Sorti fin 2009, Divinity II : Ego Draconis s'était retrouvé en position d'outsider face à deux concurrents de taille, Dragon Age : Origins et Risen. Le jeu de rôle de Larian Studios a pourtant enchanté tous ceux qui s'y sont adonnés, tant ses petits défauts ne pesaient pas bien lourd à côté de ses qualités d'écriture et de son gameplay dynamique. Seule la conclusion, d'une magnifique audace, en a laissé certains sur leur faim. Ceux-là vont pouvoir évacuer leur frustration dans Divinity II : The Dragon Knight Saga. Ce pack regroupe le jeu de base et son extension Flames of Vengeance, qui clôt magistralement cette saga épique.
Avant d'entrer dans le vif du sujet, il convient de préciser que vous pouvez vous procurer Flames of Vengeance par deux biais différents. Disponible en téléchargement sur PC pour une vingtaine d'euros, cet add-on est également proposé dans une version boîte intitulée Divinity II : The Dragon Knight Saga, où il est associé à une version remastérisée du jeu de base, le tout pour 40 euros. Si le tarif de ce packaging est plus qu'honnête pour ceux qui ne possédaient pas encore Ego Draconis, les joueurs Xbox 360 et les joueurs PC réfractaires au téléchargement auront la sale impression de devoir repayer une deuxième fois le jeu de base pour pouvoir profiter de son extension. Une version boîte du seul Flames of Vengeance aurait été appréciée.
Autre regret : ceux qui avaient goûté à Ego Draconis sans en venir à bout auront la désagréable surprise de constater que leurs anciennes sauvegardes ne sont pas compatibles avec cette version remastérisée, qui les contraindra donc à reprendre l'aventure à zéro. D'un point de vue technique, il n'est pas nécessaire d'avoir bouclé le jeu de base pour lancer Flames of Vengeance. Car si cette extension vous permet d'importer une sauvegarde finale, elle vous donne aussi la possibilité de créer un nouveau personnage de niveau 35, en optant pour un archétype prédéfini (guerrier, mage, ranger et prêtre) ou en allouant vous-même les points octroyés. Mais scénaristiquement parlant, il nous paraît indispensable d'avoir vécu l'épilogue de Ego Draconis pour profiter pleinement de cette nouvelle campagne. Nous conseillons d'ailleurs à tous les lecteurs qui n'auraient pas fini le jeu de base de faire l'impasse sur le paragraphe suivant, qui lève le voile sur certains événements et contient donc des révélations susceptibles de vous gâcher la surprise.
Le twist final, audacieux et déconcertant, vous révélait en effet que votre avatar avait été manipulé, au même titre que Zandalor, par la retorse Talanna/Igraine. Non seulement Damian n'a pu être vaincu, mais vous lui avez même permis de retrouver sa moitié. Brillant ou frustrant, selon les points de vue, cet épilogue laissait tout de même augurer d'une suite, puisqu'on quittait le couple diabolique alors que son armada s'apprêtait à assaillir Rivellon. Flames of Vengeance s'ouvre sur le siège d'Aleroth et la tentative désespérée de Zandalor pour protéger la ville : afin de se procurer la puissance nécessaire pour ériger un bouclier d'énergie autour des remparts, le mage au chapeau pointu se voit contraint de briser la prison magique qui maintenait l'âme d'un certain Behrlihn en captivité. Ce dernier, qui n'est autre qu'un ex-serviteur de l'Alliance des Ténèbres, s'empresse de venir vous rendre visite dans votre prison astrale et vous libère à condition que vous l'aidiez à se réincarner. Après avoir été la marionnette de Talanna, accepterez-vous d'être celle de Behrlihn ?
L'aventure de Flames of Vengeance se déroule presque entièrement dans la cité d'Aleroth, dont vous avez eu un avant-goût dans l'opus précédent, et que vous avez peut-être même déjà parcourue dans Divine Divinity. Protégée des assauts incessants des forteresses volantes de Damian par le bouclier de Zandalor, envahie dans sa partie basse par des hordes de morts-vivants, la ville revêt un aspect crépusculaire qui n'empêche pas ses différents quartiers de rester très animés. C'est l'occasion de constater l'amélioration graphique dont bénéficie cette extension : antialiasing, textures en haute définition et gestion bien plus convaincante des sources de lumière sont au programme, sachant qu'il vous faudra tout de même disposer d'une bonne machine pour en profiter tout en conservant un framerate acceptable. Flames of vengeance reconduit par contre le même gameplay, sans proposer aucune nouvelle compétence. Plutôt que de respecter le cahier des charges habituel, Larian Studios a préféré concentrer la totalité de ses efforts sur l'écriture. Le résultat tient en un mot : magistral.
C'est bien simple, la première référence qui vient à l'esprit de l'auteur de ces lignes pour évoquer les qualités narratives de cette extension, c'est Planescape Torment. Certes, on a vite fait le tour des différents quartiers d'Aleroth, mais leur densité est assez exceptionnelle. Ils regorgent de PNJ qui ont tous une histoire à raconter et un rôle à jouer, et qui sont parfois au centre de plusieurs quêtes annexes. La démarcation entre la trame principale et les missions secondaires n'a d'ailleurs jamais été aussi ténue. Flames of Vengeance propose un réseau de quêtes en toile d'araignée d'une surprenante efficacité : quoi que vous fassiez, vous êtes sans arrêt parasité par d'autres sollicitations, et c'est généralement en effectuant une tâche ou en explorant un endroit qui n'a a priori rien à voir que vous tomberez sur l'élément qui débloquera la quête que vous aviez laissée en suspens. De manière générale, cette extension ne prend jamais le joueur par la main, et lui demande même régulièrement un effort auquel il n'est plus vraiment habitué : chercher un peu !
Cette architecture scénaristique brillante et jubilatoire s'appuie sur des dialogues tellement bien écrits qu'ils semblent sortis des meilleurs point'n click, et si les PNJ sont parfois caricaturaux, c'est pour mieux servir l'humour fin et décalé qui fait souvent mouche. Ici, vous aurez affaire à un théâtre baroque désaffecté où des fantômes veulent monter une pièce qui a échoué quelques décennies plus tôt. Là, vous devrez aider un cercle d'érudits machistes, charmés par une vamp qui les a transformés en légumes. Là encore, c'est un meurtre dans une maison close que vous aurez à élucider. Il vous arrivera également de croiser quelques personnages de Ego Draconis, comme ce fourbe de Willy à qui vous aurez l'occasion de rendre la monnaie de sa pièce. Flames of Vengeance regorge enfin de références culturelles et cinématographiques que vous pourrez vous amuser à relever (Terminator, Star Wars, Herbert West - Reanimator, etc.). Et s'il ne propose qu'une petite vingtaine d'heures de jeu, on y retrouve en concentré tout ce qui faisait la richesse et l'intérêt du jeu de base.
Flames of Vengeance parvient de surcroît à échapper partiellement au défaut typique de ce genre d'extensions : le grosbillisme trop souvent de rigueur. Votre personnage débute avec de nombreux pouvoirs, et le fait de disposer d'emblée d'un gros score d'anticipation est susceptible de lui faciliter la tâche. Mais d'un autre côté, il ne dispose à la base que d'un équipement minimal, sachant que les combats souffrent d'une difficulté toujours aussi punitive. Certains affrontements vous contraindront notamment – mais vous en avez désormais l'habitude – à faire marche arrière et à prendre quelques niveaux avant de revenir. Cet add-on corrige en tout cas le défaut majeur de Ego Draconis : les créatures ne sont plus imbattables ou inoffensives quand elles ont plus de 3 niveaux d'écart avec vous. Quoi qu'il en soit, l'aventure étant bien plus urbaine et sociale que celle du jeu de base, les combats y sont moins prépondérants. Vous aurez tout de même l'occasion de lutter sous votre forme de dragon dans une séquence spectaculaire. Le cocktail est donc parfaitement équilibré, et le plaisir immense.
- Graphismes16/20
Divinity II : The Dragon Knight Saga propose une amélioration graphique notable, assez discrète dans Ego Draconis, mais bien plus évidente dans Flames of Vengeance, qui s'appuie notamment sur une gestion de la lumière plus convaincante.
- Jouabilité17/20
The Dragon Knight Saga offre des mécanismes de jeu toujours aussi complets. Au programme, un système d'évolution très libre, mais aussi la possibilité de lire dans les pensées, de gérer votre tour de guerre et de vous transformer en dragon.
- Durée de vie16/20
Flames of Vengeance procure une vingtaine d'heures de jeu d'une remarquable intensité. En couplant cet add-on avec Ego Draconis, Focus Interactive vous offre une soixantaine d'heures de plaisir, ce qui est très satisfaisant vu le tarif pratiqué.
- Bande son17/20
Kirill Pokrovsky avait accouché de composition fabuleusement belles dans Ego Draconis. Plus classiques, les thèmes musicaux de Flames of Vengeance n'en restent pas moins d'une qualité remarquable. Les bruitages sont réussis et les doublages en français convaincants.
- Scénario19/20
Dotée d'une histoire fouillée et bien écrite et d'un twist final renversant, Ego Draconis témoignait déjà de grosses qualités narratives, que Flames of Vengeance se paie le luxe de transcender avec ses quêtes annexes mémorables.
N'y allons pas par quatre chemins : Flames of Vengeance est une extension d'une qualité exceptionnelle. Toujours à contre-courant, l'équipe belge de Larian Studios a pris le parti de ne proposer aucune nouveauté de gameplay et de cantonner l'action dans un seul et unique endroit, de surcroit peu étendu, pour se concentrer uniquement sur l'écriture. Le résultat est une expérience jubilatoire, dont les qualités narratives renvoient à d'illustres références comme Planescape Torment. Cet add-on rend donc l'acquisition de The Dragon Knight Saga, qui inclut une version remasterisée du jeu de base, absolument indispensable pour tous les joueurs qui avaient fait l'impasse sur ce petit chef-d'oeuvre.