Fer de lance de Konami, Castlevania aura montré au fil du temps une véritable cohérence artistique synonyme d'évolution qualitative constante à quelques exceptions près. On pouvait donc craindre, après l'expérience HD de Silent Hill, que la saga ne périclite dans les mains du studio espagnol MercurySteam. Toutefois, c'est tout le contraire puisque si les développeurs ont opté pour des valeurs refuge, la qualité finale de ce Lords of Shadow en surprendra plus d'un.
Le destin des héros vidéoludiques n'est généralement pas des plus enviables. Prenez Gabriel Belmont. Le pauvre bougre a perdu sa femme et va, tel Dante, passer par bien des épreuves pour tenter de ramener sa belle d'entre les morts. Et c'est ainsi que chemin faisant, il va croiser la route de personnages hauts en couleur, d'une mystérieuse demoiselle accompagnée de son gardien de métal au satyre Pan en passant par un compagnon d'armes du nom de Zobek. Sur ce point, MercurySteam s'est donc employé à récupérer des éléments issus du folklore européen pour offrir à ce Lords of Shadow une délicieuse ambiance de conte de fées gothique renforcée par un doublage anglais servi par un casting 5 étoiles. En somme, si la structure narrative du titre est classique dans son déroulement, elle profite néanmoins d'une mise en scène intéressante. Celle-ci se permet même quelques plans s'appuyant sur des artifices connus (ralentis, cabrioles et autres postures iconiques) afin de donner au soft une atmosphère des plus hollywoodiennes. Ce point ne plaira peut-être pas aux vieux de la vieille mais qu'importe, Lords of Shadow assume ses liens de parenté avec plusieurs blockbusters vidéoludiques et le résultat se veut des plus impressionnants.
En tout premier lieu, on saluera l'éclectisme environnemental qui, paradoxalement, ne rompt en rien le charme et la cohérence graphique de l'ensemble. L'effet Darksiders en somme. De fait, on appréciera de passer par une pléthore de décors tous plus différents les uns des autres. Bien sûr, on retrouve ici les passages obligés (cimetière, village désert, château perché au sommet d'une montagne enneigée...) mais dans tous les cas, les artistes espagnols se sont pliés en quatre pour sublimer leurs créations via des éclairages diffus offrant à certains plans une beauté à couper le souffle. Pour autant, tout n'est pas parfait puisqu'on notera tout du long de l'aventure de vilaines traces d'aliasing venant parfois minimiser la réussite graphique de quelques plans. Rien de bien grave cependant dans le sens où vous serez la plupart du temps occupé à abattre les hordes d'ennemis à votre rencontre. Ici aussi, c'est une franche réussite, les multiples folklores européens offrant un bestiaire conséquent d'où émergera l'inévitable vampire, le puissant loup-garou, la fée virevoltante, les goules... Notez à ce sujet qu'il sera possible de grimper sur plusieurs créatures pour vous sortir d'une mauvaise passe.
Si le « dressage » de monstres sera toujours induit par une véritable nécessité, disons que cet aspect demeure moins gadget que dans d'autres jeux. Vous devrez ainsi prendre possession d'un sanglier géant ou d'un troll pour défoncer des portes, grimper sur le paletot d'une araignée pour créer un pont de toile ou chevaucher un loup-garou pour sauter au-dessus de précipices. Marrant, beaucoup plus en tout cas que la présence des Chupacabras, ces petits êtres ayant tendance à vous piquer vos reliques et à décamper jusqu'à ce que vous retrouviez leur trace après une partie de cache-cache. Peu intéressant si ce n'est pour reluquer un niveau sous toutes les coutures. Le hic est que les développeurs se sont bornés à recycler cette idée plusieurs fois. Étrange car cela réduit d'autant plus le rythme du jeu et que l'ensemble dispose de suffisamment de variété pour tenir le joueur éveillé. A ce sujet, on pourra évoquer les inévitables phases de plates-formes centrées autour de la croix de combat faisant aussi office de fouet. A ceci on rajoutera quelques énigmes peu évoluées mais permettant de souffler entre deux rixes. Au sujet de ces dernières, précisons d'emblée qu'elles s'appuient sur un mélange d'actions contextuelles, de contres, choppes et de divers combos, le tout étant saupoudré de magie.
En lieu et place de véritables sorts, vous pourrez user de la magie des ténèbres et de la lumière, chacune étant liée à une jauge. En usant de la première, vous pourrez frapper plus fort alors que la seconde vous permettra de regagner de la vitalité. Mais ce n'est pas tout puisqu'en associant plusieurs touches, vous pourrez canaliser vos coups, courir plus vite pour défoncer des parois ou sauter plus loin. A ce stade, l'influence de Devil May Cry est aussi évidente que celle de Shadow of the Colossus lors de deux combats mémorables où il conviendra de gravir un géant pour détruire plusieurs points vitaux. Mais redescendons sur terre pour revenir brièvement sur le système de combat. Comme vous pouvez vous en douter, vous aurez l'occasion d'acheter de nouveaux mouvements ou d'upgrader ceux déjà acquis. Au final, on profitera d'une bonne panoplie d'attaques aériennes ou terrestres auxquelles viendront s'ajouter des contres (à réaliser en respectant un timing) pour lancer de fulgurantes contre-attaques. Enfin, outre des dagues et des fées pour perturber l'adversaire, il sera possible d'user d'un cristal noir pour invoquer un démon des plus impressionnants.
Sur le plan de la diversité, Lords of Shadow s'en sort donc avec les honneurs. Oui, il reprend à droite et à gauche toutes les idées qui ont fait le succès de dizaines de beat'em all mais non, cela ne gâche en rien l'expérience. Au contraire, ces influences apportent un souffle épique à l'aventure dont le tempo ne faiblit quasiment jamais. Bien entendu, chacun des 12 chapitres du périple de Gabriel ne réserve pas autant de surprises mais il serait hypocrite de pointer du doigt ce détail dans le sens où MercurySteam a essayé, et réussi, à pallier ce défaut en maximisant une fois encore sur la pluralité des paysages. Le jeu étant par ailleurs peu avare en contenu à débloquer, on aura tôt fait de revenir dans les niveaux déjà visités pour glaner telle ou telle évolution sans pour autant éprouver un trop fort sentiment de lassitude. A vous dès lors de vivre l'aventure comme vous le souhaitez mais sachez que pour apprécier pleinement cette nouvelle épopée d'un Belmont, il vous faudra faire table rase du passé en acceptant que la série fasse désormais du gringue au beat'em all en omettant quelque peu la dimension aventure-RPG chère aux précédents volets.
- Graphismes16/20
Si on fait l'impasse sur l'aliasing rompant parfois le charme de certains plans, ce Castlevania se pare de décors éclectiques. Raffiné et proposant de surcroît des éclairages magnifiques sublimant la plupart des décors, cet opus mélange les ambiances tout en recouvrant l'ensemble de l'aventure d'une chape gothique. Par ailleurs, le bestiaire se montre relativement complet en mélangeant ici aussi les influences européennes en allant piocher dans le folklore espagnol, allemand, grec...
- Jouabilité16/20
Bien que le gameplay soit accessible dès les premières minutes, il n'en demeure pas moins évolutif au fil de l'aventure. Ainsi, on pourra débloquer plusieurs coups à mesure qu'on avance tout en récupérant des pièces d'armures (gants et bottes) de plus en plus évoluées nous permettant de courir plus rapidement, de concentrer ses coups, etc. Enfin, les esquives, choppes, contres et combos amènent une vraie diversité dans les affrontements. D'autant plus vrai que la dualité lumière/ténèbres amène un intéressant système de magie qu'il faudra maîtriser pour vivre l'aventure sans trop d'encombres.
- Durée de vie15/20
On nous promettait une vingtaine d'heures de jeu et le moins qu'on puisse dire, c'est que les développeurs ne nous ont pas menti. En privilégiant le mode Normal, vous connaîtrez déjà certaines difficultés alors imaginez en Difficile. Par ailleurs, vous aurez tôt fait de revenir dans les niveaux déjà visités une fois acquis certains compétences pour débloquer la totalité des upgrades.
- Bande son16/20
Le doublage anglais est de grande qualité tout comme les musiques symphoniques dont l'orchestration s'avère réussie. Néanmoins, on reprochera à ces dernières de ne pas être en plus grande nombre et d'opter un peu trop pour le même style emphatique et ce malgré quelques chants religieux du plus bel effet venant rompre la cacophonie ambiante.
- Scénario14/20
Bien que la destinée de Gabriel soit mue par une noble cause, le traitement de son périple reste assez conventionnel d'un point de vue scénaristique. Heureusement, la mise en scène se montre parfois inventive ou du moins très hollywoodienne afin d'offrir au joueur quelques séquences passablement réjouissantes.
Alors qu'on pourra taxer Castlevania : Lords of Shadow de simple pot-pourri vidéoludique, force est de reconnaître que, paradoxalement, le mélange d'influences sied à merveille au renouveau de la série en lui offrant une véritable cohérence et surtout une touche plus démesurée que jamais. Multipliant les clins d'oeil à Devil May Cry, Shadow of the Colossus ou God of War, ce nouveau cru de Castlevania opte pour une évolution, certes plus grand public, mais aussi et surtout une vision romancée et hollywoodienne à la fois d'une saga légendaire. En définitive, MercurySteam signe un bel exploit tout en tenant la dragée haute aux ténors du genre. Honnêtement, nous n'en attendions pas tant...