Ce n'est pas faire injure à Konami que d'affirmer que les résultats financiers de la firme ont été pour le moins décevants ces dernières années. Le déclin progressif de ses séries phares – on pense notamment à PES – y est évidemment pour beaucoup. Toutefois, il est important de noter que 2011 semble avoir été profitable à l'éditeur japonais, qui relève petit à petit la tête. Pour confirmer ce regain de forme et entamer le renouvellement d'un catalogue un brin vieillissant, Konami compte sur NeverDead, le jeu développé par les Britanniques de Rebellion (le dernier Aliens vs. Predator) et produit par Shinta Nojiri, qui a notamment œuvré sur de nombreux Metal Gear Solid.
Chasseur de démons talentueux, Bryce a fait parler sa fougue et son imprudence lorsqu'il s'en est allé défier le plus redoutable des monstres. S'il avait pu connaître par avance les conséquences de ses actes, il n'aurait d'ailleurs probablement pas engagé le combat. Toujours est-il que la bataille contre le roi des démons s'est soldée par un échec. On peut même affirmer que cette dernière a viré à la catastrophe. Dans l'affrontement, notre héros a perdu sa femme mais également tout espoir d'oublier ce terrible destin. En effet, maudit par son adversaire, il se retrouve prisonnier de son propre corps. Le voilà immortel. L'histoire de NeverDead débute 500 ans après cette tragédie. Bryce est aujourd'hui un membre de la NADA, l'agence nationale de lutte contre les démons. Il continue donc son métier mais en faisant montre d'une incroyable désinvolture. La notion même de motivation semble lui être complètement étrangère. Il erre plus qu'il ne vit. Il faut dire qu'il ne peut en aucun cas mourir. Ce qui l'empêche de ressentir de la peur et d'appréhender logiquement le danger se présentant devant lui. De quoi irriter sa coéquipière, Arcadia, qui risque elle sa peau à chaque seconde dans ce monde terrifiant. Les deux protagonistes vont donc en permanence se balancer des piques, affichant ainsi clairement leur différence de caractère et de point de vue. Un vrai travail sur les dialogues a été fourni pour que l'humour soit omniprésent. L'autodérision dont fait preuve Bryce est un régal.
Si l'histoire de NeverDead repose complètement sur les épaules du personnage principal, c'est également le cas du gameplay. Via une vue à la troisième personne très classique, le joueur contrôle Bryce (et uniquement lui), notre ami chasseur de démons qui ne craint rien ni personne. Justement, l'ensemble des mécaniques de jeu repose sur l'immortalité de ce dernier. Dans ce titre conçu en Grande-Bretagne chez Rebellion, vous ne devez pas réfléchir comme à l'accoutumée. Oubliez les vieux réflexes acquis sur les autres jeux d'action. Ici, vous n'avez pas à chercher à vous cacher pour éviter les attaques d'un ennemi. De manière consciente, vous pouvez même foncer sur lui pour vous faire joyeusement massacrer. Qu'importe, on l'a dit, Bryce ne peut pas mourir. Jamais. En revanche, son corps se retrouve souvent mis en pièces. Il peut alors perdre indépendamment ses bras, ses jambes et... sa tête. Si tel est le cas, la caméra se concentre sur cette dernière, que vous continuez de contrôler à travers le niveau. Il suffit toutefois de rouler sur les parties manquantes de votre personnage, éparpillées aux quatre coins d'une pièce, pour qu'il retrouve son apparence normale. Le jeu prend alors des allures d'un Katamari gore. Si l'on patiente suffisamment longtemps, Bryce peut aussi reconstituer l'ensemble de son corps instantanément.
Evidemment, Rebellion et Konami ont cherché à exploiter ce concept au maximum. Ainsi, Bryce doit par exemple consciemment mettre les mains dans des blocs d'alimentation électrique afin de voir son corps se scinder en plusieurs parties. Avec sa seule tête, il peut alors se faufiler dans des conduits d'aération très étroits et atteindre des lieux inaccessibles sans cette petite manipulation quelque peu sanglante. Au fur et à mesure des combats, vous obtiendrez également des points d'expérience qui vous permettront d'acheter des compétences. Certaines d'entre elles donnent accès à des techniques spéciales. Bryce pourra par exemple détacher l'un de ses bras puis s'en servir comme d'un explosif. Une stratégie qui peut s'avérer particulièrement efficace contre les démons les plus bêtes. Ceux qui se ruent sans réfléchir sur votre bras pour le becter. La suite est facile à imaginer. Cette immortalité sert Bryce dans différentes situations, toutes très singulières. Il peut enflammer son corps au contact d'une source de chaleur intense. Ce qui lui permet de tirer des balles brûlantes consumant directement les ennemis lorsqu'elles traversent leur corps. Evidemment, nous n'avons pu voir qu'un échantillon des possibilités imaginées par Shinta Nojiri et ses équipes. Mais on sent que la réflexion autour des pouvoirs du personnage a été poussée assez loin.
Si l'on met de côté toutes ces mécaniques tournant autour de l'impossibilité de mourir, on se trouve en face d'un TPS un peu plus banal. Forcément. Bryce utilise notamment deux flingues (d'autres armes seront disponibles par la suite), un dans chaque main, ainsi qu'une épée pour se défaire de ses adversaires. Les combats s'avèrent alors beaucoup plus classiques malgré la possibilité de détruire quelques éléments du décor. Tirer sur un mur chancelant ou un plafond un peu friable peut anéantir les démons en une fraction de seconde. Globalement, ces monstres ne nous ont pas paru spécialement brillants. Ils attaquent de manière frontale en espérant vous déchiqueter, ce qui vous arrange la plupart du temps. Une IA limitée qui ne nuit donc pas foncièrement au jeu. On aurait en revanche aimé qu'Arcadia, qui vous accompagnera souvent durant vos péripéties, soit elle un peu plus maligne. Si elle se montre souvent efficace, elle a aussi trop tendance à se jeter dans la gueule du loup sans chercher à comprendre. Ce qui pose un problème majeur puisque sa mort signifie le game over direct. Eh oui, si Bryce ne peut succomber aux blessures qu'on lui inflige, ce n'est pas le cas des autres protagonistes. Du coup, lorsque la vie de la belle est en danger, il faut impérativement se dépêcher pour l'aider ou la soigner si la situation est plus grave. L'autre possibilité de game over tient au personnage principal. Certes, sa mort est impossible mais le monstre appelé ground baby se fera en revanche un plaisir d'avaler sa tête si celle-ci se balade impunément sur le sol. Bryce se retrouvera alors digéré à l'infini par cette immonde bestiole courte sur pattes. Il faudra prendre en considération ce risque lorsque notre avatar est en morceaux.
Côté progression, on l'a dit, vous pouvez acheter des compétences grâce à l'expérience gagnée au cours des combats. Il en existe 70 différentes. Elles peuvent être liées à l'utilisation des parties du corps de Bryce, ou non (sprint plus rapide, augmentation de l'efficacité de l'épée, possibilité de passer momentanément le jeu en mode bullet time...). La problématique qui se pose très vite est liée au fait que chaque compétence occupe un nombre de slots différents en fonction de leur efficacité et que vous ne possédez que 10 slots au départ du jeu (16 à la fin). Il faudra donc choisir en fonction de ce qui nous intéresse et forger ainsi son style de jeu. Pour ce qui est de la structure des niveaux, le flou demeure pour le moment. Le premier tableau vous demande de faire le ménage dans un asile. En gros, de tuer des ennemis, d'actionner quelques mécanismes et de déclencher les scripts suivants en avançant. On espère un peu de variété dans les situations par la suite. On sait en revanche d'ores et déjà que le jeu possédera un contenu relativement étoffé avec une bonne dose de multi à la clé. Coopération à 4 et compétition seront au final de la partie, avec là aussi, la possibilité d'utiliser la plupart des compétences acquises en solo. A noter quand même qu'à l'image du bullet time, certaines seront évidemment proscrites.
Visuellement sympa mais pas démoniaque non plus (textures pas très propres notamment), NeverDead jouit en revanche d'une ambiance plaisante. On apprécie les sarcasmes de Bryce, le contraste avec le sérieux de sa partenaire mais aussi le côté gore décontracté de l'ensemble. En dépit du fait qu'il a été développé par Rebellion, on sent que le projet est dirigé par un Japonais. Malheureusement, un point particulièrement négatif pourrait venir gâcher la fête. Ce dernier concerne la maniabilité de Bryce. Manette en mains, le contrôler s'avère particulièrement laborieux, du moins lorsque son corps est intact. Une rigidité excessive au niveau des déplacements qui pourrait vraiment poser de nombreux problèmes à l'arrivée lors des combats. Espérons que ce soit réglé d'ici à la sortie du jeu, prévue pour début 2012, sans plus de précisions.
Konami tient avec NeverDead une nouvelle licence intéressante. C'est certain, elle n'engendrera pas des recettes record pour la firme japonaise et ce n'est d'ailleurs probablement pas son ambition. Mais ses mécaniques de gameplay originales tournant autour de l'immortalité de son personnage principal peuvent potentiellement séduire pas mal de joueurs. Il faudra en revanche impérativement essayer de corriger cette rigidité pénible lors des déplacements de Bryce et peaufiner quelques autres détails (IA de l'équipière notamment) pour ne pas frustrer le public. Le genre TPS étant très concurrentiel, il en va de l'avenir du titre. Pour le moment, on peut en tout cas espérer l'arrivée prochaine d'un bon jeu.