On a essayé de nous faire croire pendant des années que le premier garçon de ferme venu pouvait sans difficulté piloter un vaisseau spatial. N'en déplaise aux adorateurs de Mark Hamill, on n'apprend pas à manier un destroyer stellaire ni même un chasseur en deux coups de cuillère à pot. Vous pourrez d'ailleurs en faire la douloureuse expérience grâce à Infinite Space : le poste de capitaine d'une flotte spatiale est tout sauf reposant.
Infinite Space est le troisième titre estampillé PlatinumGames à débarquer dans nos rayons. N'en déduisez pas pour autant qu'il s'agit là de la dernière progéniture des créateurs de MadWorld ou de Bayonetta, c'est en réalité à Nude Maker que l'on doit ce space opera sur DS. Ceux qui ont une bonne mémoire se souviennent que le studio en question s'est surtout fait connaître avec les Steel Battalion, des simulations de mécha sur Xbox qui poussaient le réalisme jusqu'à proposer un accessoire encombrant qui reproduisait les commandes de ces énormes engins. Nude Maker continue visiblement de faire dans la démesure puisqu'il nous propose désormais de prendre le contrôle de toute une flotte spatiale. Pas la peine pour autant de pousser les meubles de votre salon pour faire de la place à un éventuel accessoire encombrant, ici le seul accessoire qui vous sera nécessaire est le stylet de votre DS. En effet la petite touche réaliste d'Infinite Space réside moins dans la prise en main des vaisseaux que dans la gestion rigoureuse de votre flotte et de votre équipage.
Les premiers pas de cette aventure ont quelques airs de déjà-vu mais heureusement le scénario finit petit à petit par s'étoffer et les personnages principaux par acquérir un peu plus de profondeur. Vous incarnez Yuri, un jeune garçon de 16 ans qui déroge aux règles en vigueur sur sa planète pour se lancer dans l'exploration spatiale. Son but est en réalité de faire la lumière sur l'origine et sur la fonction d'étranges artefacts appelés Epiteths. Avant de mourir, son père lui a légué l'un de ces objets sans pour autant lui révéler le secret qu'il recèle... Yuri se retrouve rapidement lancé dans le grand bain spatial, forcé de prendre le contrôle d'un vaisseau de combat afin de faire face au dictateur qui régit sa planète. De fil en aiguille sa flotte va comporter de plus en plus de bâtiments et il se retrouvera à la tête d'un véritable équipage. Tous les coups de main sont bons à prendre pour voyager sur les routes spatiales qui sont plutôt malfamées. En effet vous ne vous déplacez pas librement d'un spatioport ou d'une planète à l'autre, il vous faut suivre de grands axes prédéterminés. Le moindre trajet est risqué puisque des rencontres aléatoires vous attendent sur le bord du chemin. Ne prenez pas ces nombreux combats à la légère, une méchante rafale laser pourrait bien anéantir vos vaisseaux.
Autant vous prévenir, Infinite Space est un jeu ardu : il suffit parfois d'une minute d'inattention pour perdre le dessus lors de ces duels spatiaux et le moindre affrontement qui tourne mal se traduit par un game over sans appel. Le titre de Nude Maker a beau proposer une myriade de fonctionnalités, les combats obéissent finalement à des règles relativement simples. Pour commencer vous ne dirigez pas chacun de vos vaisseaux individuellement, mais directement l'ensemble de votre flotte. Les affrontements ne se plient pas à la fameuse règle du tour par tour : une jauge située à gauche de l'écran se remplit progressivement en vert, en jaune puis en rouge et vous donne accès à différentes actions. Ces dernières ont en effet un coût différent : une manœuvre d'évitement consomme moins d'énergie qu'une attaque simple qui elle-même est moins coûteuse qu'un puissant tir de barrage. Ces trois commandes de base fonctionnent sur un système de faiblesses complémentaires : l'esquive ne fonctionne que si votre ennemi lance un tir de barrage, vous recevrez au contraire plus de dégâts qu'à l'accoutumée s'il envoie une attaque normale. Au final vous êtes donc obligé de toujours garder un œil sur la couleur du vaisseau adverse afin d'avoir une idée du niveau de charge de sa propre jauge et d'espérer ainsi deviner sa prochaine manœuvre.
Seules ces trois commandes de base sont disponibles dès le début de l'aventure mais d'autres manœuvres viendront petit à petit apporter un peu plus de diversité aux combats. Vous aurez ainsi rapidement la possibilité d'accoster le vaisseau ennemi afin que les deux équipages s'affrontent directement suivant un système de faiblesses à la "pierre-feuille-ciseaux". Il sera aussi possible d'envoyer de petits chasseurs bien cachés au fond de vos soutes afin de harceler vos ennemis ou encore d'utiliser des attaques spéciales qui dépendront des caractéristiques de vos officiers. Tous les combats comportent enfin une dernière composante primordiale : il vous faut gérer la distance qui vous sépare de la flotte adverse. Non seulement vos attaques auront plus de chance de faire mouche si vous visez le vaisseau ennemi situé en tête de l'armada ennemie, mais vous pouvez aussi jouer sur la portée des différentes armes en avançant ou en reculant. Chaque arme dispose en effet d'un certain rayon d'action et il faut donc régulièrement s'approcher de l'adversaire pour le canarder et reculer avant qu'il ne fasse de même. Évidemment toutes ces subtilités deviendraient vite barbantes si les caractéristiques de vos vaisseaux étaient imposées, c'est finalement en personnalisant ces beaux engins avant de se lancer dans la bataille que l'on peut réellement jouer sur le cours des combats.
Vous vous en doutez peut-être, on n'achète pas un vaisseau spatial en flânant dans les rayons d'un supermarché. Il vous faudra commencer par mettre la main sur des plans de l'un de ces engins pour qu'ensuite une usine accepte de vous concevoir le modèle en question. Il s'agit bien entendu toujours là d'un douloureux investissement et vous serez souvent obligé d'économiser patiemment avant de pouvoir vous offrir un nouveau joujou. Chaque vaisseau possède bien entendu des caractéristiques qui lui sont propres, il y a d'ailleurs près de 200 modèles différents, mais vous pouvez surtout modifier ces engins à votre guise en passant par le menu de personnalisation. Il est ainsi possible de remplacer leurs armes ou d'installer différents modules qui viennent booster tel ou tel paramètre. Les module en question ressemblent à s'y méprendre à des pièces de Tetris qu'il vous faudra agencer de manière intelligente pour optimiser l'espace disponible dans les soutes du vaisseau. De la vitesse de l'engin, au nombre de membres d'équipage présents, en passant par la portée ou l'armure, c'est ainsi une douzaine de paramètres que vous aurez à prendre en compte avant de partir faire un tour dans le vide spatial.
Si l'optimisation des vaisseaux est l'un des aspects les plus importants du jeu, la gestion de l'équipage est elle aussi primordiale. Une trentaine de postes à responsabilité sont en effet à pourvoir au sein de votre flotte : il ne suffit pas d'un capitaine pour mener à bien une telle entreprise, vous aurez aussi besoin d'artilleurs, de médecins, de pilotes ou même de comptables... Certains personnages viendront se joindre à vous et vous pourrez recruter les autres directement dans des guildes. Attention, ces derniers ne vous suivront pas si vos faits d'armes ne sont pas suffisamment légendaires à leurs yeux. Chaque personnage dispose de dix caractéristiques et parfois de compétences particulières qui vous permettront de les assigner aux postes qui leur conviennent. Mieux vaut ne pas tout miser sur la puissance de feu, un bon comptable vous permettra par exemple de gagner un peu plus à la fin de chaque combat tandis qu'un bon scientifique pourra optimiser plus rapidement votre vaisseau. Il faut donc gérer avec soin toute sa petite équipe pour espérer remporter des victoires, à ce titre et en exagérant un peu, on pourrait presque comparer Infinite Space à un Football Manager accommodé à la sauce spatiale. La comparaison peut faire sourire mais il s'agit surtout de vous avertir que seuls les joueurs méticuleux trouveront leur bonheur dans ce titre.
Pas la peine de se voiler la face, Infinite Space n'est pas le genre de jeu qui vous séduit au premier coup d'œil. Il bénéficie certes de quelques rares séquences animées plutôt jolies, mais le reste du temps il vous faudra faire avec une 3D incroyablement vieillotte et des menus un peu trop touffus. Précisons au passage que Sega n'a pas dénié traduire le jeu en français, le rendant encore un peu moins accessible au plus grand nombre. Rien n'est fait pour vous faciliter la tâche, le jeu ne propose même pas un journal de quêtes qui aurait pu vous donner quelques indications sur votre prochaine destination. Ceux qui feront tout de même l'effort de se lancer dans cette aventure découvriront petit à petit que le titre recèle finalement une profondeur et une richesse insoupçonnées. Si l'envie vous prend de personnaliser des vaisseaux spatiaux pendant des heures avant de vous lancer dans des affrontements réellement ardus, ne passez pour rien au monde à côté de cet Infinite Space. Le titre de Nude Maker a en effet tout pour satisfaire les joueurs patients et méticuleux qui ne s'arrêtent pas à l'apparence des choses et qui cherchent à s'investir dans un jeu complet et complexe.
- Graphismes11/20
Il y a bien quelques rares jolies séquences animées mais la plupart du temps le scénario n'avance qu'à grand renfort d'images fixes et les combats donnent lieu à des représentations 3D incroyablement datées.
- Jouabilité15/20
Ne vous attendez pas à être guidé par la main pour apprendre petit à petit les subtilités du gameplay, vous serez tout simplement lancé dans le grand bain spatial et les premiers combats vous paraîtront aussi confus qu'insurmontables. Malgré tout, au fil du temps, vous découvrirez que le gameplay dispose d'une profondeur insoupçonnée.
- Durée de vie18/20
La durée de vie est tout simplement monstrueuse et il vous faudra au moins une soixantaine d'heures pour venir à bout de la quête principale sans forcément collectionner tous les petits à-côtés. Notez enfin que le jeu propose aussi un mode deux joueurs assez anecdotique qui vous permettra de défier un ami.
- Bande son12/20
Les musiques sont correctes mais les voix digitalisées paraissent souvent un peu étouffées et il faut surtout s'accommoder de bruitages tout simplement immondes lors des batailles spatiales.
- Scénario16/20
Si le scénario semble cliché à première vue, il prend petit à petit de l'ampleur et de la profondeur pour finalement nous proposer un space opera dans les règles de l'art.
Infinite Space n'est pas le genre de RPG qui vous séduit en un seul coup d'œil : la première bouchée peut paraître un peu amère, mais plus vous progresserez dans le jeu, plus vous découvrirez un contenu riche et intéressant qui rend honneur aux meilleurs représentants du space opera.