A force de reports vaguement justifiés par Polyphony, nous avons bien cru ne jamais pouvoir insérer le blu-ray de Gran Turismo 5 dans une PS3. Finalement, au bout d'un sprint chaotique, la simulation a débarqué dans les rayons avec quelques jours d'avance ! Les promesses de fusionner le réel et le virtuel ont-elles été tenues ? Les cinq années de développement ont-elles permis de réaliser les fantasmes des fans et surtout, de faire évoluer "The Real Driving Simulator" ?
Gran Turismo 5 a, ces derniers mois, été au centre de toutes les supputations, tantôt adulé, tantôt critiqué, la moindre image, la moindre vidéo contribuant à ce buzz massif dont le point culminant fut l'annonce de la date de sortie ferme et définitive du 24 novembre. Clin d'œil du destin (ou pas), le blockbuster a finalement élu domicile dans les rayons des grandes surfaces et des boutiques spécialisées quatre jours avant la date fatidique. Avouez qu'une sortie "avancée" pour un jeu six fois retardé a quelque chose d'unique dans l'histoire du jeu vidéo. Quoi qu'il en soit, l'attente a permis à Sony et à Polyphony de mesurer l'intérêt de la communauté autour de GT 5, permettant notamment au développeur de prendre son temps pour combler les attentes de chacun dans la mesure du possible. Sans mauvais jeu de mots, Gran Turismo 5 était attendu au tournant et gare aux sorties de piste ! Le joueur moyen est déjà de base peu enclin à pardonner défauts et absences, imaginez sa propension à absoudre un studio de développement après cinq longues années d'attente... D'autant que les promesses ont fusé et malgré les multiples reports, Polyphony a toujours, via la voix de Kazunori Yamauchi, affiché une confiance inébranlable en son bébé. Alors, GT 5 est-il la simulation ultime ou un produit déjà dépassé ?
Avant de répondre à cette question et de parler du gameplay, il est essentiel d'introduire le mode Carrière ou Gran Turismo ici appelé GT Life. Selon le modèle bien connu et scrupuleusement respecté de la série, il ouvre l'accès à des courses de niveau et d'intérêt progressifs sur cinq étages, partant de la modeste Sunday Cup aux courses d'endurance les plus exigeantes qui soient. Le joueur, de son côté, se constitue une collection grâce au marché du neuf et de l'occasion, en achetant toujours un peu plus cher, un peu plus puissant, un peu plus joli. Ses choix sont ponctuellement dictés par des conditions de participation strictes (marque, modèle, année, puissance...) mais il lui incombe de dépenser ses deniers à bon escient pour éviter de se retrouver sans le sou. Car son argent, il va aussi l'investir dans un magasin dit de préparation qui permet d'acheter puis d'installer des pièces sur ses bolides pour s'assurer la première place. On retrouve également les fameux permis qui, comme dans Gran Turismo 4, ne sont pas indispensables pour avoir le droit de rouler. Ils permettent simplement aux nouveaux venus de se familiariser avec la conduite très atypique de Gran Turismo. Toutefois, les développeurs ont souhaité ne pas vous ouvrir toutes les portes trop rapidement en introduisant la notion de leveling. Un niveau est donc exigé pour débloquer l'accès aux courses, celui-ci augmentant au fil de vos succès. Si ce point équilibre parfaitement la progression, on ne peut pas en dire autant des crédits qui vous sont alloués. Vous finirez le jeu dans des délais corrects et réalistes mais le tarif affiché par certaines concessions exigent des semaines et des semaines de leveling gratuit pour signer des chèques de plusieurs millions de crédits...
Côté gameplay, il faut bien admettre que les premiers contacts avec la bête font rapidement retomber l'excitation. A croire que les cinq années de développement ont servi à tout autre chose qu'à corriger et faire évoluer le gameplay ! Pour ainsi dire, le dépaysement est nul, chacun des mécanismes cher à la série a été reconduits, qu'il soit bon ou pas. Outre une impression de vitesse pas toujours évidente en vue extérieure (même avec des bêtes de courses), on doit composer avec une conduite hyper rigide empêchant tout skill ou improvisation. Gran Turismo est de fait toujours un jeu de contre-la-montre plus qu'un véritable jeu de courses. Cela se ressent d'ailleurs rapidement lorsque les premiers contacts inter-carrosseries viennent perturber la bande-son de bruitages en partie ratés. Peut-on toujours s'appuyer sur un adversaire pour prendre un virage ? Oui. Rebondit-on toujours en rentrant vigoureusement dans un rail de sécurité ou dans un mur invisible ? Oui. L'IA paraît-elle toujours aussi lourde et indéboulonnable de sa trajectoire ? Oui. Est-il toujours possible de couper vulgairement un virage sans craindre la moindre pénalité ? Oui (Non en ligne). Alors, les développeurs sont-ils têtus et enterrés dans un lot d'idées caduques ou ont-ils préféré ne prendre aucun risque pour ne pas froisser le fan-boy qui digère mal le dépaysement ? Sans doute un peu des deux. Toujours est-il que Gran Turismo est passé du statut d'avant-gardiste à celui de simulation quasi obsolète.
Pourtant, on ne peut pas voir que du négatif dans cette stagnation. Les sensations demeurent uniques et sur le marché du jeu de courses, on ne trouve aucun titre qui fasse autant rejaillir la personnalité et le profil des voitures. Dans le même ordre d'idées, les réglages et la préparation permettent de mettre l'accent sur des détails qui modifient complètement le comportement d'une caisse. Aussi, les premières épreuves, souvent disputées avec des modèles de série lourds et sous-puissants, assurent parfaitement ce rôle de prélude à la recherche du rapport poids/puissance le plus réduit possible. S'il l'on regrette de toute évidence que la plupart des épreuves se transforment en boucherie (pour vous ou pour l'IA) tant le modèle conduit fait la différence, l'exigence du timing, que ce soit dans les trajectoires ou dans la gestion des moments de freinage et d'accélération pousse le joueur à conduire impeccablement. Sur Playstation 3, vous ne trouverez aucune simulation qui tient compte à ce point de chacune des caractéristiques des voitures. Si le gameplay manque toujours de souplesse, celui-ci varie largement en fonction que vous conduisez une propulsion ou une traction ou en fonction du train de pneus. Et finalement, c'est cet ensemble qui rend les courses si différentes les unes des autres, bien aidé par le millier de voitures au rendez-vous, balayant tous les genres, toutes les époques. Côté circuits, on est en revanche un peu moins bien loti avec le revival de nombreux tracés présents depuis plusieurs épisodes. Rapidement, on tourne en rond dans les vingt lieux présents.
Le gameplay à proprement parler fait du surplace mais cela ne signifie pas que tout sent le renfermé dans Gran Turismo 5 ! En témoigne notamment l'apparition d'une vue intérieure toutefois réservée aux modèles Premium du jeu, soit environ 20% des 1031 voitures. La réalisation et la fidélité de cette caméra sont variables mais son principal atout est de doubler l'impression de vitesse. L'autre cheval de bataille de Polyphony a été la modélisation des dégâts, une grande première dans l'histoire de la série ! Quelle déception... Là encore, moins de 200 modèles sont concernés mais par dégâts, il faut entendre micro-rayures, brèves salissures, timides enfoncements de la carrosserie... La physique est loupée et les dégâts ne sont jamais à la hauteur des impacts... Pour voir son véhicule amoché, il faut jouer les kamikazes et transformer un rail de sécurité en mur de crash-test ! Ou alors, il faut atteindre le niveau 40 sur 40 pour en "bénéficier" pleinement. Un procédé bien étrange. Autre nouveauté dans Gran Turismo 5, la météo ! Réclamées à cor et à cris depuis le premier volet, les conditions climatiques dynamiques ne concernent là aussi qu'un nombre assez restreint d'épreuves selon le circuit qui les accueille. En vue intérieure, la pluie est d'ailleurs moins crédible qu'on nous la présentait dans les trailers... La météo est au final un plus mais aurait pu être mieux exploitée. Enfin, les courses d'endurance et certaines épreuves spéciales introduisent un cycle jour/nuit assez irréprochable dans la réalisation. Mais de nuit, le manque de visibilité est parfois exagéré au point de rendre l'épreuve quasi injouable... En résumé, Gran Turismo 5 compte plein de bonnes idées mais chacune d'entre elles compte autant de tares que de qualités.
Le contenu de Gran Turismo est aussi gonflé par l'apparition de nouvelles licences et de nouvelles disciplines. On pense par exemple au Nascar dont la recherche constante d'aspiration est vraiment bien rendue, le phénomène étant parfaitement simulé depuis toujours dans la série. Les ovales étaient déjà là, la lourdeur des véhicules aussi, il ne manquait plus qu'à modéliser quelques stock-cars et leur célèbre châssis de type tubulaire et le tour était joué ! On ne peut pas être aussi positif en parlant du karting qui est sans doute la catégorie la moins crédible du jeu ! Comment, en portant le gameplay de voitures de grand tourisme vers des karts, Polyphony pouvait penser une seconde être dans le vrai ? La conduite toute en dérapage hyper pêchue laisse place à des épreuves fades dans lesquelles les karts tournent simplement autour d'un axe... Bof ! Enfin, en marge des courses A-Spec, GT 5 propose des épreuves B-Spec où vous coachez un pilote en temps réel. Honnêtement, ce mode n'apporte rien et s'avère plus ennuyeux qu'autre chose, le joueur étant limité à "ralentis, garde ta vitesse, accélère" pour contrôler le calme et la progression de son poulain. De toute évidence, ce mode prend beaucoup trop de place dans Gran Turismo 5 car bien qu'il soit superflu, il compte énormément de courses en mesure de garnir votre compte en banque...
Gran Turismo 5 propose pour la première fois un éditeur de circuits. Nous ne savions pas vraiment à quoi nous attendre mais la fonctionnalité a fait briller les yeux des fans à son annonce. Ils tomberont de haut en constatant qu'en réalité, ce qui est appelé éditeur de circuits n'est en fait qu'un générateur de circuits. La différence est notable dans la mesure où le joueur n'a pas la mainmise sur le format du circuit qu'il souhaite créer. Après avoir choisi l'environnement, il doit tout d'abord sélectionner un tracé-type qui va servir d'ébauche. Ensuite, à lui de préciser le nombre de portions qui composeront le circuit puis d'en paramétrer la difficulté, la largeur de la route et la rigueur des virages. A partir de là, le générateur va faire son travail et proposer un circuit tout fait ! Un gadget malgré la possibilité de partager ses "créations" en ligne. Autre gadget, la fonction photo. En plus d'être in-game (pendant les replays uniquement), celle-ci permet de prendre des clichés de modèles Premium dans des endroits pittoresques à travers le monde comme la place principale d'Arhweiler ou le Hangar Red Bull... Différents effets peuvent être ajoutés pour immortaliser le moment...
Mais Gran Turismo 5, c'est aussi un mode multijoueur qui s'ouvre au online. Et c'est tant mieux ! En effet, aucun effort n'a été concédé sur l'écran splitté, toujours limité à des courses simples et zappant plusieurs caméras dont la fameuse vue intérieure... Le jeu en ligne était en ce sens indispensable pour donner un coup de fouet au multi de Gran Turismo. Si la bonne volonté est manifeste, les faits sont moins convaincants. Outre une interface mal fichue (après chaque course ou à chaque changement de serveur, le joueur est renvoyé au menu principal du jeu, il manque des filtres de recherche, le lancement d'une course est chaotique...), on note énormément de problèmes de connexion, peut-être ou peut-être pas liés à la récente ouverture des serveurs. Toujours est-il que la navigation est mal pensée et qu'il faut parfois batailler ferme pour rejoindre une course malgré la multiplication des parties. En revanche, on remercie Polyphony d'avoir pensé aux pénalités pour les bourrins ou les petits malins qui tondent la pelouse. Malheureusement, sur certains circuits, cela ne suffit pas (cf la dernière chicane du circuit de la Sarthe)...
- Graphismes15/20
Le jeu ne manque pas de crédibilité puisqu'il propose des couleurs et une modélisation des circuits parfaitement en accord avec une simulation. De plus, les voitures sont bourrées de détails et malgré des dégâts mal gérés, on apprécie de reluquer le moindre recoin de nos bolides. Mais que dire des innombrables soucis techniques dont est victime Gran Turismo 5 ? Aliasing omniprésent (sur les contours, sur les ombres), clipping, pixelisation honteuse de certaines textures... Sans compter le manque de détails aux abords des circuits... Dommage car en termes d'animation, les petits gars de Polyphony ont réellement fait très fort, le jeu étant parfaitement fluide de bout en bout.
- Jouabilité14/20
Il est très difficile de noter le gameplay de Gran Turismo 5. D'un côté, la simulation semble accuser un retard énorme sur la concurrence, du fait de sa rigidité et de la reconduite sans concession de mécanismes dépassés. D'autre part, on continue d'adorer l'exigence de ce timing et le respect du profil des voitures. Les sensations demeurent uniques, a fortiori en vue intérieure. Seulement voilà, il y avait tellement à corriger, tellement à faire évoluer... Notamment au niveau de l'IA dont le comportement est ridicule et scripté, au point qu'elle préfère se pénaliser que de vous donner une chance de dépasser proprement...
- Durée de vie17/20
Le jeu compte 1000 voitures, on en a beaucoup parlé mais au final, combien vont être utilisées durant une partie ? Peut-être une centaine tout au plus. Cet argument de vente n'en est finalement pas un, bien qu'on apprécie l'exhaustivité de l'offre des concessionnaires. Il ne faut pas omettre que beaucoup de modèles sont déclinés en de trop nombreuses versions. Malgré tout, Gran Turismo 5 est un jeu très riche, doté de nombreuses fonctionnalités et d'un jeu en ligne, ce qui manquait cruellement à la série. Sa vraie force est au final le côté très progressif de son mode GT Life.
- Bande son15/20
Comme c'est le cas pour l'ensemble du jeu, la bande-son est de qualité variable. Certaines sonorités de moteur sont bluffantes de réalisme, d'autres brillent par leur incohérence. Les bruitages ont également vieilli et on ne vous parle même pas des contacts qui accouchent sur des "chtong" aussi bizarres qu'étranges. Quant aux musiques qui accompagnent menus et courses, elles sont discrètes et bien choisies, encore une fois dans l'esprit de la série.
- Scénario/
Si Gran Turismo fut "The Real Driving Simulator", ce n'est plus le cas. En ne remettant en question aucun des mécanismes rigides et poussiéreux de la série, Polyphony a développé un jeu pour les fans de GT et uniquement pour eux. Toutefois, si à chaque fois la méthode est maladroite et le résultat discutable, Polyphony a beaucoup œuvré sur le contenu du jeu et sur l'enrobage des courses, sans doute au mépris du gameplay. Mais, pour bien nous faire comprendre, n'imaginez pas que Gran Turismo 5 est un mauvais jeu. Au contraire, la simulation conserve une forte personnalité et reste le seul jeu consoles à rendre un tel hommage à autant de mécaniques diverses et variées.