Vous êtes l'homme de la situation. Applaudi par vos pairs pour vos compétences et votre savoir, vous bravez tous les dangers dès qu'il s'agit de rendre service aux citoyens. Opérant dans l'ombre, personne ne connaît votre identité et les gens passent à côté de vous sans même vous remarquer. Vous êtes le seul à pouvoir remplir les missions qui vont vous être confiées car vous êtes le meilleur agent. Mais pas n'importe quel type d'agent... Un agent de la DDE.
Imaginez un peu la scène, vous vous baladez tranquillement dans votre magasin de jeux vidéo préféré, à la recherche de la nouvelle perle qui atténuera votre appétit de gamer. La fin d'année étant propice à la sortie de blockbusters intergalactiques, vous avez l'embarras du choix pour satisfaire votre passion. Alors que vous hésitez devant toutes ces merveilles, voilà que votre regard croise un titre que vous n'aviez pas vu venir. Oui, là, entre Battlefield 3 et Skyrim : Travaux Routiers Simulator 2011 vous tend les bras.
Devant un nom aussi ridicule, vous commencez d'abord par demander au vendeur qui a fait ce gag pourri en collant une fausse jaquette sur une vraie boîte de jeu. Devant le regard interloqué de ce dernier, vous comprenez enfin à quel point le monde est une éternelle énigme. Plus énigmatique encore sera la seconde où naîtra dans votre esprit malsain l'envie absurde de vous le procurer. Ca s'appelle un phénomène surnaturel, que même le masochiste le plus hardcore ne saurait expliquer. Car peu importe si toute votre famille officie dans les travaux publics depuis 18 générations, Travaux Routiers Simulator 2011 ne doit jamais, Ô grand jamais poser un seul de ses octets sur votre PC. Si cela arrive, aucun formatage de disque dur ne pourrait nettoyer votre âme de l'infamie à laquelle vous l'avez soumise. Vous seriez damné, et les voix d'outre-tombe vous hanteraient à jamais. Maintenant que vous êtes prévenu, tentons d'expliquer pourquoi.
Comme son nom nous l'indique subtilement, Travaux Routiers Simulator nous propose de prendre part à des opérations consistant à refaire, reconstruire ou encore nettoyer des routes. Dès le départ, on sent donc la sexy attitude qui se dégage d'un contexte follement excitant. D'ailleurs, avant même d'arriver sur le premier écran de jeu, vous comprenez à la fenêtre d'installation que vous venez de rentrer dans une faille temporelle, découvrant ainsi les jeux vidéo d'antan. Pas de choix graphiques, une police que l'on croyait oubliée, on en regretterait presque le Minitel. Bref, la partie est lancée, et vaillant que vous êtes, vous arrivez sur les premiers lieux du crime. Devant vous, la catastrophe : une chaussée en très mauvais état avec de multiples trous dignes des Champs-Elysées après le passage d'un char Leclerc. Mais outre ce terrible carnage routier, ce qui vous choquera le plus est l'aspect visuel du jeu. En 1992, n'importe quel bidouilleur d'ordinateurs était déjà capable de faire quelque chose de moins vomitif que Travaux Routiers Simulator.
Imaginez le pire dans votre esprit... le titre édité par Tradewest est au-delà de ça. Car s'il est déjà difficile de passer outre les textures immondes au point de ne pas pouvoir reconnaître un simple trottoir, il est quasiment impossible de regarder dans une direction sans tomber sur une dizaine de bugs nocifs. Par exemple, si des pans du sol sont gris, c'est juste parce que le(s) développeur(s) (on hésite à croire qu'ils étaient plusieurs) n'ont pas jugé bon de mettre des textures partout. Et ne croyez pas qu'on soit allé chercher la petite bête dans des zones reculées. Nous sommes toujours au point de départ de notre première mission. Et pourtant, on ne peut pas dire que le coin fourmille de détails puisque les rues sont pratiquement vides, hormis un ou deux personnages immobiles et complètement difformes. Mais il faut croire que les façades d'immeubles en papier mâché étaient déjà trop compliquées à gérer.
Allez, soyons fous et passons à l'action. Pour refaire la route, il va falloir utiliser un outil peu conventionnel : un marteau piqueur. Oui oui, vous allez bien combler un trou avec un marteau piqueur... Pour cela, il suffit de prendre l'outil et de passer sur les zones endommagées tout en secouant la souris dans tous les sens pour le redresser. Si vous arrivez à mettre de côté l'illogisme de la situation, une ergonomie ridicule avec des commandes visiblement situées sur des touches au hasard ou encore le fait que la caméra ne suive pas les mouvements du marteau piqueur, vous arriverez peut-être à faire quelque chose de correct. Au bout de quelques minutes, voilà qu'une nappe de texture grisâtre recouvre le trou, ce qui signifie dans le monde obscur de Travaux Routiers Simulator que vous avez bien fait votre travail. Non seulement une nouvelle mission s'ouvre à vous, mais vous pouvez aussi vous balader librement dans celle que vous venez de finir... Mais là encore, le titre arrive à nous surprendre.
Le mot "librement" prend soudainement tout son sens quand vous vous rendez compte qu'aucun bâtiment, objet ou véhicule ne possède de propriété physique. Oui oui, vous avez bien lu, vous pouvez passer à travers tout ce que vous voyez sans aucun problème, sortant ainsi de la minuscule scène de jeu pour partir vers l'infini dans une sorte de désert sans fin. Non mais sérieusement, c'est fait exprès pour se foutre de notre tronche non ? Pourtant, pas la peine de chercher un easter egg, ou un passage secret menant vers un vrai jeu : vous êtes bien arrivé dans le néant vidéoludique. Et cette observation est valable pour le titre dans sa totalité, dont chaque mission, déblocable tour à tour, semble vouloir rivaliser de génie pour monter sur la plus haute marche du podium des scènes les plus risibles, ratées, buggées et navrantes du jeu vidéo.
Car si plusieurs véhicules vous sont proposés dans Travaux Routiers Simulator, ils ont un point commun récurrent qui s'avère être le leitmotiv de la série : absolument incontrôlable. Le temps de réaction à vos demandes est un véritable outrage au terme jouabilité. A moins d'être complètement bourré, la conduite en zigzag n'a jamais été considérée comme étant une technique officielle. Pire encore, la lenteur affligeante qui touche tout ce sur quoi vous pourrez poser vos gants ignifugés peut causer des crises de tétanie aux plus nerveux d'entre vous. Par exemple, une mission vous demande de recouvrir une large zone de sable. Je défie personnellement les plus grands speed-runners de la planète de la réaliser en moins d'une heure, et ceci sans ne jamais penser au suicide. Non seulement remplir le véhicule prend des plombes, mais le conduire sur la zone et déverser le sable en gardant une certaine cadence (lente) ressemble plus à une phase de torture que de gameplay.
En fait, après avoir été obligé de jouer à ce jeu pendant toute une après-midi, une seule théorie restera dans votre esprit. Celle du complot. Il est absolument impossible qu'il en soit autrement. Travaux Routiers Simulator 2011 est la preuve qu'une entité maléfique veut la destruction de l'humanité, et qu'elle a considéré que le meilleur moyen d'y parvenir était d'atteindre directement notre santé mentale. Que ce soit le diable, les extraterrestres ou les illuminatis, peu importe. Tout ce que l'on sait, c'est que vous ne pouvez pas sortir indemne d'une partie, au point de vous réveiller la nuit, en sueur, suite à un cauchemar mettant en scène un tractopelle. S'il vous plait, pour le bien de l'espèce humaine, ne touchez jamais à ce DVD... Oh, pardon, CD.
- Graphismes2/20
Même en 1992, la note n'aurait pas dépassé 8. Les textures faites sous Paint, c'est sans doute drôle pour couler une blague vaseuse à un pote, mais dans un jeu vidéo, c'est pas trop ça.
- Jouabilité1/20
Ce n'est pas jouable. C'est tout. Et même si on arrive à manier le bousin assez efficacement pour avancer dans la mission, on s'ennuie comme un rat mort.
- Durée de vie2/20
Tout dépend de la biodégradabilité du CD, une fois jeté à la poubelle.
- Bande son2/20
C'est sympa d'avoir pensé à faire des bruits de voitures... Manque plus que les voitures quoi.
- Scénario/
Comment peut-on cumuler avec une telle conviction autant de bugs, d'aberrations et d'illogismes dans un jeu vidéo ? Voyez le CD de Travaux Routiers Simulator 2011 comme la cassette hantée du film Ring. Si vous le lisez, il vous rongera de l'intérieur, sans aucune pitié pour votre âme naïve. Le niveau zéro du gameplay, des graphismes et du fun, voici un véritable concentré de n'importe quoi. En fait, on est sûr qu'il ne marche même pas pour éloigner les pigeons sur votre balcon.