Avec Max Payne 3, Rockstar ne souhaite pas uniquement apporter sa contribution à une série ayant fait vibrer les joueurs au début de ce siècle. Comme souvent, la société américaine nourrit des ambitions nettement plus élevées. Elle veut tout simplement donner vie au shooter le plus cinématographique et sophistiqué jamais créé. Le tout, en respectant l'ADN de Max Payne. Rien que cela. Pour nous convaincre du bien-fondé de cette déclaration en apparence assez prétentieuse, nous avons été invités à parcourir deux niveaux de la campagne solo. L'occasion de vérifier une fois encore que Rockstar possède un savoir-faire unique et que cette supposée prétention cache en réalité une confiance inébranlable de l'entreprise en ses capacités.
Pour rappel, ce troisième épisode prend place au Brésil, à São Paulo plus précisément. Hanté par son terrible passé, ravagé par l'alcool et les médicaments, Max décide d'accepter une offre d'emploi formulée par Raul Passos, une connaissance de longue date. L'occasion parfaite de tourner la page en quittant New York, une cité liée à jamais aux évènements qui ont détruit sa vie. Désormais, il jouera les gardes du corps dans la plus grande ville du Brésil pour le compte de Rodrigo Branco, un riche industriel. Et par extension, pour les membres de sa famille dont ses frères, le play-boy Marcelo et le politicien Victor. Une tâche loin d'être aisée dans un pays, certes en développement, mais où la pauvreté continue de frapper de plein fouet une grande partie de la population. Max va d'ailleurs rapidement devoir se mettre dans le bain car peu de temps après son arrivée, Fabiana, la jeune et jolie femme « trophée » de son nouvel employeur est enlevée. C'est sur le gang Comando Sombra que se porte immédiatement les premiers soupçons. Après une réunion organisée à la hâte par la famille Branco, il est décidé que le meilleur moyen de récupérer la victime reste de donner satisfaction aux ravisseurs en leur versant une coquette rançon. Le lieu de l'échange : le stade de football des São Paulo Galatians.
Comme convenu, Max et Raul se retrouvent donc au milieu de la pelouse de cette gigantesque enceinte pour fournir l'argent aux kidnappeurs. Ce que personne n'avait prévu, c'est qu'un troisième larron allait s'inviter à la fête. On apprendra plus tard qu'il s'agit du groupe paramilitaire Cracha Preto. Lourdement armé, celui-ci parvient à l'aide de snipers à interférer dans l'échange. Max se retrouve même touché au bras par une balle. Résultat des courses, le sac rempli de billets a été dérobé et Fabiana est toujours captive. C'est à ce moment précis que le premier niveau de la démonstration a commencé. On rentre donc dans la peau d'un héros blessé, chassé, qui doit s'en remettre à Raul pour sortir vivant de la situation.
Après quelques minutes passées à tituber dans les travées du stade et à se demander si la vie vaut encore la peine d'être vécue, des soins sont prodigués à Max par son compagnon de galère. L'ingestion de quelques antidouleurs achèvera de remettre sur pied notre héros. Vous voilà donc fin prêt à récupérer Fabiana. Ou l'argent. Ou même les deux si possible. S'ensuit un enchaînement de gunfights dans les différentes salles qui composent le stade puis à l'extérieur, dans les tribunes. Tout en étant en liaison permanente avec Raul, il vous faudra éliminer une kyrielle d'ennemis, dont un sniper, pas évident à déloger d'ailleurs. Le deuxième niveau exposé, les docks de São Paulo, demeurait lui un peu plus classique. Toujours à la recherche de Fabiana, Max doit visiter des tonnes d'entrepôts peuplés de membres du gang Comando Sombra. Le tout, avec le bras encore bandé.
Si vous passerez la majorité du temps au Brésil, Rockstar a tout de même prévu de revenir de temps à autre aux Etats-Unis pour expliquer le pourquoi exact de la venue de Max. La narration n'est donc pas linéaire. Des flash-back viennent s'intercaler entre deux niveaux à São Paulo. Comme Rockstar ne laisse jamais rien au hasard, les transitions entre ces différentes scènes ont été particulièrement travaillées. Cela signifie pas de fondu au noir brutal, pas de textes, pas même de temps de chargement venant briser la fluidité de la narration ! Tout s'enchaîne de manière logique et cohérente. Visuellement, la différence entre cinématiques et phases de jeu est imperceptible. Si bien que l'on en vient parfois à se demander si l'on a ou non le contrôle sur son personnage. Les développeurs auraient pu se contenter de proposer un jeu d'action plaisant reposant sur des mécaniques de gameplay intéressantes. Mais non. L'ambition est bien plus élevée. Le jeu a été poli telle une pierre précieuse dont on aimerait gommer toutes les imperfections. Outre la narration, Rockstar s'est efforcé de soigner la mise en scène, l'écriture – en particulier des personnages –, la bande-son mais aussi les doublages de son jeu. On retrouve notamment avec joie la voix historique de Max Payne, celle de James McCaffrey. Un point important car les monologues sont nombreux et particulièrement importants dans l'optique de faire comprendre l'état d'esprit dans lequel se trouve le personnage principal.
Bien qu'il soit encore en développement, Max Payne 3 se montre déjà techniquement très au point. Le moteur RAGE (Rockstar Advanced Game Engine) s'avère particulièrement impressionnant. Un peu à l'image de ce que propose un Uncharted, les animations de Max sont incroyablement variées et particulièrement crédibles. Elles s'adaptent parfaitement à l'environnement dans lequel le personnage évolue. Les décors sont, eux, extrêmement riches. A chaque pause entre deux fusillades, on s'émerveille devant l'eau qui ruisselle sur le sol, les effets de lumières, la qualité des textures... Cela contribue amplement à créer une atmosphère singulière très sombre. Grâce, aussi, à la bande-son, la tension est palpable. On se sent vraiment confronté à ce que le Brésil recèle de plus noir.
Evidemment, tous ces efforts seraient vains sans la présence d'un gameplay plaisant. Rassurez-vous, Max Payne 3 est un third person shooter réellement efficace. Outre la mécanique de couverture relativement classique dont tous les jeux Rockstar bénéficient aujourd'hui, on retrouve bien sûr le bullet time. Cette fonctionnalité popularisée par le premier épisode de la série permet de ralentir le temps. Le challenge étant relevé, il faudra (ré)apprendre à l'utiliser intelligemment. Il est quasiment impossible de se sortir de certaines situations sans y avoir recours. Les membres du Cracha Preto, équipés de gilets pare-balles et d'armes lourdes, ne feront qu'une bouchée de Max si vous foncez tête baissée. C'est un peu moins le cas avec les joyeux lurons du gang Comando Sombra qui sont plus volubiles, moins organisés et surtout, moins protégés. Mais pour se défendre, ralentir le temps n'est pas la seule solution. Vous disposez d'une palette de mouvements très large qui va de la simple roulade à la possibilité de bouger son corps à 360° lorsque l'on est au sol en passant par le saut dans n'importe quelle direction, qui ralentit lui aussi le temps.
Du côté de l'arsenal à la disposition de Max, on trouve du classique. Nous avons pu nous servir d'un fusil à pompe et d'une petite mitraillette en plus du flingue basique. La roue permettant de choisir ce que l'on a dans chaque main comporte deux espaces pour une arme légère et un pour une arme lourde. Dans le feu de l'action, la mécanique de shoot se montre infaillible. On sent bien le poids des armes portées et les dégâts qu'elles causent. La localisation des dommages sera d'ailleurs un des éléments à prendre en cause au moment de tirer car les hommes portant des gilets pare-balles ne sont par exemple vulnérables uniquement au niveau des jambes. Il faut aussi veiller à achever les cibles qui sont juste blessées histoire d'éviter toute mauvaise surprise. Le système de santé tient lui aussi une place importante dans le jeu. En fouillant les niveaux, vous récupérerez des antidouleurs. Ces derniers permettent de se soigner. Lorsque vous avez mal géré votre stock et qu'un ennemi vous tire dessus alors que votre santé est déjà précaire et qu'il subsiste un médicament en réserve, il vous reste une chance de vous refaire. L'action passe au ralenti pendant votre longue chute vers l'enfer. Le réticule se dirige lentement vers votre bourreau. Si dans les quelques secondes où le temps ne suit plus son cours normal, vous parvenez à éliminer cet adversaire, vous restez vivant. Si ce n'est pas le cas, c'est le game over. Enfin, pour ceux qui se demanderaient si la visée est forcément assistée sur console, la réponse est non. Vous pouvez régler l'automatisation du ciblage dans les options. Et donc laisser tout cela en mode « full manuel ».
Que Max Payne 3 propose un gameplay des plus agréables, on s'y attendait. Surtout au regard du curriculum vitae de son développeur. Mais qu'une telle attention ait été portée à tous les aspects du jeu, cela tient en revanche de l'excellente surprise. Ce qui est incroyable, c'est cette propension qu'a Rockstar à systématiquement raconter des histoires captivantes et matures, à soigner l'écriture et la mise en scène de chacune de ses productions. Y compris celles tournées vers l'action... A la question de savoir si Max Payne 3 est le shooter le plus cinématographique et sophistiqué jamais créé, nous ne sommes pas encore en mesure de donner une réponse. Mais ce qui est sûr, c'est que le titre court à grandes enjambées vers son objectif.