Après quelques jours passés à dévorer une version preview de The Witcher II proposant une grosse portion du jeu (le long prologue et l'intégralité du premier chapitre), nous ne pouvions manquer de vous livrer nos nouvelles impressions sur ce jeu de rôle très attendu, qui a la lourde tâche de succéder à un premier volet qui a fait date.
Autant vous le concéder d'emblée, cette version preview de The Witcher II nous aura fait passer par tous les stades émotionnels possibles : fascination, inquiétude, colère, jubilation, incompréhension, soulagement... La faute incombe à une grande disparité entre les deux segments de jeu proposés. Le prologue et le début du premier chapitre prennent en effet la forme d'un long couloir bavard, très bourrin et peu interactif, truffé de séquences cinématiques interminables et de QTE inutiles. Là, on se pince, on se demande ce qui se passe et on va jusqu'à s'imaginer l'équipe du jeu dilapidant de façon obscène et décadente l'argent gagné après avoir vendu son âme au diable. Mais on se ressaisit et on se rappelle aussi à quel point le prologue du premier opus ne laissait en rien présager des qualités réelles du jeu. Alors on s'accroche, et on a raison, parce que la suite n'a finalement pas grand-chose à voir avec cette entrée en matière alarmante. Au terme du premier chapitre, on est même totalement rassuré sur les intentions des Polonais de CDProjekt, qui – tout de même – ne devraient pas jouer comme ça avec nos nerfs.
La liste de sujets à ne pas aborder dans le cadre de cet aperçu nous empêche d'évoquer décemment le scénario de The Witcher II. Nous nous bornerons à mentionner que Géralt, qui sera assisté au fil de son périple par ses vieux compagnons (Triss, Dandelion et Zoltan, pour ne citer qu'eux), est contraint d'aider le roi Foltest à mener une guerre de succession pour retrouver deux de ses bâtards. Particulièrement travaillée, la narration est servie par une mise en scène spectaculaire. Chaque plan témoigne d'un travail énorme sur la dimension épique de l'aventure. Et le tout est magnifié par une réalisation qui écrase tout ce qu'on a pu voir en termes de jeu de rôle médiéval-fantastique : les environnements d'une beauté inouïe, les jeux d'ombre et de lumière, le réalisme des visages... Tout est à couper le souffle, ou presque, puisqu'on déplorera tout de même l'abus de HDR et le manque d'expressivité des personnages durant les phases de dialogue. Mais c'est vraiment pour trouver quelque chose à redire. Et comme c'était déjà le cas dans le premier volet, la technique est mise au service d'une atmosphère particulièrement immersive.
Les PNJ croisés, qui ont pour la plupart un rôle et/ou une profession spécifiques, discutent entre eux, rentrent et sortent des bâtiments, s'abritent en cas de pluie, vous haranguent ou vous insultent, etc. La profondeur des personnages n'a d'égale que la qualité d'écriture des dialogues, qui font la part belle à l'ironie et aux thématiques adultes et modernes de l'univers violent et sans concession de Sapkowski. Les conversations intègrent même quelques nouveautés, comme la possibilité d'utiliser le pouvoir des signes pour influencer son interlocuteur, ou encore la nécessité de répondre dans un temps limité (comme dans Alpha Protocol). Les répercussions à long terme des décisions prises par Géralt semblent en outre encore plus nombreuses que dans le premier volet. Le jeu dispose de nombreuses quêtes à tiroirs intéressantes, soutenues par quelques "contrats" plus basiques, qui se résument toujours à tuer un certain nombre de créatures surnaturelles d'un certain type. Il est agréable d'évoluer dans les différentes zones de jeu, moins fermées et moins étriquées puisque de nouveaux passages s'ouvrent au fur et à mesure de votre progression.
Cette suite bénéficie surtout d'une refonte particulièrement convaincante d'un système de combat qui avait le mérite d'être original, mais qui n'avait pas convaincu tout le monde. S'il est toujours basé sur le timing, il est devenu plus dynamique et plus intuitif puisque c'est au joueur de repérer le moment où l'ennemi baisse sa garde, pour lui asséner plusieurs coups rapides ou un coup puissant, avant d'esquiver ou de parer sa riposte. Même quand ils impliquent pas mal d'adversaires simultanément, les affrontements ne donnent jamais l'impression de s'adonner à un simple hack'n slash, car ils restent très exigeants. Ils sont également spectaculaires puisque l'utilisation de certains pouvoirs donne lieu à de petites scènes d'exécution sympathiques bien que répétitives. Les combats souffrent tout de même d'un défaut qu'on espère voir corrigé d'ici la sortie du jeu : chaque monstre garde une zone délimitée et ne vous poursuit pas si vous en sortez. Or, si la vitalité de Géralt se régénère automatiquement, ce n'est pas le cas de celle de ses opposants, qui regagnent leur place en l'état. Volontairement ou non, on est souvent amené à exploiter cette faille qui nuit à l'intérêt des combats.
A ce souci s'ajoute un certain manque de précision, qui rend parfois délicat le ciblage d'une créature précise ou le loot d'un cadavre. A ce propos, on apprécie que les items équipables soient bien plus nombreux et variés que dans le premier opus. Il faut dire que Géralt a encore gagné en polyvalence : il peut se battre au corps-à-corps ou à distance, poser des pièges, assommer ses ennemis par derrière, utiliser ses signes pour interagir avec le décor, concocter des potions (à boire impérativement avant le combat), s'exercer au bras de fer, au pugilat ou aux dés, ou encore déflorer des jeunes femmes qui n'attendent pas autre chose (ce qui donne lieu à des scènes de sexe un tantinet plus osées que de coutume). On regrette toutefois certaines limitations, comme le fait que la furtivité ne soit utilisable que dans les séquences prévues à cet effet. Plus grave, la progression simplifiée ne donne désormais pour seule liberté, à chaque gain de niveau, que le choix d'une compétence dans l'un des quatre arbres disponibles (général, combat, magie et alchimie). Seul l'arbre général est accessible avant le niveau 8, sans doute pour ne pas confronter d'emblée le joueur à trop de possibilités.
Inutile de se voiler la face : la "consolisation" de cette suite est évidente et se manifeste en premier lieu au niveau de l'interface. Son organisation et son design montrent qu'elle a été pensée pour les consoles : l'inventaire présenté sous forme de listes, les quatre touches de raccourci positionnées en losange (une pour l'arme classique, la seconde pour l'arme en argent, la troisième pour les pièges ou les armes de jet et la dernière pour les signes), les icônes circulaires prêtes à afficher les boutons des pads Xbox 360 ou PS3... Le jeu peut visiblement sortir dès demain sur consoles. D'autres signes ne trompent pas, comme la présence de QTE ou l'impossibilité de réassigner les touches par défaut. On espère vivement que cette dernière limitation tient à la version preview, qui ne propose pas non plus le système de sauvegarde définitif. L'ergonomie générale est tout de même un élément de déception. Mais que ceci ne vous rebute pas outre mesure, car en dépit de toutes les réserves mentionnées dans cet article, nous avons beaucoup apprécié notre session de jeu sur The Witcher II, dont il ne nous tarde qu'une chose : c'est de connaître la suite.
Malgré le plaisir intense que nous ont procuré la mise en scène spectaculaire, la réalisation éblouissante et l'atmosphère superbement immersive de The Witcher II, nous préférons rester prudents. Tout aussi prometteuse soit-elle, la refonte du système de combat nécessite encore quelques ajustements. Et au-delà du prologue directif et de la progression simplifiée, on regrette que l'ergonomie générale ait été pensée pour les consoles de jeu. Toutefois, insistons fermement sur un point : The Witcher II ne s'annonce ni comme un Gothic IV ni comme un Dragon Age II. Doté d'un gameplay toujours aussi riche, servi par une ambiance toujours aussi mature, il ne pourra être comparé qu'à son prédécesseur.