Syndicate : un nom culte, qui aujourd'hui encore fait vibrer les joueurs trentenaires. Si vous aussi appartenez à cette race qui perd ses cheveux et se remet de plus en plus difficilement des beuveries, vous avez sans doute connu des émotions diverses à l'annonce du retour de la série. Partagé entre la joie de voir ce titre phare revenir sur le devant de la scène, et une inquiétude légitime concernant le respect de l'œuvre. Alors, joie ou inquiétude ? Voici un premier aperçu qui devrait faire pencher la balance du bon côté.
Pour les plus jeunes d'entre vous, un petit retour en arrière s'impose. Syndicate, sorti en 1993, est un des titres cultes du mythique studio Bullfrog. Le jeu vous place à la tête d'une corporation dans un univers cyberpunk. Dans la phase principale, en vue isométrique, vous dirigez quatre agents blindés d'implants cybernétiques chargés d'accomplir diverses missions (assassinat, extraction, sabotage...). Le gameplay, assez tactique, permet plusieurs approches allant de l'infiltration à l'action pure et dure. Entre chaque mission, vous utilisez vos ressources pour rechercher de nouvelles technologies, gérez l'imposition de vos territoires et partez à la conquête d'autres secteurs sur une carte globale. Syndicate mélange donc habilement plusieurs genres, et bénéficie d'une ambiance violente particulièrement réussie.
Le jeu connaît une extension et une suite, Syndicate Wars, sortie en 1996. Depuis, plus rien. Mais en 2008, une rumeur insistante commence à circuler. Un certain Project Redlime, en développement chez Starbreeze, ne serait autre qu'un nouveau Syndicate ! Trois ans plus tard, Electronic Arts s'est enfin décidé à officialiser la chose : Syndicate revient, sous forme... d'un FPS ! Ce choix peut paraître curieux, mais après tout le FPS est un genre à la mode, tandis que les jeux de tactique sont un peu tombés en désuétude... Il est d'ailleurs intéressant de noter qu'un autre jeu tactique culte de la même époque, X-COM, va avoir droit à une version shooter. De plus, le CV de Starbreeze incite à la confiance : le studio suédois s'y connaît en FPS à forte ambiance, puisqu'on lui doit The Chronicles of Riddick et The Darkness. Mais si on y regarde de plus près, les choses ne sont pas aussi simples. La plupart des développeurs ayant travaillé sur ces deux titres ont depuis quitté le navire pour fonder MachineGames... La prudence est donc de mise.
Et il faut bien dire que le tout premier contact avec Syndicate n'était pas très réjouissant. Le producteur exécutif du soft, Jeff Gamon, a commencé par nous faire une démo du mode multi, qui proposera neuf missions coopératives pour quatre joueurs, dont des remakes issus de l'épisode original. Dans le niveau présenté, les protagonistes se contentaient d'avancer sur un toit en dézinguant des ennemis à la pelle dans une séquence incroyablement bourrine. "Syndicate, mais qu'ont-ils fait de toi ?" Telle est la pensée qui m'assaillait durant ces longues minutes. Alors bien sûr, il paraît qu'il y aura des subtilités, comme du piratage et divers rôles à jouer (tank, scout, support...), mais ça ne sautait pas vraiment aux yeux. Ça ne veut pas dire que ce mode multi sera mauvais, il semble juste hors sujet quand on veut s'appeler Syndicate. Cette démo, c'est un peu comme aller voir Blade Runner et se retrouver devant le dernier Michael Bay. Finalement, la chose la plus marquante était le design de la carte présentée. Avec ses lignes épurées, sa dominante blanche et ses rambardes et tuyaux orange, elle faisait furieusement penser à Mirror's Edge ! Seule une colonne de véhicules volants, au loin, venait rappeler que nous étions bien dans le futur. Comme il s'agit de deux jeux EA, on ne peut pas accuser l'éditeur de plagiat, mais tout de même, cette incroyable ressemblance était pour le moins troublante.
Heureusement, tous les doutes soulevés par le multi ont rapidement été balayés par ce que nous avons pu voir du solo. Une mission entière était jouable, la même que vous pouvez voir dans la longue vidéo de gameplay diffusée à l'annonce du soft. On y incarne l'agent Miles Kilo, chargé de pénétrer dans le siège de la corporation Aspari pour récupérer une précieuse puce. Dès les premiers pas, le design est beaucoup plus convaincant. L'aspect cyberpunk est bien présent par le biais de multiples détails : terminaux, hologrammes... Sans être impressionnants, les graphismes sont très propres et l'ambiance futuriste est bien là. Ouf. En bon cyborg, le joueur reçoit évidemment une tonne d'informations sur l'environnement qui l'entoure, dont beaucoup sont juste là pour faire joli ("oh, ce modèle de canapé a été conçu par Ikeacorp en 2028"). Il est ainsi possible de voir quels éléments du décor sont interactifs et lesquels peuvent être piratés, une composante essentielle du gameplay. Une vue spéciale, en noir et blanc, permet même de faire ressortir les ennemis planqués.
Pour pénétrer à l'intérieur du complexe, il faut commencer par prendre le contrôle d'un garde. Les fans du premier volet se souviendront avec émotion du Persuadertron, une puissante arme psychique. Elle n'est pas présente ici, mais le principe est similaire : vous court-circuitez le cerveau d'un pauvre garde pour le forcer à zigouiller son petit camarade avant de se tirer une balle dans le citron (et de vous ouvrir le passage, comme c'est gentil). Une scène assez jouissive. Dans le même ordre d'idées, il est possible de fracasser le crâne des scientifiques du complexe, qui n'en avaient pas tant demandé. Bref, on retrouve la violence gratuite envers les civils du premier épisode, pour notre plus grande joie. La mission se poursuit par quelques gunfights classiques avant d'arriver à l'objectif : la puce, située dans la tête d'un certain Chang. Son extraction ne pose pas de problème à notre héros, qui compte apparemment la trépanation parmi ses talents cachés. L'acquisition de la puce permet de dépenser un point dans un arbre de compétences assez fourni. Au fil de la progression, il est ainsi possible de se spécialiser dans divers domaines (combat, piratage, camouflage, etc.).
Une fois la puce récupérée, encore faut-il sortir de la salle alors que tous les gardes sont en alerte. Il est évidemment possible de foncer dans le tas et de tuer tout le monde. Mais on peut aussi pirater une tourelle et lui laisser faire le sale boulot, ou encore prendre le contrôle d'un garde pour le retourner contre ses collègues. Il y a donc plusieurs façons d'aborder une même situation, bien que le level design de cette mission soit parfaitement linéaire, à l'inverse d'un Deus Ex (auquel Syndicate sera forcément comparé à sa sortie, FPS cyberpunk oblige). C'est toujours mieux que le FPS moyen, où il n'y a généralement qu'une seule solution. La mission se poursuit par l'acquisition d'un gauss gun, dont les projectiles suivent automatiquement la cible verrouillée, et se termine en flinguant quelques drones. Le tout se plie en dix minutes, à l'issue desquelles le principal sentiment est l'envie d'en voir plus, ce qui est plutôt bon signe. Syndicate est certes devenu un FPS, mais un bon FPS, du genre qui laisse le joueur choisir comment progresser. Surtout, le jeu a peut-être changé de genre, mais il n'a pas oublié l'âme de la série en chemin, car l'atmosphère cyberpunk violente est bien là ! Rassurés ?
Evidemment, il est difficile d'émettre un jugement sur une seule mission d'une durée de dix minutes. La brièveté de cette démo était d'ailleurs frustrante : nous voulions jouer plus ! Car le peu que nous avons pu faire était emballant : l'ambiance est réussie, le design est chouette et le gameplay est ouvert. Bref, nos craintes initiales sont en grande partie balayées par ce premier contact convaincant.