Ultime extension téléchargeable pour Fallout New Vegas, Lonesome Road vous entraîne sur les traces du Courrier 6, celui-là même qui avait refusé de livrer le jeton de platine au début du jeu original. Voilà de quoi conclure en beauté après trois extensions de qualité inégale. Et pourtant...
Dans un récent entretien accordé à la International Game Developers Association, Chris Avellone, le directeur créatif d'Obsidian, déclarait que même si son équipe aurait préféré concevoir une grosse extension pour Fallout : New Vegas, elle avait trouvé particulièrement intéressant de travailler sur des contenus téléchargeables. Ces derniers permettent en effet de réutiliser les éléments techniques et graphiques existants pour se concentrer sur l'écriture. Le problème, c'est qu'aucun des 4 DLC ne nous aura vraiment permis de profiter de ces velléités scénaristiques. Entre un Dead Money très bourrin, un Honest Hearts dégageant une impression de vide et un Old World Blues sabordé par ses quêtes Fedex, le constat était accablant. On comptait donc sur Lonesome Road pour relever le niveau, d'autant que son pitch laissait deviner de nombreuses connexions avec le jeu de base. Hélas, cette quatrième extension téléchargeable se révèle être un véritable fiasco narratif et rôlistique.
L'histoire vous confronte à Ulysses, le "véritable" Courrier 6, qui pour une raison inconnue avait refusé de livrer le jeton de platine à New Vegas, conduisant par là-même le suivant sur la liste – à savoir vous – à une mort certaine, ou presque. Etait-il au courant du risque encouru ? Quoi qu'il en soit, Ulysses a fini par apprendre que vous étiez encore en vie et il semble qu'il ait quelque reproche à vous faire, lié à l'endroit où il vous convie : la Ligne de partage. Cette zone située au nord-ouest du Mojave, qui symbolisait un certain renouveau mais qui a rapidement attiré l'attention de La République de Nouvelle Californie et de la Légion de Caesar, a fini par être éventrée par une pluie d'ogives nucléaires. Quel rôle avez-vous joué dans ce désastre? Pour le savoir, il vous faut traverser ce lieu inhospitalier, qui est aujourd'hui le refuge des hommes-stigmates – des survivants écorchés par les tempêtes radioactives, ainsi que de créatures encore moins avouables. Ulysses vous guidera jusqu'à son repaire en vous transmettant ses messages par l'intermédiaire de ED-E, un eyebot attachant qui vous accompagnera dès le début de l'aventure. Hélas, en dehors de ces deux protagonistes, vous ne croiserez pas le moindre petit PNJ : dépourvue d'interactions sociales, de quêtes secondaires et de toute narration digne de ce nom, l'aventure n'est faite que d'une succession de combats contre les autochtones, régulièrement ponctués par les élucubrations radiophoniques d'Ulysses, histoire de vous rappeler la finalité du propos.
Voilà une préoccupation bien superflue étant donné la linéarité de la progression, qui prend la forme d'un long couloir au bout duquel vous attend votre rival. Cela permet à Obsidian de vous offrir une ambiance très travaillée dans des environnements spectaculaires, encore plus apocalyptiques que de coutume. Mais sachez que vous ne pourrez guère dévier de votre route que pour aller visiter un bâtiment par-ci, par-là, dans l'espoir de glaner quelques munitions. Ces dernières seront d'autant plus précieuses que la difficulté est mal dosée : après une heure passée à démembrer gaiement les hommes-stigmates, qui ne représentent pas une véritable menace, vous tomberez sur des créatures inédites, les tunneliers, capables de défoncer en quelques secondes un personnage de niveau 40 là où l'extension réclame seulement d'avoir atteint le 25. Pour augmenter indûment le challenge, on vous sert même à l'occasion quelques mini-boss bien équipés, sans parler des grappes de griffemorts à combattre sur des tronçons autoroutiers. Mais la cerise sur le gâteau, cela reste sans conteste la présence de scripts faisant surgir des ennemis autour de vous dans certains lieux donnés. Voilà de quoi donner la migraine aux snipers et aux joueurs furtifs. Le plus drôle, c'est que ces séquences scriptées doivent composer avec les défaillances techniques inhérentes au jeu de base : le spawn d'un griffemort sur la caravane où vous venez de pénétrer serait quand même plus impressionnant si ses pieds ne passaient pas à travers le toit...
Bref, quand Fallout New Vegas se la joue Metro 2033, cela ne donne rien de bon. Seuls quelques aspects parviennent à sauver Lonesome Road de la mouise la plus complète. Pour commencer, votre compagnon robotique ED-E peut être modifié avec des améliorations trouvées çà et là, ce qui lui permettra entre autres de réparer quotidiennement l'arme que vous portez ! Ce DLC inclut par ailleurs quelques équipements très intéressants, dont une série d'armes originales (arc électrique, pistolet à clous, mitrailleuse d'épaule...) qui ont le mérite de négliger aucun domaine (de contact ou à distance, à balles ou à énergie, etc.). Comme il est de coutume, l'ensemble s'accompagne d'une série de nouveaux perks et d'un level cap repoussé de 5, ce qui donnera l'occasion aux joueurs ayant acquis les 3 extensions précédentes d'atteindre le niveau 50. Enfin, il faut savoir que cette dernière extension trouve sa raison d'être a posteriori. En effet, si la rencontre avec Ulysses pourra se solder de plusieurs façons différentes, le choix final aura également des répercussions bien marquées sur la suite de vos aventures dans le Mojave, avec quelques surprises en perspective. Voilà qui lui procure un petit capital sympathie, et qui la rend un tantinet plus recommandable qu'un certain Operation Anchorage en son temps. Mais la proximité entre ces deux DLC donne la désagréable impression d'avoir bouclé une boucle qu'on aurait aimé voir évoluer plus favorablement. Il est vraiment temps, pour Bethesda comme pour Obsidian, de passer à autre chose.
- Graphismes13/20
Même s'il faut payer le prix d'une forte linéarité, Lonesome Road offre des environnements post-apocalyptiques encore plus crédibles et encore plus spectaculaires que de coutume. Dommage qu'il faille une fois encore composer avec les défaillances techniques d'un moteur vieillissant.
- Jouabilité9/20
Centrée sur les affrontements contre les créatures locales, cette extension évacue totalement les interactions sociales et relègue l'exploration au second plan. A défaut de dynamiser la progression, les tentatives de script prêtent à sourire, du moins si l'on ne joue pas un perso furtif.
- Durée de vie6/20
Lonesome Road propose une durée de vie de 3 à 4 heures de jeu, que vous ne pourrez guère augmenter en farfouillant à droite et à gauche, les "à-côtés" étant rares en dehors de quelques éléments à débloquer (affiches, augmentations de ED-E, parcelles de votre passé...).
- Bande son13/20
Aucune nouvelle composition musicale, mais il faut reconnaître que les thèmes originaux s'accordent parfaitement avec le design de cette extension, encore plus apocalyptique que de coutume. Les bruitages sont égaux à eux-mêmes et les doublages en français sont soignés.
- Scénario11/20
Le pitch était prometteur ; la déception est d'autant plus grande. Sorti des interventions "WallE-esques" de ED-E et des élucubrations d'un Ulysses qui s'exprime par images (rappelant d'ailleurs en cela Joshua Graham de Honest Hearts), la narration et les personnages sont totalement laissés pour compte. Seules les conséquences du choix final relèvent l'aspect scénaristique.
Fallout New Vegas : Lonesome Road est une extension décevante, qui fait figure d'immense bras d'honneur à l'intention de tous ceux qui appréciaient le jeu de base pour ses interactions sociales et son potentiel rôlistique. Cet ultime add-on téléchargeable déroule son long couloir bourrin en faisant fi de tout ce qui fait un bon jeu de rôle : la narration, les quêtes et les PNJ, ici totalement laissés pour compte. Il ne lui reste dès lors pour convaincre l'acquéreur que son ambiance travaillée ainsi que les conséquences entraînées par le choix final. Mais il est plus que temps d'arrêter les frais et de passer à autre chose, la licence ayant largement prouvé son incompatibilité avec le principe même du DLC.