Le prochain Call of Juarez se déroulera bien dans l’ouest américain, comme il se doit, mais étrangement, à une époque moderne. Un “Call of Juarez : Modern Warfare” en quelque sorte dont une séquence nous a été dévoilée.
Peut-on imaginer Lucky Luke sans son Jolly Jumper, les indiens, le saloon ou les diligences ? Si la question mérite d'être posée pour un des héros les plus célèbres de l'univers de la BD, elle l'est a fortiori pour le prochain Call of Juarez visiblement touché par le syndrome Call of Duty/Medal of Honor. Après deux aventures remarquées (surtout la deuxième) au temps de la conquête de l'ouest, Call of Juarez change en effet d'époque, même s'il en garde tout l'esprit, puisque selon l'éditeur et le développeur polonais Techland, « Le Far West, c'est avant tout un état d'esprit ».
Pour rassurer la presse du bien-fondé de cette orientation (ou mieux, faire passer la pilule...), Ubisoft tente un tour de passe-passe, affirmant que le western est intemporel et que, bien plus que l'époque, ce sont cinq ingrédients précis qui le font (n'en déplaise à John Wayne...) : le lieu, c'est-à-dire l'ouest américain et le Mexique, la juste dose de “sans foi ni loi”, la présence de “vrais mecs”, un minimum d'espace de liberté et enfin un ton mature et sombre. Les mauvaises langues pourront certes riposter que cela peut s'appliquer à nombre d'œuvres qui n'ont pas de rapport avec le western, ou que ce choix permet de conjurer l'inévitable comparaison avec l'univers d'un Red Dead Redemption triomphant... Les concepteurs préfèrent avancer que cette décision est principalement motivée par la volonté d'enrichir le game design. Plus d'armes, plus de véhicules, soit plus de variété. Et tant pis pour les poursuites en diligence ou les duels...
Les héros de cette aventure, aux caractères bien trempés, sont cette fois-ci au nombre de trois, réunis pour une mission commune de démantèlement d'un cartel mexicain. Ben Mc Call, descendant de Ray Mc Call (de l'épisode précédent), fils de pasteur et ancien vétéran de la guerre du Vietnam, est un détective du LAPD en fin de carrière. Kim Evans, sexy, procédurière et ambitieuse appartient au FBI. Eddie Guerra, personnage audacieux qui a le sens du spectacle, est membre du DEA, l'agence antidrogue américaine. Chacun a aussi un côté sombre : le premier doit assumer une vengeance personnelle, la deuxième a un passé au sein d'un gang, le troisième a des problèmes de jeux et de dettes. Techland a visiblement beaucoup travaillé autour des personnages, de leur caractère, de leur histoire, comme c'était déjà le cas avec les frères Mc Call de Call of Juarez : Bound in Blood. Mais on sent ici une volonté encore plus affirmée de se concentrer sur les personnages afin de leur donner le charisme qui permet à la sauce de prendre. On ne peut évidemment que s'en réjouir. En revanche, contrairement à l'épisode précédent où l'on incarnait en alternance les frères Mc Call pour les différentes missions, ici, on choisira un des trois personnages dès le départ, une fois pour toutes. Plus possible d'en changer, à moins de recommencer le jeu.
Dans ce nouvel épisode, le scénario, qui peut être bien sûr abordé en solo, est avant tout conçu pour un mode coop distant à deux ou trois, chaque joueur incarnant un des personnages (l'intelligence artificielle se chargeant du troisième s'il y a lieu). Côté pile, chaque joueur jouit de son propre angle de vision et cet état de fait permet d'apporter une jolie complémentarité afin de se tirer aisément de mauvaises situations. Côté face, ils doivent s'attendre les uns les autres... La mission que nous avons pu suivre (en coop) apparaît comme assez représentative de ce que l'on pourra vivre dans l'ensemble du jeu. Elle débute dans le véhicule de patrouille des trois héros. Il s'agit d'infiltrer l'appartement d'un suspect puis de l'interroger pour retrouver un chef de bande nommé Jesus. Dialogues soignés et percutants, cinématiques nombreuses (deux fois plus que Call of Juarez : Bound in Blood selon Ubisoft), la mission voit enchaîner les situations : filature du suspect en véhicule, puis à pied dans une ruelle (l'occasion de jouer des poings avec les guetteurs), pour se poursuivre dans une discothèque bondée, où une discussion avec des caïds sortis tout droit d'un clip de MTV dégénère en fusillade... laquelle se poursuit dans la rue puis s'enchaîne sur une course-poursuite sur l'autoroute où les véhicules explosent comme des barils de poudre. A fond, à fond, à fond, sans répit, telle était la feuille de route qui visiblement a été respectée. On ne devrait pas s'ennuyer même si tout ça a un peu des airs de déjà-vu. On pense évidemment à Kane & Lynch ou même à GTA IV pour l'utilisation de véhicules et la liberté de s'en servir. Que reste-t-il de Call of Juarez hormis le titre et un certain savoir-faire en matière de narration ? Les séquences de bullet time pour abattre une brochette d'adversaires (ralenti qui bénéficie aussi aux partenaires du mode coop) et un système de mise à couvert en collaboration avec le partenaire. A noter que des points sont gagnés en fonction de la réussite des missions, ce qui permet de débloquer des armes (l'arsenal compte entre 20 et 30 armes selon les concepteurs), que les dommages collatéraux sont acceptés jusqu'à un certain point (vous échouerez dans la mission si vous descendez trop de civils) et que le jeu passe de 16+ à 18+, ce qui annonce un niveau de violence supérieur. Pour le reste, nombre de points d'interrogation subsistent, l'éditeur ne souhaitant pas abattre toutes ses cartes immédiatement. Affaire à suivre, donc.
Même si Ubisoft soutient mordicus que le western est avant tout un état d’esprit, le changement d’époque risque de faire grincer des dents, d’autant que cette époque-là, apportait une vraie touche originale au jeu. Et sans parler du risque encore plus important de voir cet épisode se noyer dans la masse des FPS qui finissent par se ressembler tous... Evidemment, on ne demandera qu’à être persuadé que les Polonais de Techland ont fait le bon choix, mais la courte séquence présentée ne suffit pas à l’affirmer... ni même à l’infirmer. Toutefois, on perçoit déjà un travail d’écriture particulièrement soigné, une narration bien menée et une atmosphère mitonnée aux petits oignons. Sans compter un rythme plus que soutenu. C’est déjà ça !