Les amateurs de jeux vidéo connaissent bien Shaun White puisque la star des sports de glisse a déjà donné son nom à plusieurs jeux de snowboard estampillés Ubisoft. Ce que l'on sait peut-être un peu moins, c'est que ce champion excelle aussi bien dans la poudreuse que sur le bitume. En effet, le bougre est aussi un skateur de renom. C'est d'ailleurs cette seconde casquette qui lui vaut l'honneur d'avoir droit à un jeu de skate à son nom. Le pari de lancer ainsi une nouvelle série est plutôt risqué : le titre arrive dans nos boutiques en même temps que Tony Hawk : Shred et subira de plein fouet la concurrence de la licence Skate qui s'est dernièrement imposée comme la référence du genre. Au lieu d'aller chercher la confrontation directe, les petits gars d'Ubisoft ont préféré se démarquer de ces deux mastodontes en empruntant une troisième voie particulièrement originale. Shaun White Skateboarding ne ressemble pas à ses petits collègues tout simplement parce qu'il nous entraîne dans une aventure totalement fantastique.

Vous incarnez un employé sage et discipliné travaillant au Ministère, l'administration centrale qui gère tous les aspects de la vie dans la ville de New Harmony. Les principes de cette dictature sont simples : les habitants ne doivent pas ressentir la moindre émotion pour ne pas être tentés de se rebeller. L'espace public est à l'image de cette doctrine, c'est-à-dire neutre et froid. Les couleurs, l'imagination ou la pratique du skate sont formellement prohibées par ce régime. Un groupe de rebelles, le Rising, tente cependant de faire bouger les choses. Le dissident le plus recherché par les autorités n'est autre que Shaun White et votre aventure débute alors qu'il vient justement de se faire pincer par les forces de l'ordre. C'est d'ailleurs en récupérant sa planche de skate que vous êtes subitement libéré de l'emprise du Ministère. Vous voilà promu au rang de skateur de génie avant même que vous vous en rendiez compte. Non seulement vous avez visiblement un don pour manier votre planche, mais vous êtes capable de transformer votre environnement immédiat en réalisant des tricks. Un peu à la manière d'un de Blob, votre but est donc de redonner des couleurs à la ville de New Harmony en traînant vos roues dans les différents quartiers.

La ville de New Harmony s'apparente à un monde ouvert mais cela ne veut pas dire pour autant que vous aurez directement accès à la carte dans son ensemble. En effet, il vous faudra réaliser des missions pour que les quartiers se débloquent les uns après les autres. On pourrait donc ainsi résumer la progression de manière assez grossière : on débarque dans une partie de la ville où non seulement les rues et les bâtiments sont gris, mais aussi les passants. Il faut alors enchaîner les tricks pour redonner des feuilles aux arbres, pour que les commerces ouvrent leur rideau de fer et pour que les couleurs fusent de toutes parts. Les habitants aussi subiront votre influence et retrouveront leur liberté. Malheureusement de simples tricks ne suffisent pas toujours à rendre les lieux plus accueillants, il vous faudra aussi emmagasiner du flow, une énergie générée par vos cabrioles. La jauge située en bas de l'écran vous indique ainsi quelle est la quantité de flow que vous avez créée, elle est scindée en trois parties. Il suffit par exemple de remplir le premier segment pour libérer toutes les personnes et tous les spots qui ont une aura jaune, ceux qui ont une aura bleue nécessiteront de remplir aussi le second segment... Les transformations que vous réalisez en utilisant cette énergie ne se limitent pas au seul aspect décoratif, vous modelez réellement le terrain.

Concrètement, lorsqu'une aura jaune plane au-dessus de la route et que vous disposez de suffisamment de flow, il vous suffit de plaquer un petit trick pour que des bosses ou un tremplin apparaissent. Attention, vous ne pouvez pas choisir de transformer la chaussée selon vos goûts, les déformations du terrain se feront automatiquement de la manière qui était déjà prévue. Il existe une autre façon, elle aussi assez spectaculaire, de créer de toutes pièces de nouveaux éléments de décor. Il suffit par exemple de commencer à faire un grind sur une étrange flèche verte pour que le rail se prolonge comme par magie dans les airs. Dans les premiers temps vous ne pouvez pas contrôler la direction que prendra cette escapade façon Bobby Drake, alias Iceberg des X-Men, mais au cours de votre aventure vous apprendrez finalement à glisser où bon vous semble en utilisant cette méthode. De la même manière, il est possible de créer des rampes ou même des morceaux de rues en utilisant la même méthode sur des spots bien définis. Au final, vous comprendrez sans mal que le gameplay de Shaun White Skateboarding n'a vraiment plus rien de réaliste mais ces entorses aux lois de la physique les plus élémentaires ont finalement le mérite de planter clairement le décor : il s'agit tout simplement de s'éclater en enchaînant les figures les plus improbables qui soient.

Les amateurs de simulation peuvent donc passer leur chemin mais ce n'est pas pour autant que les amoureux de sensations fortes y trouveront toujours leur bonheur. En effet, le gameplay de Shaun White Skateboarding est assisté à l'extrême : l'équilibre est quasiment toujours assuré sur un grind et il faut par exemple vraiment tomber la tête la première pour faire une chute... Cette simplicité plaira certainement aux joueurs qui n'aiment pas se casser la tête en apprenant toute une multitude de combinaisons de touches. Cela ne veut pas dire que les plus appliqués ne prendront pas le temps de débloquer les différents tricks qui nécessitent un peu plus de doigté. Ces derniers ne sont pas disponibles d'emblée, il faut les acheter avec les points d'expérience que vous avez glanés en accomplissant les missions ou les défis proposés. On regrette tout de même un certain manque de cohérence dans les commandes qui ne pousse pas vraiment à s'y plonger sérieusement. Dans un épisode de Skate par exemple, la gâchette droite correspond à la main droite tandis que la gâchette gauche correspond à la main gauche. Ici les gâchettes ont parfois trop de fonctions qui n'ont pas forcément de rapport entre elles. Sur le plan de la prise en main pure et dure, ce Shaun White Skateboarding opte donc pour une approche qui peut sembler aujourd'hui relativement datée.

Au final, la plupart des joueurs se contenteront donc de reproduire toujours les mêmes figures ou d'essayer au hasard les différentes combinaisons de touches. Cette réserve est de taille mais elle est plus ou moins compensée par l'originalité de la campagne solo. Il faut en effet reconnaître que les explosions de couleurs et autres transformations de l'environnement urbain ont de quoi séduire le joueur en mal d'émotions fortes. Mais encore une fois, il faut mettre un bémol à cette remarque : d'un point de vue purement technique, les graphismes sont loin d'être exemplaires. Bref on ne peut donc dresser qu'un bilan mi-figue mi-raisin : les amateurs d'originalité trouveront peut-être leur compte, mais les fans de skate risquent d'être déçus par un gameplay à la fois trop assisté et pas assez intuitif. Notez enfin qu'un multijoueur sympathique permettant des affrontements online ou en écran splitté finira peut-être par convaincre les plus curieux tandis qu'il fâchera définitivement les habitués du genre qui n'ont aucune envie de se faire battre par leur petite sœur.