Voilà plus d'un an que TERA a été lancé en Corée du Sud. Précédé d'une réputation flatteuse faisant état de son système de combat dynamique et de ses superbes graphismes boostés à l'Unreal Engine 3, le MMORPG de BlueHole Studio choisit une période très concurrentielle pour débarquer dans nos vertes contrées. Dispose-t-il des qualités suffisantes pour rivaliser avec Guild Wars 2, The Secret World ou encore World of Warcraft : Mists of Pandaria, et convaincre les joueurs de contracter un abonnement mensuel ?
TERA se déroule dans le royaume d'Arborea, engendré par la lutte entre les Titans Arun et Shara qui ont fini par s'endormir, modelant le monde actuel. Leurs rêves ont donné naissance aux dieux, qui ont créé à leur tour les différentes races connues. Mais l'histoire d'Arborea a par la suite été émaillée d'incessants conflits, jusqu'à ce que plusieurs peuples (Humains, Hauts-Elfes, Amans, Castanics, Barakas et Poporis) se décident à s'unir sous la bannière de la Fédération Valkyon afin de lutter contre la menace des Argons, une race métallique issue du Monde Souterrain. Depuis, une mystérieuse île a surgi du fond des mers entre les deux continents. Un premier détachement conduit par Elion, héros de la Fédération, y a été envoyé, mais a disparu dans des circonstances qui restent mystérieuses. Vous faites partie des recrues de la seconde vague d'explorateurs, dépêchés sur l'Ile de l'Aube pour faire la lumière sur ces événements.
Si le background de TERA est particulièrement travaillé, il reste à nos yeux moins original et moins séduisant que celui d'Aion. On ne peut pas dire qu'on soit emballé par la trame principale qui vous entraînera à travers les différentes zones d'Arborea au fur et à mesure de votre progression jusqu'au niveau 60. Il est d'ailleurs regrettable que cette dernière soit assez linéaire (avec une seule zone par fourchette de niveaux) et que vous ne disposiez que d'une unique entrée en matière là où le nombre important de races proposées était l'occasion de multiplier les zones de départ et de booster l'intérêt des rerolls. Les 7 peuples jouables de TERA ont en effet le mérite d'être variés : que vous préfériez le style classique (Humains et Haut-Elfes), bestial (Amans, Castanics et Barakas) ou kawai (Elins et Poporis), vous n'avez que l'embarras du choix. Mais au-delà des bonus raciaux que chacun vous confère, veillez bien à choisir un personnage dont le look vous plaît, étant donné qu'ils sont plus typés encore que dans les productions coréennes habituelles, et que l'éditeur s'avère bien moins poussé que ce qu'on a pu voir dans d'autres MMORPG (là encore, on pense à Aion). De la même manière, bien qu'il s'agisse là d'une appréciation hautement subjective, il vous faudra peut-être un peu de temps pour vous faire à la direction artistique qui part dans tous les sens. Ouverture d'esprit et imagination sont nécessaires pour apprécier le bestiaire (de petits marshmallows rondouillards côtoient des scies circulaires sur pattes, des démons à tête de poisson et des nains de jardin), tandis que le design de certains environnements n'est pas toujours du meilleur goût, notamment quand il couple une végétation aux tons criards à une architecture rococo baignée de HDR.
Il faut toutefois reconnaître que passé un début décevant, l'univers de TERA gagne en cohérence à mesure que l'on progresse dans le jeu, et qu'on ne cesse de s'ébahir devant ses impressionnantes qualités techniques. Les modélisations et les animations fines et détaillées, la distance d'affichage impressionnante et la fluidité optimale au plus fort de l'action (sur des configurations relativement récentes) représentent autant de prouesses visuelles pour un MMO, autorisées par un moteur graphique, l'Unreal Engine 3, dont on connaît les atouts, mais aussi les défauts usuels (comme l'affichage tardif de certaines textures). Vous apprécierez également à sa juste valeur la continuité offerte par l'univers non instancié, qui permet de passer d'une zone à l'autre sans aucun temps de chargement. On peut donc regretter que le level design ne se montre pas à la hauteur de cette performance technique. Les villes et les capitales, souvent superbes, s'avèrent peu agréables à parcourir tant elles sont "couloirisées", tandis que les zones de jeu, pas très inspirées, ne sont que de vastes parcs à monstres bien trop vides, parsemés ça et là d'inévitables postes avancés. Désertés par les marchands (ce qui vous vaudra de nombreux allers-retours), les camps en question fourmillent en revanche de donneurs de quêtes - ce qui est plutôt rare dans un MMORPG coréen - même si nous ne sommes pas en mesure de vous renseigner sur la nécessité ou non de s'adonner au monster bashing à haut niveau. Mais les missions qu'ils vous proposent, basées sur l'infernal triptyque "va tuer / va ramasser / va parler à", sont d'une rare pauvreté, si bien qu'elles ont pour seul mérite d'exister.
La grande force de TERA réside moins dans son univers, finalement peu attirant, que dans le dynamisme de son gameplay, auquel contribue fortement le système de ciblage manuel. Dans la plupart des MMORPG traditionnels, vous n'avez qu'à désigner la cible puis à envoyer la sauce. Ici, pas de lock automatique de l'ennemi : pour espérer le toucher, vous devez le garder dans votre réticule de visée, tout en gérant votre portée selon que vous combattez à distance ou au corps-à-corps. Votre adversaire ayant lui aussi besoin de vous avoir dans le collimateur, vous êtes incité à bouger autant que possible pour échapper à ses attaques les plus dévastatrices, souvent annoncées par un signal visuel ou sonore, qui pousse à rester très attentif. Et si votre personnage ne possède pas de compétences d'esquive (roulade sur le côté, téléportation...), il a alors la possibilité de parer les coups adverses en se montrant suffisamment réactif. Même si certains regretteront l'impossibilité de frapper tout en se déplaçant, l'ensemble fait souffler un vent de fraîcheur sur un genre qui se complait trop souvent dans des systèmes de combat formatés. Et pour bien souligner ce virage vers l'action, les développeurs de TERA permettent l'utilisation d'un pad, qui se révèle tout à fait viable, du moins en début de jeu. A terme, le nombre de coups disponibles devrait vous pousser à vous rabattre sur le clavier, à moins que vous n'ayez l'habitude de jongler avec les combinaisons de boutons typiques des RPG console. Il faut dire qu'au-delà d'une frappe de base répétable à l'envi, chaque classe dispose d'une vaste palette de compétences, dont certaines ne peuvent être utilisées que dans le cadre d'enchaînements qui, là encore, dynamisent les affrontements.
On pourra certes déplorer qu'il suffise de se rendre auprès de son maître de classe après un level-up pour débloquer de nouveaux pouvoirs. Semblable en cela à Aion, TERA ne propose aucun arbre de talents et ne vous offre guère de prise sur l'évolution de votre avatar en dehors des glyphes qui, dès le niveau 20, permettent d'améliorer divers aspects de vos compétences (temps d'incantation, cooldown, portée, dégâts...). Mais ce qui est appréciable, c'est que contrairement à bon nombre de MMORPG, la clé de votre réussite réside moins dans votre équipement, certes très utile, que dans votre skill de joueur et dans le degré de maîtrise de la classe de personnage que vous avez choisie. TERA en propose 8 : 4 classes de corps-à-corps (guerrier, lancier pourfendeur et berserker) et 4 classes à distance (sorcier, archer, prêtre et mystique). Les premières sont les plus gratifiantes à incarner car ce sont aussi les plus exigeantes, à commencer par le guerrier qui combine le rôle de DPS avec celui de tank-esquive. Mais toutes sont dignes d'intérêt, notamment dans le cadre du jeu de groupe, où s'illustre à merveille leur complémentarité. Le positionnement de chacun y est encore plus primordial que de coutume, avec en prime la possibilité d'apprécier visuellement la situation (un observateur extérieur pourrait aisément deviner le rôle de chacun) et la sensation d'une vraie présence physique dans le combat. Que vous chassiez les monstres élite, que vous tentiez de faire tomber un world boss ou que vous exploriez l'une des instances à 5 du jeu (qui en compte une quinzaine), vous aurez grand plaisir à partager votre expérience dans le cadre d'un groupe.
Des raids impliquant un plus grand nombre de joueurs sont également prévus au programme, mais ils ne sont pas encore implémentés, à l'image des champs de bataille qui brillent par leur absence à l'occasion de ce lancement. Les amateurs de PvP ont malgré tout de quoi se mettre sous la dent avec les duels, les matchs à mort (permettant d'improviser de petites joutes entre deux équipes n'importe où dans le monde), ainsi que le système de hors-la-loi des serveurs JcJ. Bien entendu, les guildes peuvent elles aussi se déclarer la guerre. Le jeu en guilde n'a pas été négligé, avec la présence de quêtes, d'emblèmes (provisoirement désactivés), de halls particuliers (à venir), mais aussi la possibilité de profiter d'une des fonctionnalités sociales les plus prometteuses : le système politique. Ce dernier permettra à un personnage de haut niveau, membre d'une guilde reconnue, de se porter candidat au poste de gouverneur d'une région, ou Vanarch, afin d'être élu par ses pairs, ou à défaut de prendre le pouvoir grâce à ses prouesses sur les champs de bataille PvP. Il pourra alors utiliser des points de politique pour influer sur certains paramètres précis (contrôle des taxes, mise à disposition de PNJ spécifiques, passage d'une zone en mode non PK pour les serveurs JcJ...) et fera bénéficier sa guilde d'avantages spécifiques. Il pourra également être élu, parmi tous les autres Vanarchs, au titre de souverain du royaume, ou Exarch. On ignore l'étendue des pouvoirs conférés par un tel statut, mais il devrait, entre autres, permettre de réguler le respawn des monstres. Le système politique de TERA est donc prometteur, reste à savoir comment il sera investi par les joueurs.
Outre ses fonctionnalités sociales, le MMORPG de BlueHole regorge de possibilités, comme en témoigne son interface quelque peu chargée (les raccourcis sont vos amis). Rien que la personnalisation des équipements force le respect : vous pouvez les enchanter via un procédé original consistant à sacrifier un item de même niveau et de même type, les sertir de cristaux variés afin de leur octroyer de précieux bonus, modifier leur apparence au gré de diverses teintures, ou encore les fabriquer vous-même grâce à un système d'artisanat relativement classique basé sur la récolte, la fabrication et l'extraction dans une demi-douzaine de métiers. N'hésitez pas non plus à déposer à l'hôtel des ventes les objets dont vous n'avez plus l'utilité, sachant que vous préférerez peut-être les entreposer dans votre banque, commune à tous vos personnages. Seul regret : la disparition des familiers (vus dans la bêta), qui autorisaient les transactions "de particulier à particulier". Au moins disposerez-vous très tôt d'une monture, qui servira à écourter vos trajets si vous n'avez pas envie de faire appel aux téléporteurs et autres maîtres de vol. Pour finir sur une note d'originalité, on n'oubliera pas de mentionner le système de feu de camp, qui permet de restaurer l'endurance de votre personnage (afin qu'il reste au mieux de sa forme) et de lui octroyer des bonus dont pourront aussi profiter tous ceux qui viendront s'y réchauffer ! Bref, vous comprendrez aisément que TERA puisse requérir un abonnement mensuel ; le tout est d'accrocher suffisamment à son univers pour se laisser tenter. Mais si pour vous, c'est le gameplay qui prime, alors n'hésitez pas : foncez !
- Graphismes17/20
Le rendu visuel de TERA est impresionnant pour le genre, mais souffre du contraste entre ses indéniables qualités techniques, qui profitent au mieux de l'Unreal Engine 3, et sa direction artistique qui manque de cohérence et ne plaira pas à tout le monde. On déplore également quelques environnements trop vides.
- Jouabilité17/20
Contrairement à la tradition coréenne, TERA ne mise pas sur la construction des personnages, mais propose un système de combat dynamique à base de ciblage manuel, d'esquive et de parade qui rend les affrontements bien moins lassants que de coutume et le jeu en groupe particulièrement gratifiant.
- Durée de vie15/20
Bien que certaines ne soient pas présentes au lancement, TERA dispose de toutes les fonctionnalités que l'on attend d'un bon MMORPG. Le système de combat donne vraiment envie d'essayer toutes les classes, mais la présence d'une seule et unique zone de départ ne motive pas les rerolls.
- Bande son16/20
Les thèmes musicaux s'avèrent agréables et variés sans toutefois se montrer impérissables. On apprécie le soin tout particulier accordé à l'ambiance sonore, et en particulier aux bruitages réussis qui renforcent la sensation d'impact des coups portés pendant les combats.
- Scénario11/20
Le background de TERA, qui fait un peu office de fourre-tout ethnique, n'est pas forcément des plus séduisants. L'histoire manque d'intérêt, et l'univers de cohésion. Qui plus est, les quêtes sont d'une telle pauvreté qu'on finit par ne plus avoir envie de les lire.
Au terme de la lecture de cet article, vous vous demandez peut-être encore si vous devez craquer ou non pour TERA. Alors posez-vous une simple question : qu'attendez-vous par-dessus tout d'un bon MMORPG ? Si vous êtes à la recherche d'un univers immersif, doté d'un thème fort et d'une vraie personnalité, alors passez votre chemin, car le titre de BlueHole Studio n'a pas grand-chose à offrir en la matière. Mais si vous êtes de ceux pour qui le gameplay doit primer, TERA pourrait bien vous combler avec son système de visée destiné à bousculer vos habitudes. C'est un véritable plaisir que de prendre part, seul ou en groupe, à une action dynamique qui nécessite de bouger, d'esquiver et de parer, et qui délivre en échange la sensation d'une vraie présence physique dans le combat. Il est même difficile, après cela, de revenir à un gameplay plus traditionnel ! Ce MMO risque donc de diviser les joueurs, mais la note que nous lui attribuons est à la hauteur d'une prise de risques qui a tendance à se faire rare dans le genre.