression alterne des phases d'infiltration accessibles mais qui ne pardonnent pas la faute et des grosses fusillades poilues, avec au milieu quelques passages mis en scène. Un compromis efficace et immersif entre un léger aspect tactique et du grand spectacle.
- Durée de vie16/20
Assez variable selon votre façon de jouer, la durée de vie en solo atteint facilement la douzaine d'heures, ce à quoi il faut encore ajouter la possibilité de jouer en coop. Si le mode Guerilla ne durera qu'un temps, les modes multi à objectifs devraient eux retenir les joueurs plus longtemps.
- Bande son17/20
Les musiques se font généralement discrètes durant les phases calmes, cédant la place aux effets d'ambiance, aux conversations des soldats ou aux chuchotements des Ghosts. Quand les choses s'affolent, on en prend plein les esgourdes. Les dialogues "hors action" des Ghosts sont en revanche assez plats.
- Scénario12/20
Les cinématiques ne sont là que pour introduire les missions, l'histoire de son côté passe par des briefings abscons. Résultat, on enchaîne parfois les missions sans trop suivre le fil, un écueil que Warfighter avait évité mais qui est classique des jeux Tom Clancy. Sans parler du côté déjà vu qui lorgne sévèrement sur Call of Duty.
Ghost Recon Future Soldier poursuit le virage vers l'accessibilité amorcé par Advanced Warfighter tout en mixant un peu plus les phases de jeu. La scène d'action musclée succède à l'infiltration avec toujours pour mot d'ordre d'éviter la faute, à chacun ensuite de juger des risques qu'il souhaite prendre dans l'élaboration de sa tactique. La mise en scène et l'ambiance soignées se chargeant pour leur part d'assurer l'immersion, qui est au final la principale qualité de cet épisode.